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Abbatiale Notre-Dame de Payerne

Abbatiale romane Notre-Dame ; commune de Payerne, canton de Vaud, Suisse

 

L'abbatiale protestante Notre-Dame est un édifice religieux de la ville de Payerne. Elle est considérée comme la plus grande église romane de Suisse. Elle était, avant la Réforme, l'église de l'abbaye bénédictine de Payerne. Une partie adjacente à l'édifice - le musée - fut grandement endommagé par un incendie en 1987. L'architecture de l'abbatiale est considérée comme romane, et construite selon un schéma clunisien (XIe siècle). De nombreux éléments proviennent toutefois d'une inspiration gothique plus tardive (XVe siècle). De nombreux chapiteaux peints sont encore visibles. De nombreuses fresques des XIe et XIIe siècles habillent les murs du narthex : Christ en Croix soutenu par Dieu le père, Vierge de miséricorde, Christ du jugement dernier devant les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse.

 

(extrait de : fr.wikipedia.org/wiki/Abbatiale_de_Payerne)

 

LES EXTÉRIEURS :

Les masses imposantes de l'édifice roman sont surmontées par une tour de croisée sommée d'une flèche effilée. Le massif occidental accuse deux étages, un nar-thex à l'étage bas, une chapelle dédiée à Saint-Michel en haut. Autrefois cette façade devait se terminer par deux tours comme il en a existé à Romainmôtier et comme il en subsiste à Paray-le-Monial, à Tournus et en bien d'autres édifices bourguignons. Probablement incen­diées au xve siècle, ces tours ont été rem­placées par le couronnement en molasse et le grand toit actuel. Le jeu de la lumière sur le petit appareil de calcaire jaune est remarquable sur la façade nord, surtout en fin d'après-midi. Cette façade est divisée par des lésènes supportant de petites arcatures, éléments qui appartiennent encore au « premier art roman ». Avec le massif occi­dental cette façade est la partie la plus ancienne de l'édifice actuel. Ce mur nord a subi diverses transformations, déjà au cours de la construc­tion de l'église. Poursuivant votre promenade, vous abordez le transept puis le chevet; placez-vous au nord-est, assez loin de l'édifice et de là admirez le subtil agencement des masses du transept et des cinq absides. Il y a encore quelques hési­tations et des maladresses dans les toitures des chapelles extérieures mais quelle habileté dans l'échelonnement des volumes, tant en plan qu'en élévation. La grande abside centrale est rythmée à l'étage inférieur par des contreforts à deux ressauts se transformant en colonnette appuyée à un dosseret à l'étage haut. Ces colonnes aux chapiteaux primitifs, dont certains n'ont pas été achevés, supportent de petites arcatures soutenant elles-mêmes une corniche moulurée.

Au passage, remarquez, sous la corniche de la façade sud de la chapelle méridionale un fragment de corniche romaine remployé comme console. La majeure partie des matériaux ayant servi à élever l'église sont en effet d'origine romaine. ...

 

Passant sous la voûte, à l'angle sud-ouest de la place ..., on tra­verse le bâtiment qui abritait la salle capitulaire et le dortoir, et l'on parvient dans la cour du cloître. Là, trois cloîtres successifs ont tour à tour disparu. Ils ont laissé de nombreuses traces dans le mur sud de l'église et dans le mur du bâtiment oriental du couvent. Les deux autres côtés de la cour sont occupés par des bâtiments plus récents : ... La façade ouest du croisillon sud du transept est percée d'une grande porte qui donnait autrefois accès à l'église depuis le cloître; dans le haut de cette façade, la corniche est portée par des modilIons sculptés intéressants qui sont probable­ment des remplois. Les toitures actuelles des bas-côtés, trop inclinées, masquent partiellement les fenêtres hautes de la nef. De plus, la forte saillie de l'avant-toit assombrit les fenêtres des bas-côtés. ... Dans son état actuel, la toiture de la nef doit dater du XVIe ou XVIIe siècle. Contre la face occidentale de la tour de croisée, un renvoi d'eau haut placé semble indiquer une toiture très élevée sur la nef, toiture peut-être prévue mais qui n'a pro­bablement jamais existé. Les toitures du chœur et du transept sont à peu près conformes aux dispositions originales. Quant aux toits des chapelles et des absidioles, ils ont été rétablis selon leurs dispositions primitives mais malheu­reusement couverts de tuiles trop régulières et trop foncées. La tour de croisée prévue au XIe siècle devait être soit une tour carrée terminée par un toit à quatre pans, soit une tour octogo­nale semblable aux tours de Saint-Pierre de Clages ou du transept de Cluny III. Non exé­cutée ou détruite, elle fut remplacée au XVe siècle par la tour gothique actuelle dont la flèche, détruite par un ouragan, fut recons­truite au début du xvne siècle. Cette flèche était couverte d'écaillés de fer blanc qui, en rouillant, prennent une belle teinte brun-rouge foncé. Lors de la récente restauration, le même effet a été obtenu avec des écailles de cuivre, matériel beaucoup plus durable. Les arcatures gothiques qui décorent la flèche ont été entièrement restaurées. ...

