kristobalite
Eglise Saint-Pierre à Jugazan
Eglise (partiellement) romane Saint-Pierre; commune de Jugazan, département de la Gironde, Aquitaine, France
Saint-Pierre de Jugazan est un édifice à nef unique dont les quatre travées d'ogives du XVIe siècle et le chevet plat ont remplacé un vaisseau roman dont il ne reste que la façade, abritée par un porche néo-classique. Deux chapelles du XVIIe siècle à voûtes d'arêtes et baies de tradition gothique sont venues compléter la silhouette de cette église rurale qui appartenait jadis à un prieuré dépendant de La Sauve-Majeure, et qui renferme un beau mobilier. Contemplons, sous le porche, l'émouvante façade romane. Elle est encadrée par deux colonnes engagées, une à chaque extrémité, qui sont surmontées d'un couronnement en glacis. L'entablement de ce frontispice est horizontal, et coiffé d'un clocher-arcade géminé plus tardif. Tout ceci présenterait un mince intérêt, n'était le portail, dont la splendeur barbare, l'appareil de pierre ocre et rose attachent le regard et l'esprit. Trois colonnes appuyées à des dosserets garnissent chaque ébrasement et reçoivent sept voussures; celles qui surmontent les colonnes sont qua-drangulaires, ornées à l'angle d'un volumineux tore accosté de deux tores plus petits. Les voussures intermédiaires, plus étroites, présentent : la première à l'extérieur, formant archivolte, une suite de motifs floraux en forme de Pelta; la seconde, des quadrupèdes en marche qui semblent cracher du feu; la troisième, un rinceau formé d'une succession d'enroulement en S; la quatrième, des personnages barbus très frustes, plutôt gravés que sculptés, fort impressionnants - chacun d'eux semble tenir par les cheveux un homme, assis sur un fauteuil, qui joue de la flûte ou ronge un os. Une file d'oiseaux et de poissons accompagne cette étrange procession, d'un caractère grave et farouche. Parmi les chapiteaux, un « Daniel entre deux lions »; un merveilleux groupe d'oiseaux ivres picorant parmi les grappes, symbole eucharistique qui s'exprime avec un lyrisme naïf à travers l'observation quotidienne de la vie champêtre. Cela est encore vrai d'un chasseur portant un cerf sur les épaules dans l'attitude traditionnelle du Bon Pasteur; deux chiens avancent la gueule pour lécher le sang de la bête morte, dans un mouvement juste, croqué sur le vif. Une voussure interne supplémentaire, en arc brisé, a été ajoutée à l'époque gothique. Aucun modelé dans tout cela, mais une science innée du mouvement, du décor, de l'émotion. Art populaire encore, et du plus authentique.
(extrait de : Guyenne romane ; Pierre Dubourg-Noves, Ed. du Zodiaque, Coll. La Nuit des Temps, 1979, p. 294)
Eglise Saint-Pierre à Jugazan
Eglise (partiellement) romane Saint-Pierre; commune de Jugazan, département de la Gironde, Aquitaine, France
Saint-Pierre de Jugazan est un édifice à nef unique dont les quatre travées d'ogives du XVIe siècle et le chevet plat ont remplacé un vaisseau roman dont il ne reste que la façade, abritée par un porche néo-classique. Deux chapelles du XVIIe siècle à voûtes d'arêtes et baies de tradition gothique sont venues compléter la silhouette de cette église rurale qui appartenait jadis à un prieuré dépendant de La Sauve-Majeure, et qui renferme un beau mobilier. Contemplons, sous le porche, l'émouvante façade romane. Elle est encadrée par deux colonnes engagées, une à chaque extrémité, qui sont surmontées d'un couronnement en glacis. L'entablement de ce frontispice est horizontal, et coiffé d'un clocher-arcade géminé plus tardif. Tout ceci présenterait un mince intérêt, n'était le portail, dont la splendeur barbare, l'appareil de pierre ocre et rose attachent le regard et l'esprit. Trois colonnes appuyées à des dosserets garnissent chaque ébrasement et reçoivent sept voussures; celles qui surmontent les colonnes sont qua-drangulaires, ornées à l'angle d'un volumineux tore accosté de deux tores plus petits. Les voussures intermédiaires, plus étroites, présentent : la première à l'extérieur, formant archivolte, une suite de motifs floraux en forme de Pelta; la seconde, des quadrupèdes en marche qui semblent cracher du feu; la troisième, un rinceau formé d'une succession d'enroulement en S; la quatrième, des personnages barbus très frustes, plutôt gravés que sculptés, fort impressionnants - chacun d'eux semble tenir par les cheveux un homme, assis sur un fauteuil, qui joue de la flûte ou ronge un os. Une file d'oiseaux et de poissons accompagne cette étrange procession, d'un caractère grave et farouche. Parmi les chapiteaux, un « Daniel entre deux lions »; un merveilleux groupe d'oiseaux ivres picorant parmi les grappes, symbole eucharistique qui s'exprime avec un lyrisme naïf à travers l'observation quotidienne de la vie champêtre. Cela est encore vrai d'un chasseur portant un cerf sur les épaules dans l'attitude traditionnelle du Bon Pasteur; deux chiens avancent la gueule pour lécher le sang de la bête morte, dans un mouvement juste, croqué sur le vif. Une voussure interne supplémentaire, en arc brisé, a été ajoutée à l'époque gothique. Aucun modelé dans tout cela, mais une science innée du mouvement, du décor, de l'émotion. Art populaire encore, et du plus authentique.
(extrait de : Guyenne romane ; Pierre Dubourg-Noves, Ed. du Zodiaque, Coll. La Nuit des Temps, 1979, p. 294)