kristobalite
Eglise Notre-Dame de l'Oder à Ambialet
Eglise romane Notre-Dame de l’Oder ; commune d’Ambialet, département du Tarn, région Midi-Pyrénées, France
La nef à collatéraux, de trois travées - encore crépie à l’extérieur - recevait à l’origine un éclairage direct, au moyen de fenêtres, petites et très étroites à l’extérieur, mais assez largement ébrasées à l’intérieur. L’appareil est uniformément constitué par des moellons de schiste, y compris pour les grandes arcades en plein cintre à double rouleau faisant communiquer le vaisseau central et les bas-côtés, et pour les piles qui les reçoivent. On a voûté le vaisseau central après avoir au préalable renforcé les murs dans chaque travée par des arcades en plein cintre - qui sont venues mordre sur la partie supérieure des fenêtres - et construit en outre des pilastres en saillie sur ces arcades. Le berceau de la voûte prend appui sur les arcades latérales, et les pilastres reçoivent les retombées des doubleaux qui fractionnent la voûte. Au XIXe siècle, on a restauré plus ou moins adroitement les voûtes de la première et de la troisième travées. Pour les collatéraux, on avait choisi des voûtes en quart de cercle pourvues de doubleaux de même tracé. Ces derniers retombent, de chaque côté, sur des pilastres. Le matériau employé dans la seconde campagne de travaux - des moellons de schiste d’origine locale - est absolument semblable à celui de la première campagne. Les contreforts, qui rythment les murs des collatéraux à l’extérieur, se situent au droit des piles intérieures de la nef et sont probablement en rapport avec la construction des voûtes.
Le transept, plus bas que la nef, mais en saillie sur les collatéraux, est couvert de berceaux contemporains de celui de la nef. Il possédait deux portes du XIe siècle, qui sont actuellement murées.
Sur les croisillons ouvrent deux absidioles dessinant en plan un demi-cercle prolongé par une partie droite. L’hémicycle avait reçu un cul-de-four dès l’origine, alors que l’embryon de chœur qui le précède n’a été couvert que postérieurement par une voûte en quart de cercle, qui s’adapte maladroitement à l’ensemble. Ces deux absidioles sont accolées à une abside centrale, elle-même prolongée par un chœur légèrement plus large. Celui-ci communique avec les parties droites des sanctuaires latéraux par deux baies fortement remaniées. L’abside est éclairée par trois fenêtres ébrasées vers l’intérieur.
A l’origine, l’autel de l’abside et ceux des absidioles étaient de 2 mètres supérieurs au niveau de la nef. Les soupiraux qu’on voit de l’extérieur se trouvaient en rapport avec cette disposition de chœurs surélevés. A l’extérieur, l’abside est ornée d’une arcature de bandes lombardes, composée de trois groupes de deux petits arcs entre les lésènes. Tout ce décor, fait de moellons à l’origine, a été restauré dans la méconnaissance de son esprit. Les pierres de taille, utilisées sur une grande hauteur pour les pilastres, n’ont pas leur place ici. Les fenêtres de l’abside et des absidioles ont été traitées dans un esprit qui n’a rien d’authentique. Cette décoration du premier art roman méridional, l’une des plus anciennes, sinon la plus ancienne de l’Albigeois, aurait dû faire l’objet d’une attention plus soutenue. On ne manquera pas d’observer que les absidioles n’ont reçu aucun décor. Cette différence de traitement entre l’abside et les absidioles demeurera un caractère constant des chevets romans de l’Albigeois. La croisée est remarquable par l’existence de piles en pierre de taille et par la présence d’une colonne engagée - avec chapiteau simplement épannelé - à la retombée de l’arc triomphal. Ce changement de matériau n’avait d’autre but que de renforcer les supports sur lesquels devait s’élever la tour du clocher. On est revenu aux pierres de schiste pour les arcs lancés au-dessus des piles. Ces arcs sont simples, à l’exclusion de l’arc triomphal, qui est à double rouleau. Comme