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L'INTÉRIEUR :

... Après avoir traversé le narthex décoré de peintures murales intéressantes remontant à la fin du XIIe ou au début de XIIIe siècle, on monte quelques marches pour passer la grande porte autrefois ornée de pentures en fer et de deux belles têtes de lion en bronze. ... La porte franchie, on s'arrêtera pour jouir de la splendeur de la nef, splendeur qui n'est due qu'à la qualité des proportions et à l'admi­rable jeu de matériaux. Dès l'abord, on sent que le chevet est plus récent que la nef, plus richement orné, plus clair, mais le monument n'en perd pas pour autant son admirable unité. Le raccord entre les deux étapes principales de la construction se situe entre la sixième et septième travée de la nef. ... Dix piles d'un type assez particulier (constitué d'un massif rectangulaire formant pilastres pour les doubleaux de la nef et des bas-côtés et contre lequel viennent s'accoler deux demi-colonnes correspondant aux grandes arcades) soutien­nent les voûtes. Ce type de pilier se retrouve à Lomello (près de Pavie), dans la vaste église Santa Maria que Porter date de 1025 environ. La nef centrale est remarquablement élevée comparativement à sa largeur : 13 m 40 de haut pour 5 m. de largeur dans la première travée occidentale. On est bien là dans la tra­dition bourguignonne qui allait élever, peu après Payerne, la formidable Abbatiale de Cluny III. L'alternance des matériaux respectée stricte­ment pour les deux premières piles occiden­tales (une assise de calcaire jaune succédant à une assise de grès coquille gris) devient plus libre aux piles suivantes, mais on sent là une volonté décorative. Pas de bases ; les piles sont fichées à même le dallage. Chapiteaux rudimentaires, si tant est que l'on puisse considérer comme des chapi­teaux les raccords prismatiques entre les demi-colonnes et les arcs. On distingue pourtant ici et là des ébauches de décor : palmettes, animaux à deux corps. Ces chapiteaux rudimen­taires rappellent les triangles qui jouent le même rôle à Lómelo, Romainmôtier et Chapaize, mais où les piles sont en petit appareil tandis qu'à Payerne elles sont exécutées en pierre de taille. Arcades et doubleaux sont à arêtes vives, à un seul rouleau. La nef est cou­verte d'un berceau sur doubleaux, les bas-côtés le sont par des voûtes d'arête. Les fenêtres des bas-côtés sont très haut placées; les trois premières du bas-côté nord ne sont ébrasées qu'à l'intérieur, les autres sont à double ébrasement. Les fenêtres hautes de la nef sont placées près des clefs des arcades, mais malgré cela les fenêtres viennent partiellement entailler la voûte en formant des lunettes d'un heureux effet. Dans le mur occidental de la nef un pilastre, maintenant sans utilité, atteste un premier projet de reconstruction de la nef, vite aban­donné. Dans sa partie haute, le mur présente une saillie amortie en console à arêtes vives. C'est là le revers de l'abside de la chapelle Saint-Michel. Les piles recevant à l'est les arcades de la sixième travée étaient, dans le projet du pre­mier maître d'œuvre, destinées à amorcer la croisée et probablement à porter une tour.

