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Bronzer au Cimetière Montparnasse ou la Tombe de Phillippe Ratisbonne et désarroi de Robert Dufosse

Pourquoi la question religieuse est-elle, selon vous, aux sources de la hiérarchie des sexes ?

 

Question énorme, qui engage l’analyse de ce qui a organisé les sociétés humaines d’aussi loin qu’on les connaisse. Vous me permettrez de résumer grossièrement un phénomène particulièrement compliqué. Le problème constitutif des sociétés, c’est d’assurer leur continuité dans le temps, indépendamment du fait que leurs membres ne cessent de se renouveler dans le cycle des morts et des naissances. Les religions ont répondu à ce problème en plaçant l’organisation collective dans la dépendance d’un fondement surnaturel et intangible.

 

Mais cette perpétuation culturelle exige évidemment le support de la reproduction biologique. Or celle-ci passe par les femmes qui font les enfants. C’est là que se joue leur subordination, dans l’appropriation sociale de cette puissance cruciale et sa soumission à l’impératif plus élevé de continuité culturelle, reporté du côté des hommes. La « valence différentielle des sexes » dont parle Françoise Héritier a été fonction de cette production de la transcendance temporelle des sociétés.

 

Dans quelle mesure la fin de la domination masculine est-elle liée à la « sortie de la religion » ?

 

La sortie de la religion, bien comprise comme sortie de l’organisation religieuse des sociétés, a consisté pour une part essentielle dans une objectivation du cadre collectif et de son mécanisme de perpétuation qui a permis l’émancipation des individus en général, hommes et femmes confondus. Car la domination masculine n’était qu’un des visages de l’assujettissement de tous à ces impératifs du fonctionnement social. Les dominants étaient eux-mêmes dominés par un système de rôles qui s’imposait à eux. Aussi, dans l’ensemble, sont-ils loin de se plaindre de cette perte de leur position privilégiée.

 

Le phénomène touche-t-il uniquement l’Occident ?

 

Comme la sortie de la religion en général, le phénomène a son foyer actif en Occident, mais il rayonne à l’échelle du globe, avec des effets contradictoires d’attraction et de répulsion. Il rencontre partout des échos, il suscite le désir, il éveille des vocations, à l’instar des autres aspects de la modernité occidentale. Mais dans la mesure où il est aussi très déstabilisant pour des sociétés qui continuent de fonctionner largement sur un mode traditionnel, il provoque des crispations et des rejets. La partie n’est pas jouée, mais il n’y a pas de lieu de la planète où elle ne soit engagée.

 

La fin du paternalisme est-elle aussi la fin d’une certaine structure, idée ou représentation de la famille ?

 

Les deux phénomènes sont inséparables. La domination masculine qui se concrétisait dans la figure du père allait de pair avec une vision bien définie du statut et du rôle de la famille. Celle-ci était l’institution primordiale chargée de la fabrique du social, le creuset où s’opérait, grâce à la hiérarchie des sexes et des générations, l’articulation de la reproduction biologique et de la reproduction culturelle. C’est sur elle que reposait la perpétuation collective sous la forme de la continuité des lignées. Ce que traduisait la formule fameuse qui l’érigeait en « cellule de base de la société ».

 

Il ne reste rien de cette ancienne fonction. La famille n’est plus une institution dans la rigueur du terme, dont le père serait le « chef ». Elle est une association privée de personnes égales en vue de leur épanouissement affectif. Aussi est-elle plus populaire qu’elle ne l’a jamais été. Elle était un lieu de fortes contraintes sociales. Elle est devenue un havre de libertés intimes.

 

N’y a-t-il pas une chance à saisir pour les hommes d’inventer une

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Uploaded on September 29, 2018
Taken on September 29, 2018