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Tympan du Jugement dernier, église sainte Foy de Conques

Considéré comme "l'une des œuvres fondamentales de la sculpture romane par ses qualités artistiques, son originalité et par ses dimension", ce tympan représente une parousie, l'histoire du Salut et le Jugement dernier, d'après l'évangile selon Matthieu. Le maître de Conques a sculpté sur 24 blocs calcaire jaune (juxtaposés, sculptés avant la pose et repris ensuite), trois registres en 29 tableaux et 124 personnages qui présentent des traces de polychromie. Ces registres correspondent à une organisation verticale du temps (les trois niveaux temporels) et de l'espace (les trois mondes célestes, terrestres et souterrains) : le registre inférieur représente les mondes souterrains, l'ici-bas des temps passés avec à gauche (à droite du Christ) le Paradis et le Limbe des patriarches et à droite le séjour des morts dans les enfers.

 

Le registre médian est associé au monde terrestre, au temps présent, l'ici-bas des contemporains, avec à gauche la procession des élus et à droite les pécheurs vivants qui n'ont pas subi encore leur jugement particulier. Le registre supérieur correspond aux Cieux (domaines de l'éternité, de l'intemporel), à l'avenir, l'au-delà céleste d'après le Jugement. Quatre anges, curieux de l'issue du procès, sont sculptés sur l'archivolte, pointent leur nez au-dessus du bandeau et, avec leurs mains, roulent le tapis du firmament.

 

Le registre inférieur est divisé en deux parties. À gauche se trouve le Paradis, présidé au centre par Abraham tenant entre ses bras deux élus (symbolisant peut-être les saints Innocents), porteurs de sceptres ou de courtes tiges fleuronnées. À sa droite, sont placés les martyrs reconnaissables à leurs attributs, les palmes, puis les saintes Femmes portant des flacons de parfums et les vierges sages tenant leurs lampes et un livre ouvert. À sa gauche, des prophètes portent des rouleaux de parchemins, puis les apôtres porteurs des codex. L'antichambre du paradis est symbolisée par la porte de la Jérusalem céleste avec un ange qui accueille les élus. Un autre ange, les ailes déployées (avec le motif du type "toit à double pente", fortement récurrent), tient un élu par la main, comme s’il venait de le dérober à Satan.

 

La partie droite est consacrée à l'enfer, son antichambre figurant un démon hirsute et grassouillet qui brandit un pilon, un damné enfourné dans la gueule du Léviathan dans laquelle on voit les pieds d’un autre damné. Dans l'enfer, présidé par Satan, sont châtiés les péchés capitaux : l'orgueil, personnifié par un chevalier désarçonné d'un cheval, l'adultère ou la luxure représentés par une femme, poitrine dénudée, liée par le cou avec son amant, l'avarice pendue haut et court avec son sac d’or au cou (un démon tirant la corde qui la pend à une potence), la paresse avec un homme sous Satan dont les pieds sont léchés par un crapaud, a médisance avec un homme assis sur le feu dont la langue est arrachée par un démon, la gourmandise, avec un damné au ventre rebondi qui est plongé dans un chaudron.

 

La femme juchée sur les épaules d'un homme pourrait évoquer le renversement de l'autorité maritale. Quatre anges voisinent à l'étage supérieur de ce registre, dans l'écoinçon central-nord : trois d'entre eux ont encore une tâche parallèle (ouverture de tombeaux), l'autre est l'archange saint Michel affrontant un démon autour d'une balance pour la pesée des âmes. Dans cette scène, le démon tente de tricher, en appuyant sur le plateau de la balance, mais échoue. Derrière ce démon, est représentée une âme qui descend par une trappe jusqu'aux portes.

 

Au-dessus de la gueule du Léviathan, le désespéré (ou le coléreux) se plante un poignard dans la gorge. À droite, un démon arrache avec un crochet la langue d'un artiste de scène (troubadour, jongleur ou bateleur) dont il tient la cithare à la main. Allongé sur son dos, un autre démon lui mord la nuque. Enfin à droite, un homme est rôti à la broche par deux démons, dont l’un a une tête de lièvre, ce qui suggère que le damné est un braconnier.

 

Au registre médian, trône le Christ en majesté, au paradis avec les élus à sa droite et les damnés à sa gauche en enfer. La triple mandorle constellée, dans laquelle s'inscrit le Christ trônant, est portée par deux anges céroféraires (porteurs de cierges). À sa tête, deux anges portent des phylactères qui annoncent la scène : le cortège des élus est en marche vers le Christ. Dans cette procession des élus, on peut reconnaître la vierge Marie et saint Pierre (personnages nimbés), qui sont suivis par des personnages, probablement ceux qui ont marqué l'histoire de l'abbaye : Dadon (son fondateur représenté en ermite), un abbé (Odolric ou Bégon) qui tient par la main un roi (Charlemagne, bienfaiteur légendaire de l'abbaye, ce que rappelleraient les deux clercs qui le suivent, porteurs de présents, un diptyque et une châsse).

