kristobalite
Cathédrale de Pise
Cathédrale romane ; commune de Pise, province de Pise, région de Toscane, Italie
« Parmi les constructions véritablement grandioses et extraordinaires d’Europe, on compte la cathédrale de Pise »; ainsi l’affirme Kubach, et certes à son époque elle représentait la construction la plus grandiose et la plus imposante de l’Occident chrétien. Le plan de l’édifice comporte cinq nefs, comme dans les plus grandes basiliques paléochrétiennes de Rome, mais avec un transept saillant à trois nefs ; des tribunes s’étendent au-dessus de toutes les nefs latérales et une coupole octogonale surmonte la croisée du transept. Une grande abside termine la nef centrale et les deux bras du transept présentent une terminaison absidale analogue, bien que de dimensions réduites. La couverture originelle, détruite dans l’incendie de 1595, devait presque certainement être à charpente apparente. Les hautes colonnes de la nef centrale se succèdent dans une parfaite symétrie, interrompues seulement par quatre robustes piliers (deux de chaque côté) soutenant le corps cylindrique qui, grâce à des pendentifs triangulaires, prend la forme octogonale sur laquelle repose la coupole. Les tribunes donnent sur la nef par des ouvertures en forme de vastes fenêtres doubles évoquant l’art byzantin, solution qui donne naissance à une alternance rythmique de colonnettes et de piliers. On peut dire que les transepts ne produisent pas un « effet spatial » dans la mesure où les murs de la nef centrale se continuent sous la coupole, masquant ainsi le départ et la présence des bras transversaux. Du fait de leur hauteur moindre et de leur répartition différente de l’espace (trois nefs au lieu de cinq), les transepts présentent l’aspect d’une église à part, et aussi parce que leurs tribunes sont séparées de la coupole par des « ponts ». Comme l’a fait remarquer Kubach, cela engendre « une série de perspectives variées et fascinantes, du fait des diverses positions des arcs et des colonnes ». L’intérieur est lumineux et animé non seulement par les jeux d’ombre et de lumière dus à la disposition complexe des volumes, mais aussi par la brillante décoration polychrome à bandes horizontales alternées ou à incrustations, sur les murs comme sur le pavement. Le décor des chapiteaux, de l’époque de Buscheto, est classique et se réfère à des modèles corinthiens et composites; il est repris sur les chapiteaux des collatéraux qui reçoivent des arcs surhaussés. C’est un décor différent que présentent par contre les chapiteaux de la partie ajoutée au XIIe siècle, avec l’apparition marquée de figurations plus, complexes. La « splendeur des marbres multicolores » atteint son sommet lorsqu’on regarde l’extérieur, où le décor des surfaces architecturales, typique du roman pisan, « trouve sa réalisation la plus complète et la plus riche ». Si l’on excepte la façade plus tardive, qui cependant se conforme aux partis décoratifs déjà présents dans l’édifice, les murs gouttereaux et ceux de la partie haute de la nef forment une suite ininterrompue de trois registres superposés qui font le tour du monument. Dans le bas, des arcades aveugles évoquant Ravenne sont en légère saillie sur les parois, encadrant des fenêtres à archivolte, des losanges ou des ronds à gradins, motif qui se poursuit sur les absides elles-mêmes. Le registre supérieur des murs gouttereaux est scandé d’un rythme plus serré de fins pilastres qui soutiennent en guise d’architrave la robuste corniche à la limite de la couverture des collatéraux. Entre les pilastres s’intercalent de petites fenêtres - rectangulaires cette fois -, des losanges et des cercles bordés et incrustés. Enfin sur les murs de la parure haute de la nef on retrouve le motif des arcades aveugles, avec maintenant des colonnettes et selon un rythme plus lent qui se rattache substantiellement à l’ample scansion du motif du rez-de-chaussée. Les absides reprennent elles aussi dans leur premier registre le motif des murs latéraux; toutefois l’abside du bras Nord du transept présente un registre intermédiaire avec une rangée de losanges en gradins et reprend au registre supérieur le parti