Au Rendez-vous des amis (Ernst)
Huile sur toile, 130 x 195 cm, décembre 1922, musée Ludwig, Cologne.
An 1921, André Breton et sa jeune épouse Lou-Rosa Strauss (dont il aura un fils en 1923), Paul et Gala Eluard rejoindront le groupe Dada au Tyrol et les Eluard se rendront à Cologne chez les Ernst. Quelques mois plus tard, Max Ernst rentrait en France avec le passeport d’Eluard et s’installait chez eux, à Saint-Brice, au 3 rue Chaussée.
Son activité y fut intense avec tout particulièrement la création du célèbre tableau de groupe Au Rendez-vous des Amis. Ce tableau présente quatorze surréalistes et trois artistes qui ont eu un rôle intellectuel et affectif important dans sa vie : Raphaël, Dostoïevski et De Chirico.
Fin 1923, Max Ernst suivit les Eluard dans leur nouvelle maison d’Eaubonne qu’il décora de fresques, rejoignit à Saïgon, avec Gala, son ami Paul Eluard parti à l’aventure en avril 1924, resta seul en Orient quelque temps et revint s’installer à Paris, rue Tourlaque, dans le quartier de Montmartre. En 1925, il passa des vacances à Pornic en Bretagne, remarque les veines du parquet et y développe sa technique du frottage.(cf. Association Les Amis du vieux Saint-Brice).
Cette huile sur toile est un portrait de groupe réunissant une quinzaine de contemporains animant le surréalisme naissant, parmi lesquels l'artiste lui-même. Max Ernst y présente ses amis réunis sur un sommet rocheux entouré de montagnes enneigées. La scène se situe sous un ciel obscurci par le rayonnement d’un soleil noir, le soleil de la mélancolie (cf. Nerval). Mais cette obscurité n’empêche pas les personnages de se détacher dans une lumière blanche et pure, la partie gauche de la composition, plutôt statique, s’opposant au dynamisme des personnages de droite. Parmi les différents individus y apparaissant, dix-sept sont numérotés et nommés dans les légendes. Soit, par ordre alphabétique, Louis Aragon, Jean Arp, Johannes Theodor Baargeld, André Breton, René Crevel, Giorgio De Chirico, Robert Desnos, Fiodor Dostoïevski, Gala Éluard, Paul Éluard, Max Ernst, Théodore Fraenkel, Max Morise, Jean Paulhan, Benjamin Péret, Raphaël, Philippe Soupault.
Plus que de simples portraits, le peintre montre surtout ce qu’il pensait d’eux, en traits subtils et parfois prophétiques, faisant ainsi une analyse psychologique des fondateurs du Surréalisme. Certains sont debout et d’autres assis, leurs positions respectives servant à les désigner, rien n’étant laissé au hasard : Max Ernst est assis irrévérencieusement sur les genoux de Dostoïevski, tandis que Sanzio porte un costume de la Renaissance. Gala, la belle muse de Max Ernst, se détourne comme pour quitter ses amis. Eluard ferme un poing en signe d’obstination et Crevel joue sur un piano invisible qui symbolise la musique silencieuse du rêve. André Breton, vêtu d’une cape rouge flottante, s’empresse, avec des gestes de prédicateur, d’annoncer la vérité surréaliste (son premier manifeste (parait en 1924) et Robert Desnos arrive comme dans un rêve, en dansant. La petite nature morte à l’avant gauche du tableau, ainsi que l’éclipse, seraient une reprise d’images de la revue La Nature de 1888.
Hallucinations, transes, hypnose collective…, autant d’états seconds au cours desquels les protagonistes écrivent des textes, dictent des messages d’une force artistique cachée dans le subconscient de l’être (l’écriture automatique). On note les absences quelque peu curieuses de Tristan Tzara, contesté par le groupe, et de Francis Picabia, Guillaume apollinaire, le poète et animateur de la vie littéraire et artistique parisienne, étant décédé en 1918. Les différents jeux de mains des personnages, qui rappellent l’alphabet des sourds et muets approché par l’artiste dans son enfance, ainsi que ceux des souliers vernis noir portés par tous les personnages, rythment la musique silencieuse du tableau.
