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Saint-Agnant-de-Versillat (Creuse)

Saint-Agnant-de-Versillat (Creuse)

 

Lanterne des morts du XIIe-XIIIe siècle.

 

Avec ses colonnettes plaquées sur les angles du fût polygonal elle constitue le pendant de celle de La Souterraine.

 

Toutes les lanternes des morts se présentent sous la forme d'une colonne creuse, ajourée au sommet. L'évidement de la colonne permet l’ascension d’une lampe à huile dont la lueur est visible la nuit à travers les ouvertures du fanal au sommet.

 

La plus ancienne trace écrite (XIIe siècle) qui évoque une structure semblable est un passage du De miraculis de Pierre le Vénérable*.

 

Vers 1150, la veille de la Noël. Au prieuré de Charlieu dans la Loire, un jeune oblat voit apparaître son oncle Achard, mort depuis quelques années, qui l’invite à le suivre pour contempler des choses merveilleuses. Après avoir quitté le dortoir et traversé cloître majeur et cloître des malades, ils arrivent au cimetière. Là, dans une clarté indéfinissable, l’enfant voit une foule innombrable d’hommes vêtus de l’habit monastique, assis sur des sièges. La scène se poursuit avec la description d’une véritable lanterne des morts : "Il y a, au centre du cimetière, une construction en pierre, au sommet de laquelle se trouve une place qui peut recevoir une lampe, dont la lumière éclaire toutes les nuits ce lieu sacré, en signe de respect pour les fidèles qui y reposent. Il y a aussi quelques degrés par lesquels on accède à une plate-forme dont l’espace est suffisant pour deux ou trois hommes assis ou debout*."

 

De manière générale, les lanternes sont concentrées dans le Limousin, le Poitou et la Saintonge.

 

(Sur le sujet, on peut voir : crm.revues.org/pdf/393)

 

 

* Pierre le Vénérable (Pierre de Montboissier), issu d'une des plus puissantes famille noble d'Auvergne par son père. Sa mère obtint du vivant de son mari, la permission de rentrer au couvent une fois les enfants élevés et lui mort. Pierre le vénérable sera abbé de Cluny de 1122 à 1156. Il fera traduire le Coran en latin (pour mieux le réfuter)**. Pierre le Vénérable est aussi l'auteur d'un "Livre des merveilles de Dieu" (De Miraculis). Il apparaît d'un antijudaïsme** fondamental (il propose par exemple de lever un impôt sur les juifs).

 

** "Qu’on donne à l’erreur mahométane le nom honteux d’hérésie ou celui, infâme, de paganisme, il faut agir contre elle, c’est-à-dire écrire. Mais les latins et surtout les modernes, l’antique culture périssant, suivant le mot des Juifs qui admiraient jadis les apôtres polyglottes, ne savent pas d’autre langue que celle de leur pays natal. Aussi n’ont-ils pu ni reconnaître l’énormité de cette erreur ni lui barrer la route. Aussi mon cœur s’est enflammé et un feu m’a brûlé dans ma méditation. Je me suis indigné de voir les Latins ignorer la cause d’une telle perdition et leur ignorance leur ôter le pouvoir d’y résister ; car personne ne répondait, car personne ne savait. Je suis donc allé trouver des spécialistes de la langue arabe qui a permis à ce poison mortel d’infester plus de la moitié du globe. Je les ai persuadés à force de prières et d’argent de traduire d’arabe en latin l’histoire et la doctrine de ce malheureux et sa loi même qu’on appelle Coran. Et pour que la fidélité de la traduction soit entière et qu’aucune erreur ne vienne fausser la plénitude de notre compréhension, aux traducteurs chrétiens j’en ai adjoint un Sarrasin. Voici les noms des chrétiens : Robert de Chester, Hermann le Dalmate, Pierre de Tolède ; le Sarrasin s’appelait Mohammed. Cette équipe après avoir fouillé à fond les bibliothèques de ce peuple barbare en a tiré un gros livre qu’ils ont publié pour les lecteurs latins. Ce travail a été fait l’année où je suis allé en Espagne et où j’ai eu une entrevue avec le seigneur Alphonse, empereur victorieux des Espagnes, c’est-à-dire en l’année du Seigneur 1141". Pierre le vénérable, cité par Jacques le Goff, Les Intellectuels au Moyen Age, "Le temps qui court", Le Seuil, 1957.

 

** "Les Juifs, qui vivent au milieu de nous sont bien plus mauvais que les Sarrazins : ils blasphèment librement, audacieusement, foulent au pied et souillent le Christ et les sacrements divins. Les Juifs sont les plus grands ennemis des chrétiens; s'ils s'en sortent indemnes, Dieu se détournera de nous. En effet, les Juifs doivent être haïs parce qu'ils haïssent Dieu. Les Sarrazins doivent être haïs parce que bien qu'ils reconnaissent que le Christ est né d'une vierge et sentent beaucoup de choses comme nous, ils nient la mort du Christ et sa résurrection, dans lequel réside notre salut. Or les Juifs doivent être d'autant plus détestés, eux qui ne sont d'accord en rien sur le Christ et la foi chrétienne, et qui rejettent tous les sacrements de la Rédemption humaine, les blasphèment et s'en moquent. Mais les Juifs ne doivent pas être tués, comme l'a dit le prophète : « Dieu me montre mes ennemis pour que je ne les tue pas » [Psal. 58. 2]; ils doivent être asservis à une vie pire que la mort, pour leurs plus grands tourments et leur plus grande ignominie, comme Caïn. Ils doivent être damnés par le Seigneur, preuve de la sévérité très juste de Dieu, qui s'exerce depuis la Passion et s’exercera jusqu'à la fin des temps : ils sont répandus sur toute la terre parce qu'ils ont répandu le sang du Christ sur la terre. Ainsi les Juifs ne doivent pas être tués, mais leurs vices doivent être punis. […] Certes ce que j'ai présenté peut suffire à tout homme, par la certitude de la chose elle-même. Mais, avec le Juif, dont j'ignore s'il est un homme, je dois continuer mon argumentation. Vraiment j'ignore si le Juif est un être humain, parce qu'il ne cède ni à la raison humaine, ni aux autorités divines, ni à ses propres écritures : je ne sais pas s'il est un homme, lui dont le coeur de pierre n'a pas été enlevé à sa chair, qui n'a pas reçu un coeur de chair, chez qui l'Esprit de Dieu n'a pas été encore placé. Sans cet esprit, aucun Juif ne peut être converti.” Pierre le Vénérable : Epistulae, 130 ,(lettre à Louis VII), 189, (vers 1150)

 

 

* Obtinet autem medium coemeterii locum, structura quaedam lapidea, habens in summitate sui quantitatem unius lampadis capacem, quae ob reverentiam fidelium ibi quiescentium totis noctibus fulgore suo locum illum sacratum illustrat. Sunt et gradus per quos illuc ascenditur, supraque spatium duobus vel tribus ad standum vel sedendum hominibus sufficiens. Éd. D. Bouthillier (op. cit. n. 2), p. 160.

 

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Uploaded on June 28, 2016
Taken on June 27, 2016