 

... Les travaux en étaient là lorsque, vers 1050, un nouveau maître d'œuvre entreprit le chevet en modifiant le plan primitif. Il ajoute aux six travées élevées par son prédécesseur une sep­tième travée, puis développe un large transept et un chevet d'un style plus savant et plus hardi que celui de la nef. Il englobe dans les maçon­neries du mur sud de sa septième travée le pilier déjà préparé pour amorcer le transept par son prédécesseur (pilier laissé apparent à l'extérieur lors de la restauration) et implante quatre nouveaux piliers plus écartés que les piles de la nef, pour supporter la tour de croisée. Dans toute la partie orientale de l'édifice, les piles sont accusées par des ressauts, et les colonnes qui apparaissent aux arcades mettant en communication le chœur avec les deux cha­pelles qui le flanquent ... Les arcs d'entrée des chapelles du transept sont fortement brisés, type dont l'emploi deviendra systématique dans la grande Abba­tiale de saint Hugues à Cluny; les arcs de la croisée et du chœur ne le sont par contre que très faiblement.

La couverture des croisillons et de la travée droite du chœur est réalisée par de vastes voûtes d'arête de près de 60 m2 chacune. La voûte de la croisée, refaite sans doute posté­rieurement, est montée sur croisée d'ogives. Si la nef est pratiquement dépourvue de décorations, il n'en est pas de même du chevet. On distingue deux séries de chapiteaux très différentes l'une de l'autre : la première est formée de neufs chapiteaux assez archaïques, incorporés aux angles des croisillons et à l'entrée de la septième travée. A ce même groupe appartient en outre une base de colonne torse, engagée maintenant entre les deux fenêtres hautes de la façade sud du croisillon méridional. La seconde série comporte les douze beaux chapiteaux portés par les colonnes hautes de l'abside principale.

 

... Les chapiteaux de l'abside, d'un travail accompli, témoignent d'une connaissance approfondie du jeu des ombres et des lumières. La plupart d'entre eux sont simplement décoratifs. Mais le sculpteur y introduit volontiers, tout un monde. Les bêtes sont dressées à dessein pour souligner par leur verticalité l'angle du tailloir; une figure humaine comme pendue sous la volute, contraste, en son extrême douceur — presque XIIe siècle — avec la rudesse des autres figures, en particulier celle de l'homme moustachu qui transperce une chèvre, elle aussi dressée sous l'angle opposé. Au centre, deux doubles chapiteaux représentent d'une part saint Michel terrassant le dragon, qui ressemble curieusement à un poisson pris à l'hameçon, de l'autre le Christ et saint Pierre, tous deux inscrits dans une mandorle. Cette dis­position, assez rare sur des chapiteaux, fait immédiatement penser aux grandes sculptures du chœur de Cluny. Le style même, quoique plus rude, est bien de la même veine que celui des figures de l'abbatiale de saint Hugues. Les chapiteaux du transept sont vraiment d'un autre esprit. A vrai dire, on y retrouve des éléments semblables (en particulier l'arc tendu qui s'épanouit en volute, et jusqu'à un trait gravé en dents de scie), ainsi que la même affection pour un décor polymorphe extrê­mement touffu. Mais ici, le dessin est roi, et il multiplie les lignes parallèles comme simple­ment gravées : plis des vêtements, lignes sinu­soïdales, arceaux entrelacés. Aussi n'y a-t-il rien d'étonnant que l'on ait souvent attribu. ces chapiteaux au Xe siècle. Ils correspondent bien à ce que nous savons par ailleurs de la sculpture à cette époque. Le traitement des visages, au surplus, dont la taille est d'une finesse incomparable, use d'un canon — gros yeux ronds accrochés en binocle sur un nez triangulaire — qui n'est pas sans rappeler le chapiteau archaïque remployé (lui aussi !) au transept de Saint-Benoît-sur-Loire, ou cer­taines sculptures de Tournus. ... Il n'est pas beaucoup plus facile d'en déchiffrer l'iconographie. Nous nous sentons perdus comme des illettrés devant ce livre grouillant d'images. Un cerf nous évoque bien celui du psaume 42, altéré d'eaux vives. Mais que signi­fient ces oiseaux, ce lièvre ? Le plus énigmatique. peut-être, est celui [qui montre une] femme tenant un enfant entre ses bras [une piéta ?] [et une] figure humaine encore à moitié engloutie par un poisson ? [un Jonas ?]. Le parallélisme des obliques tracées par les corps de ce Jonas et de ce Christ (englouti dans la mort et promis à la résurrection comme Jonas) aurait en ce cas une valeur de rapprochement que l'on pourra supposer volontaire. Ce thème du Nouveau Testament venant accomplir l'Ancien se retrouve en tous cas d'une façon tout à fait claire dans le plus fameux de ces chapiteaux. Les quatre figures juchées sur quatre autres têtes — ce qui permet un jeu savant des huit mains — représentent les quatre évangélistes portés par les quatre prophètes, ... Quant à la règle de saint Benoît, elle se trouve glorifiée, en ce prieuré clunisien, sur un chapiteau du croisillon sud. Au centre, un abbé, avec la crosse, ce qui n'a rien d'extraordinaire, mais marqué au front d'une croix, ce qui l'est davantage. Est-ce une allu­sion à la définition donnée par la Règle : « L'Abbé tient lieu du Christ dans le monas­tère » ? Ainsi l'entendent du moins les quatre moines qui l'entourent et suivent son ensei­gnement, tenant, comme lui, un livre — la Règle — sur leur poitrine. Ainsi prémunis, ils foulent aux pieds (littéralement) deux espèces de bassets débonnaires qui pourraient bien être l'illustration de ce verset du psaume 90 : « Tu marcheras sur l'aspic et le basilic, et tu écraseras le lion et le dragon », toutes bêtes démoniaques. Que signifie alors la tête perchée au-dessus de l'abbé, qui évoque un ange, la ligne ondulée, figure classique de l'eau vive, et ces grappes (que l'on retrouve aussi sur le cha­piteau mystérieux ? Ce n'est pas telle­ment différent de ce que l'on retrouvera de part et d'autre du Christ, en haut du tympan de Vézelay : symbole des fleuves vivifiants de la doctrine (prêchée par l'abbé), et des fruits qu'ils produisent. Tout cela, il est vrai, reste bien conjectural. Ce qui ne l'est point, c'est la plénitude plastique de ces visages, surtout dans le chapiteau des évangélistes. On peut bien leur opposer la truculence et la grossièreté voulue de la triple figure qui orne la base réemployée dans ce même croisillon sud. Il semble vraiment bien difficile d'y voir une trinité ! Prodigieuse variété d'un art, d'apparence, démuni de moyens.