 

Dessous dans l'écoinçon, faveur insigne, sainte Foy est prosternée devant la main auréolée de Dieu. A gauche est représentée son église (symbolisée par l'autel, le trône de la sainte et les chaînes suspendues des prisonniers qu'elle a libérés). Les troupes des anges se déploient par paires, groupées en quaternités et entourant quasi symétriquement le Christ : "l'une timbre les angles du quadrilatère central, une autre à droite monte la garde dans un territoire-tampon entre le Christ et l'enfer, une troisième à gauche surplombe un cortège d'élus".

 

La seconde troupe comporte deux anges officiants tournés vers le Christ (le thuriféraire du bas porte un encensoir, celui du haut tient ouvert le livre de vie sur lequel on peut lire : SIGNATUR LIBER VITE, « Le livre de vie est scellé ») et deux anges militants tournés vers les damnés (celui du bas porte une lance à gonfanon, celui du haut une épée et un bouclier sur lequel on lit EXIBUNT ANGELI ET SEPARA[BUNT MALOS DE MEDIO IUSTORUM], "les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes", essayant d'échapper à l'enfer, ces anges-chevalier les repoussant.

 

La dernière troupe tient dans ses mains des phylactères dont la disposition en mitre définit deux places privilégiées, la tête et le centre. On peut voir parmi les damnés de mauvais moines ; un damné corde au cou, probablement poignardé par un démon, tient contre lui une sorte de sac, ce qui suggère la simonie ; un damné terrassé, tenant un livre à la main, évoque l'hérésie ; un faux-monnayeur, représenté avec son matériel de travail (enclume, sébile remplie de pièces) tenant en main le coin du frappeur de monnaies. A l'étage inférieur, trois démons portant des armes (bouclier, pic, lance, masse d'armes, arbalète, glaive) s'attaquent à des damnés ; un ivrogne (ou un gourmand, un avare), pendu par les pieds, dégurgite le contenu de ses intestins dans une sorte de plat contenant une bourse fermée par un lien.

 

Le registre supérieur est dominé au centre par la croix. Le sommet de sa poutre verticale évoque le titulus avec l'inscription en latin qu'aurait fait mettre Ponce pilate (inscription tronquée NUVSREXIVDEORUM). La traverse horizontale porte des inscriptions sur deux lignes : la première est réservée pour identifier SOL (le soleil) et LUNA (la lune), deux astres personnifiés et deux instruments de la Passion, LANCEA (la lance) et CLAVI (le clou) tenus par deux anges. La seconde porte l'inscription OC SIGNUM CRUCIS ERIT IN CELO CUM, description de l'évangéliste Matthieu de la parousie.

 

Dans les écoinçons, deux anges sonneurs de cor (ou d'olifant), les ailes déployées et les jambes tournoyantes "coudées en svastika", annoncent le retour du Christ aux quatre coins du monde. Ils forment avec les deux autres anges une quaternité qui entoure la croix en combinant une convergence vers le centre avec une divergence vers les côtés.

 

Les inscriptions qui courent sur les corniches composent un poème en vers léonins. Le premier bandeau porte l'inscription latine SANCTORVM CETVS STAT XPISTO IVDICE LETVS (L’assemblée des saints se tient debout, joyeuse, devant le Christ-juge) et HOM[I]NES PERVERSI SIC SVNT IN TARTARA MERSI (Les hommes pervers sont ainsi plongés en enfer).

 

Le second SIC DATVR ELECTIS AD CELI GAVDIA VECTIS (Ainsi sont donnés aux élus, conduits vers les joies du ciel), GLORIA PAX REQVIES PERPETVVSQVE DIES (La gloire, la paix, le repos et la lumière perpétuelle), PENIS INVSTI CRVCIANTVR IN IGNIBVS VSTI (Les injustes sont torturés par les tourments, brûlés dans les flammes), DEMONAS ATQVE TREMVNT PERPETVOQVE GEMVNT (Ils tremblent des démons et gémissent sans fin).

 

Les linteaux triangulaires forment des lignes brisées gravées de CASTI PACIFICI MITES PIETATIS AMICI (Les chastes, les pacifiques, les doux, les amis de la piété), SIC STANT GAVDENTES SECVRI NIL METVENTES (Se tiennent ainsi, debout, dans les joies, en sécurité et sans crainte), FVRES MENDACES FALSI CVPIDIQVE RAPACES (Les voleurs, les menteurs, les trompeurs, les cupides, les pillards), SIC SVNT DAMPNATI CVNCTI SIMVL ET SCELERATI (Sont ainsi damnés tous ensemble avec les scélérats). La corniche inférieure porte l'inscription O PECCATORES TRANSMVTETIS NISI MORES, IVDICIVM DVRVM VOBIS SCITOTE FVTVRVM (O pécheurs, à moins que vous ne changiez vos mœurs, sachez que le jugement sera rude pour vous) (cf. wikipédia, merci Titanet pour la photo).

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Uploaded on December 31, 2022
Taken on December 31, 2022