Le tracé est net et précis. Une éclipse se dessine sur un ciel noir, et les personnages se détachent très clairs sur le blanc des sommets et le fond sombre, comme s’ils étaient auréolés de lumière. Les coloris sont chauds mais sombres, dans les camaïeux de bruns, ocres, noirs beiges ou gris. Ce tableau est à mi-chemin entre un paysage visionnaire et un photomontage, aucune note cordiale n'étant à relever entre les amis, Max Ernst ayant voulu sans doute sous-entendre leurs discordes latentes qui préfigurent la fin du mouvement Dada, au cours de l’hiver 1922-23. Il a emprunté des éléments de composition à un tableau célèbre de Raphaël La Dispute (conservé au Vatican) qu’il connaissait probablement pour l’avoir vu copié par son père, peintre du dimanche. Peint à la gloire d’André Breton, le pape du Surréalisme, ce dernier n’a pas souhaité posséder le tableau qui sera vendu.
Le contexte politique des années 20 étant sombre, Max Ernst quitte Cologne pour s’installer, via la Suisse, à Paris, en septembre 1922. Paul Eluard et sa femme Gala l’accueillent et l’introduisent dans le cercle des dadaïstes parisiens. L’artiste traitera ensuite deux fois ce thème du Rendez-vous des amis, l’un en 1928, où les amis se changent en fleurs, et l’autre en 1931.
Considéré comme une charnière entre le mouvement Dada moribond et le Surréalisme naissant, le Rendez-vous des amis est un tableau-clé préfigurant la phrase de Paul Eluard, de janvier 1925 :
"Mais voilà venu le temps des hommes purs, des actes imprévus, des paroles en l’air, des illusions, des extases, des blasphèmes et de l’amour qui rêve (cf. Brigitte Roussey, merci Yumo pour la photo).
Au Rendez-vous des amis (Ernst)
Huile sur toile, 130 x 195 cm, décembre 1922, musée Ludwig, Cologne.
An 1921, André Breton et sa jeune épouse Lou-Rosa Strauss (dont il aura un fils en 1923), Paul et Gala Eluard rejoindront le groupe Dada au Tyrol et les Eluard se rendront à Cologne chez les Ernst. Quelques mois plus tard, Max Ernst rentrait en France avec le passeport d’Eluard et s’installait chez eux, à Saint-Brice, au 3 rue Chaussée.
Son activité y fut intense avec tout particulièrement la création du célèbre tableau de groupe Au Rendez-vous des Amis. Ce tableau présente quatorze surréalistes et trois artistes qui ont eu un rôle intellectuel et affectif important dans sa vie : Raphaël, Dostoïevski et De Chirico.
Fin 1923, Max Ernst suivit les Eluard dans leur nouvelle maison d’Eaubonne qu’il décora de fresques, rejoignit à Saïgon, avec Gala, son ami Paul Eluard parti à l’aventure en avril 1924, resta seul en Orient quelque temps et revint s’installer à Paris, rue Tourlaque, dans le quartier de Montmartre. En 1925, il passa des vacances à Pornic en Bretagne, remarque les veines du parquet et y développe sa technique du frottage.(cf. Association Les Amis du vieux Saint-Brice).
Cette huile sur toile est un portrait de groupe réunissant une quinzaine de contemporains animant le surréalisme naissant, parmi lesquels l'artiste lui-même. Max Ernst y présente ses amis réunis sur un sommet rocheux entouré de montagnes enneigées. La scène se situe sous un ciel obscurci par le rayonnement d’un soleil noir, le soleil de la mélancolie (cf. Nerval). Mais cette obscurité n’empêche pas les personnages de se détacher dans une lumière blanche et pure, la partie gauche de la composition, plutôt statique, s’opposant au dynamisme des personnages de droite. Parmi les différents individus y apparaissant, dix-sept sont numérotés et nommés dans les légendes. Soit, par ordre alphabétique, Louis Aragon, Jean Arp, Johannes Theodor Baargeld, André Breton, René Crevel, Giorgio De Chirico, Robert Desnos, Fiodor Dostoïevski, Gala Éluard, Paul Éluard, Max Ernst, Théodore Fraenkel, Max Morise, Jean Paulhan, Benjamin Péret, Raphaël, Philippe Soupault.
