Musée d'Orsay - Paris
Jean-Auguste-Dominique Ingres, né le 29 août 1780 à Montauban et mort le 14 janvier 1867 à Paris, est un peintre français également excellent musicien, il fut second violon auprès de l'Orchestre de Toulouse, ce qui l'amena à se lier d'amitié avec les plus grands violonistes de son temps.
Une odalisque dite La Grande Odalisque
1814 (présentée au Salon de 1819)
Dimensions : 91 × 162 cm
Huile sur Toile
________________________________________________________________________________________________________
Website : GALERIE JUGUET
© All rights reserved ®
Website : MÉMOIRE DES PIERRES
© All rights reserved ®
________________________________________________________________________________________________________
Contexte et caractéristiques
Cette toile fut commandée par la reine Caroline Murat (sœur de Napoléon Ier, reine de Naples).
Ingres y représente une odalisque, c’est-à-dire une femme d’un harem oriental, allongée de façon lascive.
L’œuvre est célèbre pour ses distorsions anatomiques : Ingres allonge le dos du modèle en lui ajoutant trois vertèbres supplémentaires et accentue les disproportions (cou très allongé, bras fins, bassin démesuré) pour créer un effet de grâce idéalisée.
Elle s’inscrit dans le goût de l’époque pour l’orientalisme, bien qu’Ingres n’ait jamais voyagé en Orient.
Le tableau provoqua des réactions mitigées au Salon de 1819 : certains admirèrent la sensualité et le raffinement, d’autres critiquèrent les « erreurs » anatomiques.
Voici une analyse détaillée – iconographique, stylistique et symbolique – de La Grande Odalisque d’Ingres.
Fiche technique (rappel)
Iconographie (ce que l’on voit et ce que cela signifie)
Sujet : une odalisque (femme de harem) allongée sur un lit, de dos, la tête tournée vers le spectateur. Sujet « oriental » sans observation directe de l’Orient (Ingres n’y voyage pas) : l’Orient fonctionne ici comme imaginaire.
Accessoires :
Éventail de plumes (souvent identifié comme de paon) : luxe, vanité, attribut de sensualité.
Fumerie (chibouk/narguilé) : languide oisiveté, volupté, climat de harem.
Bijoux, turban, châle (probablement cachemire) et soieries : codes d’opulence exotique.
Posture : nu présenté de dos (rare dans la tradition du nu féminin), tête retournée : disponibilité du regard mais distance du corps (le visage voit, le dos se dérobe).
Regard : ni défi ni pudeur ostentatoire ; une offre tranquille, propre au fantasme orientaliste européen.
Analyse formelle (composition, ligne, couleur, lumière, matière)
Composition
Grande diagonale du dos, de l’épaule à la hanche, qui organise l’espace et guide le regard.
Espace peu profond : rideaux et tissus « écrasent » la profondeur, focalisant sur le corps.
Rythme d’arabesques (dos, hanches, bras, éventail) : la ligne serpentine est la véritable héroïne du tableau.
Dessin vs couleur
Ingres privilégie le dessin/contour net : contours fermes, profils précis, modelé lisse.
Couleurs froides et sourdes (bleus, verts grisés) opposées à la chair porcelaine : contraste qui exhausse la peau.
Lumière
Lumière diffuse, sans dramatisation : elle polie le volume plus qu’elle ne le sculpte par clair-obscur.
Matière (touche)
Peinture léchée (quasi invisible) : l’idéalité l’emporte sur l’« effet de peinture ».
Textures rendues en miniaturiste : poils de plumes, satins, brocards — fétichisation des surfaces.
Style (positionnement d’Ingres)
Néoclassicisme d’Ingres : culte du dessin, idéalisation, références à Raphaël et à l’Antique. Ingres théorise que « le dessin est la probité de l’art ».
Mais affinités manneristes : allongements et distorsions volontaires (dos démesurément long, bras étiré, cou exagérément gracile). Rappel de Parmigianino (Madone au long cou).
Orientalisme romantique : sujet d’exotisme sensuel, fantasmé, contemporain des premiers élans romantiques.
Tradition du nu revisitée : mémoire de Titien (nu allongé), mais inversé (nu de dos), refroidi et idéalisé.
Anatomie « corrigée » (et pourquoi c’est crucial)
Allongement du rachis, rotation impossible de l’épaule, bras et hanche disproportionnés : ce ne sont pas des « erreurs » naïves mais une grammaire de l’idéal.
Finalité : substituer au vrai un corps stylisé par la ligne, plus gracieux que nature ; la courbe est souveraine, la vraisemblance seconde.
Effet : une sensualité froide le désir naît moins de la chair que de l’arabesque.
