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On black

Depuis le 3 Octobre, plus de 200 familles dorment dans la rue de la Banque pour protester contre l'absence de logements décents. Français ou immigrés en situation régulière, tous travaillent mais vivent dans des conditions déplorables: le plus souvent à l'hôtel, ou dans des appartements minuscules, parfois menacés d'expulsion.

 

Malgré la pluie, les mal logés ont l'interdiction d'installer des tentes sur les trottoirs (elles ont de toute façon été confisquées lors des précédentes évacuations par les forces de l'ordre). Les cartons et les bâches sont plus ou moins tolérés, selon les jours, notamment sur le trottoir du Ministère de la Crise du Logement (mais pas en face !), mais peuvent très bien résulter en une intervention policière.

 

Il n'y a qu'une heure de soleil dans la rue de la Banque, entre 14h et 15h environ (les jours où il fait beau !). C'est un peu la transition entre la torpeur du matin et l'animation du soir. Dès 5h du matin, les gens commencent à se lever, beaucoup travaillent très tôt et de toutes façons, on ne dort pas bien sur le trottoir. Ils rangent leurs affaires, mises à l'abri dans le Ministère de la Crise du Logement, où ils vont aussi prendre une boisson chaude. Jusqu'à 8h, c'est le ballet des départs au travail, souvent avec des enfants à déposer à l'école au passage, à peine interrompu vers 7h par la relève des gendarmes et le va-et-vient de leurs camions qui suscite toujours un peu d'angoisse. Quand le jour se lève enfin, la rue est en grande partie désertée, et les militants qui montent la garde tout ou partie de la nuit profitent de l'ouverture du bistrot "A la petite corbeille" pour aller se réchauffer et prendre un café. Puis on tue le temps, on discute, on fume, on somnole. Certains balaient le trottoir et la rue, discutant avec les éboueurs qui passent régulièrement. Une pile de quotidiens gratuits a été déposée sur le rebord d'une fenêtre de l'AFP, en face, et on commente les nouvelles, on cherche les articles sur le campement, sur eux, les "mal logés". On s'indigne souvent des approximations de la presse d'ailleurs: le Ministère de la Crise du Logement est décrit comme étant un squat, les familles deviennent "les mères africaines", ou bien ne sont qu'une dizaine. Au moins, l'amalgame initial avec les sans papiers a disparu !

 

La journée s'étire. Des familles regagnent leur logement, pour précaire qu'il soit, le temps de souffler un peu, se laver, se changer. Certains se relaient entre père et mère pour éviter aux enfants de dormir là (encore que la plupart des enfants, les petits surtout, soient hébérgés à l'intérieur du Ministère de la Crise du Logement pour la nuit).

 

Parfois, la police intervient pour enlever une bâche, ou dégager un carton qui "déborde" du périmètre tacitement établi depuis quelque temps (les quelques m2 de trottoir qui vont de l'entrée du 24 rue de la Banque jusqu'à l'angle de la Place de la Bourse). Il semble que les évacuations plus "musclées" ou au petit matin des premières semaines ne soient plus de mise, mais personne ne sait vraiment. Certains discutent avec les forces de l'ordre, d'autres se méfient. Certains gendarmes avouent leur ennui et/ou leur incompréhension devant cette situation qui s'éternise, certains confient que leur vie n'est pas facile non plus (horaires, conditions de logement, rémunération, reconnaissance sociale, etc.). L'autre jour, quelqu'un avait placardé sur le mur un article de Libération sur la grogne chez les gendarmes, et ceux-ci se relayaient pour le lire (il a été arraché depuis) !

 

En fin d'après-midi, il y a un regain d'activité, surtout les soirs où sont organisés les rassemblements de soutien hebdomadaires. De nombreux militants d'autres organisations (LCR notamment) viennent alors se joindre aux familles, occupant parfois toute la rue. Prises de parole, témoignages, point sur la situation et les "négociations" avec le Ministère de la Ville et du Logement et rappel des revendications se succèdent, ponctués d'applaudissements et de slogans ("Solidarité avec les mal-logés", "un toit, c'est un droit", "Mme Boutin, arrête ton baratin", etc.). Des personnalités viennent parfois apporter leur soutien, focalisant l'attention des medias: Joey Starr, Josiane Balasko, Carole Bouquet, Florence Aubenas, Guy Bedos, Mgr Gaillot, Emmanuelle Béart, Richard Bohringer, etc. La musique et les chants viennent donner un air de fête, certains dansent, les enfants courent dans la foule.

 

Mais vers 22h, parfois un peu plus tôt ou un peu plus tard selon l'affluence, le calme revient. Les familles s'installent pour une nouvelle nuit, avec toujours cette incertitude: combien de temps encore ?

 

Merci de lire les explications en début d'album / Please read the explanations at the beginning of the set

 

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Uploaded on November 15, 2007
Taken on November 4, 2007