Plus que de simples portraits, le peintre montre surtout ce qu’il pensait d’eux, en traits subtils et parfois prophétiques, faisant ainsi une analyse psychologique des fondateurs du Surréalisme. Certains sont debout et d’autres assis, leurs positions respectives servant à les désigner, rien n’étant laissé au hasard : Max Ernst est assis irrévérencieusement sur les genoux de Dostoïevski, tandis que Sanzio porte un costume de la Renaissance. Gala, la belle muse de Max Ernst, se détourne comme pour quitter ses amis. Eluard ferme un poing en signe d’obstination et Crevel joue sur un piano invisible qui symbolise la musique silencieuse du rêve. André Breton, vêtu d’une cape rouge flottante, s’empresse, avec des gestes de prédicateur, d’annoncer la vérité surréaliste (son premier manifeste (parait en 1924) et Robert Desnos arrive comme dans un rêve, en dansant. La petite nature morte à l’avant gauche du tableau, ainsi que l’éclipse, seraient une reprise d’images de la revue La Nature de 1888.
Hallucinations, transes, hypnose collective…, autant d’états seconds au cours desquels les protagonistes écrivent des textes, dictent des messages d’une force artistique cachée dans le subconscient de l’être (l’écriture automatique). On note les absences quelque peu curieuses de Tristan Tzara, contesté par le groupe, et de Francis Picabia, Guillaume apollinaire, le poète et animateur de la vie littéraire et artistique parisienne, étant décédé en 1918. Les différents jeux de mains des personnages, qui rappellent l’alphabet des sourds et muets approché par l’artiste dans son enfance, ainsi que ceux des souliers vernis noir portés par tous les personnages, rythment la musique silencieuse du tableau.
Le tracé est net et précis. Une éclipse se dessine sur un ciel noir, et les personnages se détachent très clairs sur le blanc des sommets et le fond sombre, comme s’ils étaient auréolés de lumière. Les coloris sont chauds mais sombres, dans les camaïeux de bruns, ocres, noirs beiges ou gris. Ce tableau est à mi-chemin entre un paysage visionnaire et un photomontage, aucune note cordiale n'étant à relever entre les amis, Max Ernst ayant voulu sans doute sous-entendre leurs discordes latentes qui préfigurent la fin du mouvement Dada, au cours de l’hiver 1922-23. Il a emprunté des éléments de composition à un tableau célèbre de Raphaël La Dispute (conservé au Vatican) qu’il connaissait probablement pour l’avoir vu copié par son père, peintre du dimanche. Peint à la gloire d’André Breton, le pape du Surréalisme, ce dernier n’a pas souhaité posséder le tableau qui sera vendu.
Le contexte politique des années 20 étant sombre, Max Ernst quitte Cologne pour s’installer, via la Suisse, à Paris, en septembre 1922. Paul Eluard et sa femme Gala l’accueillent et l’introduisent dans le cercle des dadaïstes parisiens. L’artiste traitera ensuite deux fois ce thème du Rendez-vous des amis, l’un en 1928, où les amis se changent en fleurs, et l’autre en 1931.
Considéré comme une charnière entre le mouvement Dada moribond et le Surréalisme naissant, le Rendez-vous des amis est un tableau-clé préfigurant la phrase de Paul Eluard, de janvier 1925 :
"Mais voilà venu le temps des hommes purs, des actes imprévus, des paroles en l’air, des illusions, des extases, des blasphèmes et de l’amour qui rêve (cf. Brigitte Roussey, merci Yumo pour la photo).