nous l’avons dit, le clocher démoli n’a pas été reconstruit. La voûte en berceau qui couvre actuellement la croisée est venue obturer une ancienne fenêtre percée dans le mur oriental. La façade est le produit d’une restauration du XIXe siècle, comme le petit clocher qui la surmonte. On ne s’est pas astreint à reproduire les dispositions primitives. Sans doute a-t-on pris autant de libertés en restaurant le portail. Dans son état actuel, celui-ci comporte une archivolte très profonde, qui repose sur quatre chapiteaux par l’intermédiaire de longues consoles formant un tailloir unique pour deux corbeilles rapprochées. Les colonnes, au lieu d’être installées dans des ébrasements, sont placées l’une devant l’autre. L’organisation, qui est celle d’un porche plutôt que d’un portail, apparaîtra d’autant plus insolite que les deux arcs sont modernes. Les corbeilles des chapiteaux sont décorées d’éléments assez hétéroclites, comme feuillages, pommes de pin, réseau de vannerie, volutes, croix et étoiles à six branches. Il y a même un oiseau, et Victor Allègre a reconnu au toucher, sur une face cachée du deuxième chapiteau de gauche, une figure d’archer. Tous ces motifs, assez rudement traités, se détachent sur le fond d’une manière assez fruste. L’archaïsme ne doit cependant pas faire illusion. Ces chapiteaux, qu’on a rapprochés de ceux de Saint-Pierre de La Salvetat, ne sont sans doute pas antérieurs au second quart du XIIe siècle. On signalera l’existence d’astragales cordés et de curieuses bases, de forme bombée, elles aussi bordées d’une torsade. On peut se demander si on n’a pas remonté d’une manière arbitraire un portail qui, à l’origine, se présentait normalement avec des ressauts et des voussures échelonnées. De toute manière, il ne pouvait s’agir que d’un complément ou d’un enrichissement à une église datant pour le gros œuvre du XIe siècle. C’est en effet la date que suggèrent tous les caractères de l’édifice, aussi bien le matériau employé, la décoration murale de l’abside, la forme des fenêtres - dans le vaisseau central et dans les collatéraux, où elles sont semblables - le plan des piles et le dessin des portes, aujourd’hui obturées, du transept. On se demandera seulement s’il s’agit de l’église Notre-Dame qui fut donnée en 1057 aux moines de Saint-Victor de Marseille, ou d’un édifice que ceux-ci auraient rebâti. Pour nous, il n’est pas douteux que la seconde hypothèse est la bonne. Souvenons-nous que l’église remise aux victorins est dite « très ancienne ». Elle devait au moins appartenir au début du siècle. Le monument actuel ne saurait, dans l’Albigeois, se prévaloir d’une pareille ancienneté. Il se rattache au contraire étroitement à une famille d’édifices - Lasplanques, Burlats - qui ne datent que de la fin du XIe ou même du début du XIIe siècle. Il faut donc admettre que les moines marseillais ont démoli l’église qui leur avait été donnée, sans doute parce qu’elle convenait mal aux besoins du prieuré, et reconstruit tout aussitôt, sans doute dès les environs de 1060, avec le monument actuel, doté d’un transept, de collatéraux et d’une tour de transept, une église qui, elle, était parfaitement adaptée à ces besoins. Nous avons vu que les voûtes sont plus tardives, mais sans doute d’assez peu, si l’on en juge par le caractère des supports de la croisée, qui appartiennent à cette deuxième campagne. L’église du prieuré d’Ambialet aurait donc été voûtée dès la première moitié du XIIe siècle avec les moyens généralement utilisés pour ce genre d’opération et notamment en épaississant les murs à l’aide d’arcades plaquées latéralement. Le grand mérite d’Ambialet est d’avoir implanté le premier art roman méridional dans la région du Tarn. Il ne tarda pas à rayonner à partir de ce foyer dans les églises rurales avoisinantes. …
(extrait de : Haut-Languedoc roman ; Marcel Durliat, Ed. Zodiaque, Coll. La nuit des Temps, 1978, pp. 231-237)
Coordonnées GPS : N43°57.042’ ; E2°21.517’