décoratif apparu dans le bas. La partie supérieure de l’abside méridionale reproduit entièrement le décor des murs latéraux sur le même registre, tandis que la grande abside orientale présente dans le haut le motif des petites galeries - déjà apparu sur la façade et repris au clocher - en deux rangées dont celle du haut couronnée d’architraves. La façade actuelle de la cathédrale de Pise, réalisée après la prolongation du corps de l’édifice, ne reflète pas, à en croire Salmi, la conception originelle de Buscheto et aurait dû logiquement rappeler les motifs utilisés sur le reste du parement. Cependant la solution des galeries superposées mise en œuvre par Rainaldo s’harmonise sans heurt avec les motifs utilisés dans le reste de l’édifice. Au registre inférieur apparaissent à nouveau les arcades aveugles, de largeur variable afin d’encadrer les trois portails, ou bien des losanges à gradins - mais au-dessus des petits portails sont insérés des rosettes - ornés de mosaïques de marbres et de tesselles émaillées. Au-dessus, il y a quatre rangées de galeries dont le contour épouse celui de l’intérieur et qui se trouvent détachées de la façade où s’ouvrent diverses fenêtres simples, doubles ou triples. Les rangées de galeries sont séparées par des corniches sculptées avec des incrustations de marbres variés, tandis que des statues sont placées aux extrémités des rampants : au-dessus des murs latéraux deux évangélistes, au sommet de la façade la Vierge à l’Enfant d’Andrea Pisano et de part et d’autre de celle-ci deux anges de l’école de Giovanni Pisano. La façade contient aussi le mémorial des principaux artisans de la cathédrale. Sous la première arcade se trouve la pierre tombale de Buscheto ; au-dessus du portail central, sur la droite, une inscription évoque Rainaldo gui fit entreprendre la façade; tandis que sur le pilier de gauche au niveau de l’emmarchement, figure l’inscription funéraire du maître Guglielmo, le sculpteur rendu célèbre par l’exécution de la première chaire de la cathédrale, selon un modèle longtemps imité, et qui termina avec ses ouvriers la partie supérieure de la façade. L’ensemble décoratif de la façade était complété par les portes de bronze de Bonanno avec l’histoire de la Vierge sur celles du portail principal, l’histoire du Rédempteur sur celles des portails secondaires, portes malheureusement détruites dans l’incendie de 1595 et refaites ensuite. La cathédrale constitue nettement la meilleure expression du « roman pisan » où, grâce à Buscheto, des éléments de la tradition classique véhiculés par les œuvres paléochrétiennes se fondent avec des motifs lombards et byzantins, mais surtout avec ce que les contacts entre Pise et le monde arabe et normand avaient pu y apporter. Les arcades à l’arc surhaussé ou brisé, les arcs retombant sur de hauts piédroits, le chromatisme accusé nous renvoient à l’Orient, en sorte que la ville se trouve être à l'époque comme un des points privilégiés de la rencontre des deux civilisations.
Si la cathédrale de Pise se situe dans le monde roman comme une des réalisations architecturales les plus prestigieuses, elle se révèle aussi comme une des œuvres déterminantes, du fait de la riche ornementation plastique dont elle est revêtue. …
… Un regard, pour finir, sur les matériaux utilisés nous fait constater que leur variété reste substantiellement assez limitée : marbre pisan et calcaire de la Verruca pour les grandes surfaces et pour les quelques sculptures prévues dès l’origine; granit des îles d’Elbe et de Giglio (le fis) et de la Sardaigne pour les grandes et petites colonnes - sauf l’une ou l’autre de remploi; tuf de Livourne pour le blocage. Dans le marbre blanc s’insèrent les divers marbres colorés des incrustations, tant dans les murs que dans les pavements. Mais il faut mettre en lumière comment le nivco marmore templum se revêt d’un matériau non utilisé pendant des siècles sur les rives de la Méditerranée, depuis le temps des grands monuments romains. A Pise, comme l’a fait remarquer Sanpaolesi, « réapparaît donc dans toute sa splendeur et avec tout son poids le marbre, matériau d’où est sortie la grande architecture antique ».
