Le pouvoir
C’est le méchant type qui a raison. Y en a ras le bol de tous ces sentiments dégoulinants, vient des moments où on n’arrive pas à conserver son calme.
Le continent noir. Mon amour au moins égal à ma haine. La culpabilité et le ressentiment comme blason d’amertume. Paternalisme et néo-colonialisme en renfort. De la difficulté d’être juste. Leurs comportements indignes, les miens, les nôtres, ici ou ailleurs, et la colère sourde que ces aversions m’occasionnent.
Tiens prenons les stéréotypes immémoriaux sur les Blancs. Ils me débectent tout autant que ceux que l’on nous servait à l’heure coloniale sur les Noirs.
Rien n’a changé, le grand jackpot, c’est toujours le zungu et son acolyte toubab. Misère aidant, éducation vacillante, corruption galopante, 90 % des filles de ce putain de pays voient toujours le Blanc comme de l’or en barre juché sur des béquilles.
Alors que j’en connais dans le bled, des tropicalisés, résidus d’Occident qui gagnent pas plus que le SMIC. Certes, au soleil, un bon smicard ça fait encore un époux plus qu’honorable. Mais on est quand même loin des marges bénéficiaires des forbans de l’Or Noir et de ses dérivés : les grandes familles Emirati, Koweti, Indiennes ou Kikuyu… Pourtant, côté séduction (gratuite) de la gueuse locale, ceux-là ne font pas recette : la dictature des légendes coloniales, c’est ce qu’il reste encore de la puissance passée quand celle-ci est devenue impuissante (j'entends à promouvoir autre chose que des images, des fantasmes, des mensonges). Bien sûr, elle vend encore sous diverses noms des élixirs puissants : l’idée d’opulence, de bien-être, la société des loisirs, et puis des biscoteaux, la force armée, les bateaux de guerre, des films et des icônes, Georges Cloney, Brad Pitt, etc. (je sais je date).
On pourrait se demander pouquoi on nous a pas rebotté le cul depuis les dernières luttes de décolonisation. Ben parce qu’un mensonge ça se travaille, ça s’entretient, ça se conserve dans le bocal formol des mythes intangibles. Ceux bien pratiques utilisés par les aristocraties noires post-indépendance pour justifier - avec la complicité des anciennes puissances tutélaires – l’injustifiable : main basse sur les richesses, parodie démocratique, inégalité, machisme…
Et de notre côté ?
L’Afrique… D’abord, c’est quoi l’Afrique ? Pourquoi ce raccourci facile ? L’Afrique, c’est 45 pays, sans parler des régions qui échappent à l’autorité du pouvoir central. L’Afrique c’est un galimatias pratique dont on use et abuse pour édifier nos masses ovines avec un repoussoir.
Easy, c’est un miroir inversé, un baluchon où l’on a fourré tous nos forfaits, notre mauvaise conscience, nos infamies. On répète encore ça et là à satiété que le « bon nègre » est réputé plus obséquieux, plus solidaire, plus honnête au fond, plus proche de l’essentiel… Tu parles d’un poncif. Rythmé, tu sais l’Africain qui déhanche le soir son insouciance dans un maquis et troque au matin sa force de travail pour une abnégation bien sentie : les bouches à nourrir vous savez, famille nombreuse, les vieux et les malades à charge. Oui, la mystification fait des ravages, jusqu’en dans les sphères des gardiens du temple, ceux qui ont donné leur nom et leur drapeau aux sacro-saintes nations nées des guerres d’indépendance.
Sans nous douter que les vertus qu’on leur prête, ce que les forces profondes locales appellent tradition maintiennent en état de dépendance, de domesticité toute les catégories déjà discriminés : femmes, enfants, personnes atteintes de handicap, homosexuels, ethnies ou clans minoritaires. A eux le labeur aliénant, celui qui surtout ne bouleverse pas les tyrannies structurelles.
C’était qui déjà le coup de fil reçu ce matin ? Ton beau-frère. Un des patriarches.
Qu’est-ce qu’il voulait ? Que tu viennes séance tenante dans un de ces pays du Golfe où ta sœur a été hospitalisée. Un ou deux mois à jouer la boniche gratuitement, au nom de la famille et pour économiser du fric. Mais, elle n’est pas mourante n’est-ce pas ?
- Tu ne comprends pas, il ne me le demande pas c’est une sorte d’ordre.
- Ils savent sans doute que tu as un boulot, que tu es en passes d’obtenir une promotion et que c’est presque un miracle tant les convenances ont la peau dure ici-bas. Ils savent que te demander de partir même un mois équivaudrait à perdre ton travail.
- Sans doute. Mais tu ne comprends toujours pas, je suis marié maintenant, et selon eux, tu es censé subvenir à mes besoins.
- Oui mais ta satisfaction personnelle, le fait que tu puisses y gagner en liberté et en épanouissement, ils s’en tamponnent ?
- Tu sais, je suis une femme. Tu comprends maintenant ?
Non ni maintenant ni demain…. Je ne comprends pas et, toi comme mille autres, je rêve encore que vous gagnerez vite, très très vite, le pouvoir de leur balancer à la gueule : un égoïste, un débonnaire, un rageur, un furieux, un sonore, un splendide, même un coupable pourvu qu’il soit ferme…. Un mot tout simple qui claquerait comme une libération : Non !