Eglise Notre-Dame de l'Oder à Ambialet
Eglise romane Notre-Dame de l’Oder ; commune d’Ambialet, département du Tarn, région Midi-Pyrénées, France
La nef à collatéraux, de trois travées - encore crépie à l’extérieur - recevait à l’origine un éclairage direct, au moyen de fenêtres, petites et très étroites à l’extérieur, mais assez largement ébrasées à l’intérieur. L’appareil est uniformément constitué par des moellons de schiste, y compris pour les grandes arcades en plein cintre à double rouleau faisant communiquer le vaisseau central et les bas-côtés, et pour les piles qui les reçoivent. On a voûté le vaisseau central après avoir au préalable renforcé les murs dans chaque travée par des arcades en plein cintre - qui sont venues mordre sur la partie supérieure des fenêtres - et construit en outre des pilastres en saillie sur ces arcades. Le berceau de la voûte prend appui sur les arcades latérales, et les pilastres reçoivent les retombées des doubleaux qui fractionnent la voûte. Au XIXe siècle, on a restauré plus ou moins adroitement les voûtes de la première et de la troisième travées. Pour les collatéraux, on avait choisi des voûtes en quart de cercle pourvues de doubleaux de même tracé. Ces derniers retombent, de chaque côté, sur des pilastres. Le matériau employé dans la seconde campagne de travaux - des moellons de schiste d’origine locale - est absolument semblable à celui de la première campagne. Les contreforts, qui rythment les murs des collatéraux à l’extérieur, se situent au droit des piles intérieures de la nef et sont probablement en rapport avec la construction des voûtes.
Le transept, plus bas que la nef, mais en saillie sur les collatéraux, est couvert de berceaux contemporains de celui de la nef. Il possédait deux portes du XIe siècle, qui sont actuellement murées.
Sur les croisillons ouvrent deux absidioles dessinant en plan un demi-cercle prolongé par une partie droite. L’hémicycle avait reçu un cul-de-four dès l’origine, alors que l’embryon de chœur qui le précède n’a été couvert que postérieurement par une voûte en quart de cercle, qui s’adapte maladroitement à l’ensemble. Ces deux absidioles sont accolées à une abside centrale, elle-même prolongée par un chœur légèrement plus large. Celui-ci communique avec les parties droites des sanctuaires latéraux par deux baies fortement remaniées. L’abside est éclairée par trois fenêtres ébrasées vers l’intérieur.
A l’origine, l’autel de l’abside et ceux des absidioles étaient de 2 mètres supérieurs au niveau de la nef. Les soupiraux qu’on voit de l’extérieur se trouvaient en rapport avec cette disposition de chœurs surélevés. A l’extérieur, l’abside est ornée d’une arcature de bandes lombardes, composée de trois groupes de deux petits arcs entre les lésènes. Tout ce décor, fait de moellons à l’origine, a été restauré dans la méconnaissance de son esprit. Les pierres de taille, utilisées sur une grande hauteur pour les pilastres, n’ont pas leur place ici. Les fenêtres de l’abside et des absidioles ont été traitées dans un esprit qui n’a rien d’authentique. Cette décoration du premier art roman méridional, l’une des plus anciennes, sinon la plus ancienne de l’Albigeois, aurait dû faire l’objet d’une attention plus soutenue. On ne manquera pas d’observer que les absidioles n’ont reçu aucun décor. Cette différence de traitement entre l’abside et les absidioles demeurera un caractère constant des chevets romans de l’Albigeois. La croisée est remarquable par l’existence de piles en pierre de taille et par la présence d’une colonne engagée - avec chapiteau simplement épannelé - à la retombée de l’arc triomphal. Ce changement de matériau n’avait d’autre but que de renforcer les supports sur lesquels devait s’élever la tour du clocher. On est revenu aux pierres de schiste pour les arcs lancés au-dessus des piles. Ces arcs sont simples, à l’exclusion de l’arc triomphal, qui est à double rouleau. Comme nous