(extrait de : Toscane romane ; Italo Moretti et Renato Stopani, Ed. Zodiaque, Coll. La nuit des Temps, 1982, pp. 73-111)
Coordonnées GPS : N43°43’23 ; E10°23’47
Cathédrale de Pise
Cathédrale romane ; commune de Pise, province de Pise, région de Toscane, Italie
« Parmi les constructions véritablement grandioses et extraordinaires d’Europe, on compte la cathédrale de Pise »; ainsi l’affirme Kubach, et certes à son époque elle représentait la construction la plus grandiose et la plus imposante de l’Occident chrétien. Le plan de l’édifice comporte cinq nefs, comme dans les plus grandes basiliques paléochrétiennes de Rome, mais avec un transept saillant à trois nefs ; des tribunes s’étendent au-dessus de toutes les nefs latérales et une coupole octogonale surmonte la croisée du transept. Une grande abside termine la nef centrale et les deux bras du transept présentent une terminaison absidale analogue, bien que de dimensions réduites. La couverture originelle, détruite dans l’incendie de 1595, devait presque certainement être à charpente apparente. Les hautes colonnes de la nef centrale se succèdent dans une parfaite symétrie, interrompues seulement par quatre robustes piliers (deux de chaque côté) soutenant le corps cylindrique qui, grâce à des pendentifs triangulaires, prend la forme octogonale sur laquelle repose la coupole. Les tribunes donnent sur la nef par des ouvertures en forme de vastes fenêtres doubles évoquant l’art byzantin, solution qui donne naissance à une alternance rythmique de colonnettes et de piliers. On peut dire que les transepts ne produisent pas un « effet spatial » dans la mesure où les murs de la nef centrale se continuent sous la coupole, masquant ainsi le départ et la présence des bras transversaux. Du fait de leur hauteur moindre et de leur répartition différente de l’espace (trois nefs au lieu de cinq), les transepts présentent l’aspect d’une église à part, et aussi parce que leurs tribunes sont séparées de la coupole par des « ponts ». Comme l’a fait remarquer Kubach, cela engendre « une série de perspectives variées et fascinantes, du fait des diverses positions des arcs et des colonnes ». L’intérieur est lumineux et animé non seulement par les jeux d’ombre et de lumière dus à la disposition complexe des volumes, mais aussi par la brillante décoration polychrome à bandes horizontales alternées ou à incrustations, sur les murs comme sur le pavement. Le décor des chapiteaux, de l’époque de Buscheto, est classique et se réfère à des modèles corinthiens et composites; il est repris sur les chapiteaux des collatéraux qui reçoivent des arcs surhaussés. C’est un décor différent que présentent par contre les chapiteaux de la partie ajoutée au XIIe siècle, avec l’apparition marquée de figurations plus, complexes. La « splendeur des marbres multicolores » atteint son sommet lorsqu’on regarde l’extérieur, où le décor des surfaces architecturales, typique du roman pisan, « trouve sa réalisation la plus complète et la plus riche ». Si l’on excepte la façade plus tardive, qui cependant se conforme aux partis décoratifs déjà présents dans l’édifice, les murs gouttereaux et ceux de la partie haute de la nef forment une suite ininterrompue de trois registres superposés qui font le tour du monument. Dans le bas, des arcades aveugles évoquant Ravenne sont en légère saillie sur les parois, encadrant des fenêtres à archivolte, des losanges ou des ronds à gradins, motif qui se poursuit sur les absides elles-mêmes. Le registre supérieur des murs gouttereaux est scandé d’un rythme plus serré de fins pilastres qui soutiennent en guise d’architrave la robuste corniche à la limite de la couverture des collatéraux. Entre les pilastres s’intercalent de petites fenêtres - rectangulaires cette fois -, des losanges et des cercles bordés et incrustés. Enfin sur les murs de la parure haute de la nef on retrouve le motif des arcades aveugles, avec maintenant des colonnettes et selon un rythme plus lent qui se rattache substantiellement à l’ample scansion du motif du rez-de-chaussée. Les absides reprennent elles aussi dans leur premier registre le motif des murs latéraux; toutefois l’abside du bras Nord du transept présente un registre intermédiaire avec une rangée de losanges en gradins et reprend au registre supérieur le parti décoratif