Le pouvoir
C’est le méchant type qui a raison. Y en a ras le bol de tous ces sentiments dégoulinants, vient des moments où on n’arrive pas à conserver son calme.
Le continent noir. Mon amour au moins égal à ma haine. La culpabilité et le ressentiment comme blason d’amertume. Paternalisme et néo-colonialisme en renfort. De la difficulté d’être juste. Leurs comportements indignes, les miens, les nôtres, ici ou ailleurs, et la colère sourde que ces aversions m’occasionnent.
Tiens prenons les stéréotypes immémoriaux sur les Blancs. Ils me débectent tout autant que ceux que l’on nous servait à l’heure coloniale sur les Noirs.
Rien n’a changé, le grand jackpot, c’est toujours le zungu et son acolyte toubab. Misère aidant, éducation vacillante, corruption galopante, 90 % des filles de ce putain de pays voient toujours le Blanc comme de l’or en barre juché sur des béquilles.
Alors que j’en connais dans le bled, des tropicalisés, résidus d’Occident qui gagnent pas plus que le SMIC. Certes, au soleil, un bon smicard ça fait encore un époux plus qu’honorable. Mais on est quand même loin des marges bénéficiaires des forbans de l’Or Noir et de ses dérivés : les grandes familles Emirati, Koweti, Indiennes ou Kikuyu… Pourtant, côté séduction (gratuite) de la gueuse locale, ceux-là ne font pas recette : la dictature des légendes coloniales, c’est ce qu’il reste encore de la puissance passée quand celle-ci est devenue impuissante (j'entends à promouvoir autre chose que des images, des fantasmes, des mensonges). Bien sûr, elle vend encore sous diverses noms des élixirs puissants : l’idée d’opulence, de bien-être, la société des loisirs, et puis des biscoteaux, la force armée, les bateaux de guerre, des films et des icônes, Georges Cloney, Brad Pitt, etc. (je sais je date).
On pourrait se demander pouquoi on nous a pas rebotté le cul depuis les dernières luttes de décolonisation. Ben parce qu’un mensonge ça se travaille, ça s’entretient, ça se conserve dans le bocal formol des mythes intangibles. Ceux bien pratiques utilisés par les aristocraties noires post-indépendance pour justifier - avec la complicité des anciennes puissances tutélaires – l’injustifiable : main basse sur les richesses, parodie démocratique, inégalité, machisme…
Et de notre côté ?
L’Afrique… D’abord, c’est quoi l’Afrique ? Pourquoi ce raccourci facile ? L’Afrique, c’est 45 pays, sans parler des régions qui échappent à l’autorité du pouvoir central. L’Afrique c’est un galimatias pratique dont on use et abuse pour édifier nos masses ovines avec un repoussoir.
Easy, c’est un miroir inversé, un baluchon où l’on a fourré tous nos forfaits, notre mauvaise conscience, nos infamies. On répète encore ça et là à satiété que le « bon nègre » est réputé plus obséquieux, plus solidaire, plus honnête au fond, plus proche de l’essentiel… Tu parles d’un poncif. Rythmé, tu sais l’Africain qui déhanche le soir son insouciance dans un maquis et troque au matin sa force de travail pour une abnégation bien sentie : les bouches à nourrir vous savez, famille nombreuse, les vieux et les malades à charge. Oui, la mystification fait des ravages, jusqu’en dans les sphères des gardiens du temple, ceux qui ont donné leur nom et leur drapeau aux sacro-saintes nations nées des guerres d’indépendance.
Sans nous douter que les vertus qu’on leur prête, ce que les forces profondes locales appellent tradition maintiennent en état de dépendance, de domesticité toute les catégories déjà discriminés : femmes, enfants, personnes atteintes de handicap, homosexuels, ethnies ou clans minoritaires. A eux le labeur aliénant, celui qui surtout ne bouleverse pas les tyrannies structurelles.
C’était qui déjà le coup de fil reçu ce matin ? Ton beau-frère. Un des patriarches.
Qu’est-ce qu’il voulait ? Que tu viennes séance tenante dans un de ces pays du Golfe où ta sœur a été hospitalisée. Un ou deux mois à jouer la boniche gratuitement, au nom de la famille et pour économiser du fric. Mais, elle n’est pas mourante n’est-ce pas ?
- Tu ne comprends pas, il ne me le demande pas c’est une sorte d’ordre.
- Ils savent sans doute que tu as un boulot, que tu es en passes d’obtenir une promotion et que c’est presque un miracle tant les convenances ont la peau dure ici-bas. Ils savent que te demander de partir même un mois équivaudrait à perdre ton travail.
- Sans doute. Mais tu ne comprends toujours pas, je suis marié maintenant, et selon eux, tu es censé subvenir à mes besoins.
- Oui mais ta satisfaction personnelle, le fait que tu puisses y gagner en liberté et en épanouissement, ils s’en tamponnent ?
- Tu sais, je suis une femme. Tu comprends maintenant ?
Non ni maintenant ni demain…. Je ne comprends pas et, toi comme mille autres, je rêve encore que vous gagnerez vite, très très vite, le pouvoir de leur balancer à la gueule : un égoïste, un débonnaire, un rageur, un furieux, un sonore, un splendide, même un coupable pourvu qu’il soit ferme…. Un mot tout simple qui claquerait comme une libération : Non !