Symbolique et interprétations
Orientalisme : l’« Orient » des accessoires est un théâtre d’altérité où l’Europe projette fantasmes et rapports de pouvoir ; la femme devient objet de désir exotique.
Le « regard masculin » (avant la lettre) : la pose offre le corps sans résistance ; l’odalisque « existe pour être vue ».
Féminin comme décor : accumulation de tissus et bijoux fait du corps un luxe parmi les luxes ; la peau devient matière précieuse.
Idéal vs réel : les distorsions symbolisent la primauté de l’idée (l’idéal classique) sur la nature ; l’« erreur » est programme esthétique.
Ambivalence : disponibilité érotique (regard), mais retournement et distance (dos) produisent une séduction sans abandon fantasme maîtrisé par la ligne.
Contexte et réception (1814–1819)
Commandée par Caroline Murat, le tableau s’inscrit dans le goût impérial pour l’exotisme raffiné.
Salon de 1819 : accueil partagé admiration pour la grâce linéaire, critiques des « fautes » anatomiques. Le temps donnera raison à la cohérence du parti pris.
Mise en relation (pour étoffer un dossier)
Ingres : Baigneuse de Valpinçon (1808) — prototype du nu lisse ; Odalisque à l’esclave (1839) ; Le Bain turc (1862) — apothéose du fantasme oriental.
Renaissance & baroque : Titien (Vénus d’Urbin), Vélasquez (Vénus au miroir), Parmigianino (mannerisme).
Orientalistes ultérieurs : Delacroix (Femmes d’Alger), Gérôme passage du fantasme à l’anecdote « ethnographique ».
Points clés à retenir (thèse d’analyse)
La ligne prime : l’odalisque est un manifeste du dessin où la courbe gouverne la forme.
Le réel est « corrigé » pour atteindre un idéal d’où les proportions « impossibles ».
L’Orient est un dispositif symbolique : il sert à scénographier une sensualité distante, luxueuse, contrôlée.
Sensualité froide : émotion filtrée par la forme, non par la chair c’est l’arabesque qui érotise.
CES PHOTOS NE SONT PAS À VENDRE ET NE PEUVENT PAS ÊTRE REPRODUITES, MODIFIÉES, REDIFFUSÉES, EXPLOITÉES COMMERCIALEMENT OU RÉUTILISÉES DE QUELQUE MANIÈRE QUE CE SOIT.
UNIQUEMENT POUR LE PLAISIR DES YEUX.
Musée d'Orsay - Paris
Jean-Auguste-Dominique Ingres, né le 29 août 1780 à Montauban et mort le 14 janvier 1867 à Paris, est un peintre français également excellent musicien, il fut second violon auprès de l'Orchestre de Toulouse, ce qui l'amena à se lier d'amitié avec les plus grands violonistes de son temps.
Une odalisque dite La Grande Odalisque
1814 (présentée au Salon de 1819)
Dimensions : 91 × 162 cm
Huile sur Toile
________________________________________________________________________________________________________
Website : GALERIE JUGUET
© All rights reserved ®
Website : MÉMOIRE DES PIERRES
© All rights reserved ®
________________________________________________________________________________________________________
Contexte et caractéristiques
Cette toile fut commandée par la reine Caroline Murat (sœur de Napoléon Ier, reine de Naples).
Ingres y représente une odalisque, c’est-à-dire une femme d’un harem oriental, allongée de façon lascive.
L’œuvre est célèbre pour ses distorsions anatomiques : Ingres allonge le dos du modèle en lui ajoutant trois vertèbres supplémentaires et accentue les disproportions (cou très allongé, bras fins, bassin démesuré) pour créer un effet de grâce idéalisée.
Elle s’inscrit dans le goût de l’époque pour l’orientalisme, bien qu’Ingres n’ait jamais voyagé en Orient.
Le tableau provoqua des réactions mitigées au Salon de 1819 : certains admirèrent la sensualité et le raffinement, d’autres critiquèrent les « erreurs » anatomiques.
Voici une analyse détaillée – iconographique, stylistique et symbolique – de La Grande Odalisque d’Ingres.
Fiche technique (rappel)
Iconographie (ce que l’on voit et ce que cela signifie)
Sujet : une odalisque (femme de harem) allongée sur un lit, de dos, la tête tournée vers le spectateur. Sujet « oriental » sans observation directe de l’Orient (Ingres n’y voyage pas) : l’Orient fonctionne ici comme imaginaire.
Accessoires :
Éventail de plumes (souvent identifié comme de paon) : luxe, vanité, attribut de sensualité.
Fumerie (chibouk/narguilé) : languide oisiveté, volupté, climat de harem.
Bijoux, turban, châle (probablement cachemire) et soieries : codes d’opulence exotique.