apparu dans le bas. La partie supérieure de l’abside méridionale reproduit entièrement le décor des murs latéraux sur le même registre, tandis que la grande abside orientale présente dans le haut le motif des petites galeries - déjà apparu sur la façade et repris au clocher - en deux rangées dont celle du haut couronnée d’architraves. La façade actuelle de la cathédrale de Pise, réalisée après la prolongation du corps de l’édifice, ne reflète pas, à en croire Salmi, la conception originelle de Buscheto et aurait dû logiquement rappeler les motifs utilisés sur le reste du parement. Cependant la solution des galeries superposées mise en œuvre par Rainaldo s’harmonise sans heurt avec les motifs utilisés dans le reste de l’édifice. Au registre inférieur apparaissent à nouveau les arcades aveugles, de largeur variable afin d’encadrer les trois portails, ou bien des losanges à gradins - mais au-dessus des petits portails sont insérés des rosettes - ornés de mosaïques de marbres et de tesselles émaillées. Au-dessus, il y a quatre rangées de galeries dont le contour épouse celui de l’intérieur et qui se trouvent détachées de la façade où s’ouvrent diverses fenêtres simples, doubles ou triples. Les rangées de galeries sont séparées par des corniches sculptées avec des incrustations de marbres variés, tandis que des statues sont placées aux extrémités des rampants : au-dessus des murs latéraux deux évangélistes, au sommet de la façade la Vierge à l’Enfant d’Andrea Pisano et de part et d’autre de celle-ci deux anges de l’école de Giovanni Pisano. La façade contient aussi le mémorial des principaux artisans de la cathédrale. Sous la première arcade se trouve la pierre tombale de Buscheto ; au-dessus du portail central, sur la droite, une inscription évoque Rainaldo gui fit entreprendre la façade; tandis que sur le pilier de gauche au niveau de l’emmarchement, figure l’inscription funéraire du maître Guglielmo, le sculpteur rendu célèbre par l’exécution de la première chaire de la cathédrale, selon un modèle longtemps imité, et qui termina avec ses ouvriers la partie supérieure de la façade. L’ensemble décoratif de la façade était complété par les portes de bronze de Bonanno avec l’histoire de la Vierge sur celles du portail principal, l’histoire du Rédempteur sur celles des portails secondaires, portes malheureusement détruites dans l’incendie de 1595 et refaites ensuite. La cathédrale constitue nettement la meilleure expression du « roman pisan » où, grâce à Buscheto, des éléments de la tradition classique véhiculés par les œuvres paléochrétiennes se fondent avec des motifs lombards et byzantins, mais surtout avec ce que les contacts entre Pise et le monde arabe et normand avaient pu y apporter. Les arcades à l’arc surhaussé ou brisé, les arcs retombant sur de hauts piédroits, le chromatisme accusé nous renvoient à l’Orient, en sorte que la ville se trouve être à l'époque comme un des points privilégiés de la rencontre des deux civilisations.
Si la cathédrale de Pise se situe dans le monde roman comme une des réalisations architecturales les plus prestigieuses, elle se révèle aussi comme une des œuvres déterminantes, du fait de la riche ornementation plastique dont elle est revêtue. …
… Un regard, pour finir, sur les matériaux utilisés nous fait constater que leur variété reste substantiellement assez limitée : marbre pisan et calcaire de la Verruca pour les grandes surfaces et pour les quelques sculptures prévues dès l’origine; granit des îles d’Elbe et de Giglio (le fis) et de la Sardaigne pour les grandes et petites colonnes - sauf l’une ou l’autre de remploi; tuf de Livourne pour le blocage. Dans le marbre blanc s’insèrent les divers marbres colorés des incrustations, tant dans les murs que dans les pavements. Mais il faut mettre en lumière comment le nivco marmore templum se revêt d’un matériau non utilisé pendant des siècles sur les rives de la Méditerranée, depuis le temps des grands monuments romains. A Pise, comme l’a fait remarquer Sanpaolesi, « réapparaît donc dans toute sa splendeur et avec tout son poids le marbre, matériau d’où est sortie la grande architecture antique ».
(extrait de : Toscane romane ; Italo Moretti et Renato Stopani, Ed. Zodiaque, Coll. La nuit des Temps, 1982, pp. 73-111)
Coordonnées GPS : N43°43’23 ; E10°23’47