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Philibert Delorme, dome de la chapelle du château d'Anet

La chapelle présente un art savant qui montre bien la rupture avec le Moyen Age. Son plan apparaît comme un " dialogue " entre l'infini et le fini, il est forme de croix grecque inscrite dans un carré (symbole du fini) puis l'élévation conduit progressivement à une coupole (sphère symbole de l'infini). La coupole est surmontée d'un lanterneau avec colonnade (allusion au Tempietto de Bramante, 1502 ?). Ce lanterneau porte une croix au décor chargé, dans lequel il est surprenant de reconnaître les symboles de Diane de Poitiers (lune, D entrelacé) et de Henri II (H). L'intérieur montre une grande maîtrise de la géométrie en trois dimensions. Un magnifique pavement de marbres de diverses couleurs agencés en spirale se reflète dans la coupole conçue comme une projection verticale d'une spirale sur une sphère. Le décor montre aussi tout un travail de sculpture et présente des pilastres dont le chapiteau orné de deux rangs de feuilles de laurier est d'un style nouveau créé par Delorme, le style anetais (1° style français). La dépouille de la duchesse Diane de Poitiers, favorite du roi Henri II, a regagné la chapelle sépulcrale du château 215 ans après la profanation de son cercueil par des révolutionnaires en 1795.

 

"Les architectes français du Moyen-âge ont su faire bon usage de la pierre. De L’Orme le proclame, et quand il prétend avoir « osté les façons barbares » il ne veut que promouvoir l’usage des « fines commissures » c’est-à –dire des joints si fins qu’on a l’impression que les pierres sont posées sans mortier. Pour parvenir à la perfection de la taille de la pierre. Il faut maîtriser ce qu’il appelle l’art du trait », c’est-à-dire la stéréotomie, la géométrie appliquée à la définition de la forme que chaque pierre doit avoir pour occuper sa place, et notamment les voussoirs, dont la forme complexe force la pesanteur à travailler contre elle¬-même et participe du développement harmonieux de la surface inférieure des voûtes. De l’Orme a décrit les principes de la stéréotomie, peut-être a-t-il en parti inventé celle-ci en mettant à profit les progrès de la perspective linéaire : stéréotomie et perspective linéaire sont deux aspects de la géométrie de la troisième dimension. Or, chose remarquable, non seulement les développements de De L’Orme sont été les premier publiés sur le sujet , mais ce sujet va occuper dans la trattastica française une place sans équivalent à l’étranger et aboutira à la mise au point de la géométrie descriptive par des mathématiciens français. La stéréotomie n’est pas une technique parmi d’autres : elle permet de faire du neuf avec du vieux ; de régulariser l’irrégulier, c’est la pierre philosophale qui transmue le Moyen-âge caduc en Renaissance triomphante. En effet, rares sont les exemples où l’architecture moderne peut construire ex-nihilo. La réhabilitation des vieux bâtiments est l’activité principale des architectes les plus grands. De l’Orme montre par une illustration comment, grâce à la connaissance de la stéréotomie, il peut régulariser un vieux château. A Anet, en ajoutant, grâce à une trompe, un cabinet, il a produit l’un de ses plus singuliers ouvrages.

L’art de la voûte vient du Moyen-âge et du Midi. De l’Orme a construit aux Tuileries un célèbre escalier « suspendu sur voûte » (détruit par communards) dont le prototype était à Toulouse. La capitale languedocienne entretient avec l’Espagne, qui a encore, au XVIème siècle , une production remarquable d’escaliers suspendus et de voûtes, des relations suivies. Ainsi la chapelle du château d’Assier, en Quercy, unique en France, reproduit un type provenant de Valencia. Le sud résiste encore à l’impérialisme culturel du nord."

Jean-Marie Perouse de Monclos in L'art de France 1450 - 1770 pages ; 163 -164 / éd. Mengès

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Uploaded on June 29, 2016
Taken on June 29, 2016