l’avons dit, le clocher démoli n’a pas été reconstruit. La voûte en berceau qui couvre actuellement la croisée est venue obturer une ancienne fenêtre percée dans le mur oriental. La façade est le produit d’une restauration du XIXe siècle, comme le petit clocher qui la surmonte. On ne s’est pas astreint à reproduire les dispositions primitives. Sans doute a-t-on pris autant de libertés en restaurant le portail. Dans son état actuel, celui-ci comporte une archivolte très profonde, qui repose sur quatre chapiteaux par l’intermédiaire de longues consoles formant un tailloir unique pour deux corbeilles rapprochées. Les colonnes, au lieu d’être installées dans des ébrasements, sont placées l’une devant l’autre. L’organisation, qui est celle d’un porche plutôt que d’un portail, apparaîtra d’autant plus insolite que les deux arcs sont modernes. Les corbeilles des chapiteaux sont décorées d’éléments assez hétéroclites, comme feuillages, pommes de pin, réseau de vannerie, volutes, croix et étoiles à six branches. Il y a même un oiseau, et Victor Allègre a reconnu au toucher, sur une face cachée du deuxième chapiteau de gauche, une figure d’archer. Tous ces motifs, assez rudement traités, se détachent sur le fond d’une manière assez fruste. L’archaïsme ne doit cependant pas faire illusion. Ces chapiteaux, qu’on a rapprochés de ceux de Saint-Pierre de La Salvetat, ne sont sans doute pas antérieurs au second quart du XIIe siècle. On signalera l’existence d’astragales cordés et de curieuses bases, de forme bombée, elles aussi bordées d’une torsade. On peut se demander si on n’a pas remonté d’une manière arbitraire un portail qui, à l’origine, se présentait normalement avec des ressauts et des voussures échelonnées. De toute manière, il ne pouvait s’agir que d’un complément ou d’un enrichissement à une église datant pour le gros œuvre du XIe siècle. C’est en effet la date que suggèrent tous les caractères de l’édifice, aussi bien le matériau employé, la décoration murale de l’abside, la forme des fenêtres - dans le vaisseau central et dans les collatéraux, où elles sont semblables - le plan des piles et le dessin des portes, aujourd’hui obturées, du transept. On se demandera seulement s’il s’agit de l’église Notre-Dame qui fut donnée en 1057 aux moines de Saint-Victor de Marseille, ou d’un édifice que ceux-ci auraient rebâti. Pour nous, il n’est pas douteux que la seconde hypothèse est la bonne. Souvenons-nous que l’église remise aux victorins est dite « très ancienne ». Elle devait au moins appartenir au début du siècle. Le monument actuel ne saurait, dans l’Albigeois, se prévaloir d’une pareille ancienneté. Il se rattache au contraire étroitement à une famille d’édifices - Lasplanques, Burlats - qui ne datent que de la fin du XIe ou même du début du XIIe siècle. Il faut donc admettre que les moines marseillais ont démoli l’église qui leur avait été donnée, sans doute parce qu’elle convenait mal aux besoins du prieuré, et reconstruit tout aussitôt, sans doute dès les environs de 1060, avec le monument actuel, doté d’un transept, de collatéraux et d’une tour de transept, une église qui, elle, était parfaitement adaptée à ces besoins. Nous avons vu que les voûtes sont plus tardives, mais sans doute d’assez peu, si l’on en juge par le caractère des supports de la croisée, qui appartiennent à cette deuxième campagne. L’église du prieuré d’Ambialet aurait donc été voûtée dès la première moitié du XIIe siècle avec les moyens généralement utilisés pour ce genre d’opération et notamment en épaississant les murs à l’aide d’arcades plaquées latéralement. Le grand mérite d’Ambialet est d’avoir implanté le premier art roman méridional dans la région du Tarn. Il ne tarda pas à rayonner à partir de ce foyer dans les églises rurales avoisinantes. …
(extrait de : Haut-Languedoc roman ; Marcel Durliat, Ed. Zodiaque, Coll. La nuit des Temps, 1978, pp. 231-237)
Coordonnées GPS : N43°57.042’ ; E2°21.517’