Posture : nu présenté de dos (rare dans la tradition du nu féminin), tête retournée : disponibilité du regard mais distance du corps (le visage voit, le dos se dérobe).
Regard : ni défi ni pudeur ostentatoire ; une offre tranquille, propre au fantasme orientaliste européen.
Analyse formelle (composition, ligne, couleur, lumière, matière)
Composition
Grande diagonale du dos, de l’épaule à la hanche, qui organise l’espace et guide le regard.
Espace peu profond : rideaux et tissus « écrasent » la profondeur, focalisant sur le corps.
Rythme d’arabesques (dos, hanches, bras, éventail) : la ligne serpentine est la véritable héroïne du tableau.
Dessin vs couleur
Ingres privilégie le dessin/contour net : contours fermes, profils précis, modelé lisse.
Couleurs froides et sourdes (bleus, verts grisés) opposées à la chair porcelaine : contraste qui exhausse la peau.
Lumière
Lumière diffuse, sans dramatisation : elle polie le volume plus qu’elle ne le sculpte par clair-obscur.
Matière (touche)
Peinture léchée (quasi invisible) : l’idéalité l’emporte sur l’« effet de peinture ».
Textures rendues en miniaturiste : poils de plumes, satins, brocards — fétichisation des surfaces.
Style (positionnement d’Ingres)
Néoclassicisme d’Ingres : culte du dessin, idéalisation, références à Raphaël et à l’Antique. Ingres théorise que « le dessin est la probité de l’art ».
Mais affinités manneristes : allongements et distorsions volontaires (dos démesurément long, bras étiré, cou exagérément gracile). Rappel de Parmigianino (Madone au long cou).
Orientalisme romantique : sujet d’exotisme sensuel, fantasmé, contemporain des premiers élans romantiques.
Tradition du nu revisitée : mémoire de Titien (nu allongé), mais inversé (nu de dos), refroidi et idéalisé.
Anatomie « corrigée » (et pourquoi c’est crucial)
Allongement du rachis, rotation impossible de l’épaule, bras et hanche disproportionnés : ce ne sont pas des « erreurs » naïves mais une grammaire de l’idéal.
Finalité : substituer au vrai un corps stylisé par la ligne, plus gracieux que nature ; la courbe est souveraine, la vraisemblance seconde.
Effet : une sensualité froide le désir naît moins de la chair que de l’arabesque.
Symbolique et interprétations
Orientalisme : l’« Orient » des accessoires est un théâtre d’altérité où l’Europe projette fantasmes et rapports de pouvoir ; la femme devient objet de désir exotique.
Le « regard masculin » (avant la lettre) : la pose offre le corps sans résistance ; l’odalisque « existe pour être vue ».
Féminin comme décor : accumulation de tissus et bijoux fait du corps un luxe parmi les luxes ; la peau devient matière précieuse.
Idéal vs réel : les distorsions symbolisent la primauté de l’idée (l’idéal classique) sur la nature ; l’« erreur » est programme esthétique.
Ambivalence : disponibilité érotique (regard), mais retournement et distance (dos) produisent une séduction sans abandon fantasme maîtrisé par la ligne.
Contexte et réception (1814–1819)
Commandée par Caroline Murat, le tableau s’inscrit dans le goût impérial pour l’exotisme raffiné.
Salon de 1819 : accueil partagé admiration pour la grâce linéaire, critiques des « fautes » anatomiques. Le temps donnera raison à la cohérence du parti pris.
Mise en relation (pour étoffer un dossier)
Ingres : Baigneuse de Valpinçon (1808) — prototype du nu lisse ; Odalisque à l’esclave (1839) ; Le Bain turc (1862) — apothéose du fantasme oriental.
Renaissance & baroque : Titien (Vénus d’Urbin), Vélasquez (Vénus au miroir), Parmigianino (mannerisme).
Orientalistes ultérieurs : Delacroix (Femmes d’Alger), Gérôme passage du fantasme à l’anecdote « ethnographique ».
Points clés à retenir (thèse d’analyse)
La ligne prime : l’odalisque est un manifeste du dessin où la courbe gouverne la forme.
Le réel est « corrigé » pour atteindre un idéal d’où les proportions « impossibles ».
L’Orient est un dispositif symbolique : il sert à scénographier une sensualité distante, luxueuse, contrôlée.
Sensualité froide : émotion filtrée par la forme, non par la chair c’est l’arabesque qui érotise.
CES PHOTOS NE SONT PAS À VENDRE ET NE PEUVENT PAS ÊTRE REPRODUITES, MODIFIÉES, REDIFFUSÉES, EXPLOITÉES COMMERCIALEMENT OU RÉUTILISÉES DE QUELQUE MANIÈRE QUE CE SOIT.
UNIQUEMENT POUR LE PLAISIR DES YEUX.