 

La peinture murale reste représentée à Payerne, à côté d'œuvres mineures par deux ensembles, l'un de la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle, dans le narthex, l'autre de la seconde moitié du XVe, dans la deuxième chapelle du croisillon sud.

 

LES PEINTURES DU NARTHEX :

Autrefois les murs et les voûtes étaient sans doute entièrement couverts de peintures. Au début du XIXe siècle, l'aménagement d'une prison dans cette partie de l'édifice a fait dis­paraître les enduits de la partie inférieure des murs; au même moment la voûte de la travée centrale fut détruite, pour laisser place à un escalier ; enfin des fenêtres sont venues éventrer les voûtes des travées extrêmes. Les peintures qui nous sont parvenues sont donc seulement des restes mutilés, heureusement encore impor­tants, mais qui ont, au surplus, subi une restau­ration excessive. Sur le mur nord, le Christ de majesté trône entre deux séraphins. On distingue encore à l'angle inférieur droit quelques fragments de la Jérusalem céleste. Sur le berceau de la travée nord du narthex, les vingt-quatre vieillards, assis deux par deux sur des trônes, louent le Seigneur. Le registre inférieur présentait un jugement dernier, il en subsiste un saint Michel pesant les âmes, quelques diables maltraitant des damnés et, sur le mur opposé, les trois patriaches Abraham, Isaac et Jacob, trônant sous des arbres, Abraham tenant les élus sur son sein suivant une représentation fréquente au Moyen-Age. Dans la travée sud, le Christ de majesté est encadré par la Vierge et Jean-Baptiste. Les douze Apôtres occupent la partie inférieure de la voûte; quelques visages sont encore bien conservés.

 

(extrait de : Suisse romane ; André Burmeister et al., Ed. du Zodiaque (1958), Coll. La Nuit des Temps, pp. 57-67)

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Uploaded on July 9, 2011
Taken on May 4, 2011