Petite Danseuse de 14 ans (E Degas)
Statue en bronze avec patine aux diverses colorations (tutu en tulle, ruban de satin rose dans les cheveux, socle en bois),
H. 98 ; L. 35,2 ; P. 24,5 cm, modèle 1880, sculpture entre 1921 et 1931, musée d'Orsay, Paris.
A la mort de Degas, en 1917, on trouva dans son atelier 150 sculptures en cire ou en terre. Du vivant de l'artiste, l'ensemble était demeuré à peu près inconnu du public, à l'exception de la Petite danseuse de 14 ans, que E Degas montra à l'exposition impressionniste de 1881.
Colorée au naturel, coiffée de vrais cheveux, vêtue d'un tutu et de véritables chaussons, la Petite danseuse témoigne d'un hyperréalisme, d'un vérisme poussés à l'extrême. Présentée dans une vitrine à la manière d'un spécimen de museum, elle révèle un E Degas presque anthropologue ou naturaliste. Les critiques ne s'y trompèrent pas : l'oeuvre fut violemment accusée de représenter la fillette de manière bestiale, comparable à un singe ou un aztèque ; on lui trouva un visage "où tous les vices impriment leurs détestables promesses, marque d'un caractère particulièrement vicieux".
E Degas poussait ainsi à bout la logique du réalisme, si en vogue par ailleurs, en dépeignant sans fard ni hypocrisie, de manière quasi scientifique, la société de son temps. L'édition en bronze qui fut faite après sa mort, dont la statuette du musée d'Orsay est un exemplaire, tenta de préserver au mieux les caractéristiques de la cire. La cage de verre est le seul élément voulu par E Degas lui-même, affirmant le statut d'oeuvre d'art de la Danseuse (cf. musée d'Orsay).
Petite et maigrichonne, les jambes cagneuses, se tenant les mains jointes dans le dos au dessus de la corolle fanée de son tutu de mousseline, la Petite danseuse avance un pied devant elle (position classique). Elle est nue, mais les détails de son corps restent assez imprécis, son ventre ballonné pointe comme celui des enfants souffrant de malnutrition. Figure iconique de l’art du maître, peintre des danseuses et des chevaux, elle est annoncée à la 5ème exposition impressionniste de 1880, mais sa vitrine reste vide. E Degas, qui n’aime pas finir, a longtemps tourné autour et ce n'est que l'année suivante que la Petite danseuse est à nouveau annoncée, mais le jour de l’inauguration son emplacement est toujours vide.
Ce n'est que dix jours plus tard que la sculpture en cire, plus vraie que nature, montre un petit rat au sourire narquois toisant le visiteur. Le modèle au physique ingrat n’a non seulement rien d’avenant, mais E Degas a poussé le réalisme jusqu'à l'habiller de la tête aux pieds avec un vrai corsage, un tutu en mousseline, des bas, des chaussons et même une perruque ornée d’un ruban de satin couleur vert poireau assorti à celui de son tour de cou. Les visiteurs sont stupéfaits, se tordent le cou pour vérifier que les habits sont réels et peuvent se retirer, en dessous la ballerine semblant nue.
Le modèle, une élève de l’Opéra de Paris nommée Marie Van Goethem, a dû effectivement poser nue pour l’artiste, comme de nombreuses études en témoignent, des dessins aux mouvements tournant autour du corps pour rechercher la pose "vraie". Pour E Degas en effet, la sculpture doit traduire en trois dimensions ce qu’il recherche inlassablement dans le dessin et la peinture, c’est à dire la modernité et la vérité. Avec sa Petite danseuse iconoclaste, il fait mouche : c'est le tutu qui tue ! "Le fait est que du premier coup, E Degas a culbuté les traditions de la sculpture", s’emballe C Huysmans. "Le museau vicieux de cette petite fille à peine pubère, fleurette du ruisseau, reste inoubliable", poursuit J Claretie.
D’autres sont moins enthousiastes, voyant surtout sous les traits chafouins de la jeune fille le type parfait de "l’horreur et de la bestialité", type parfait de la fille facile qui finira, au mieux, femme entretenue, au pire prostituée, après une courte carrière de ballerine durant laquelle elle aura été repérée par un protecteur ou un souteneur (de fait, la ballerine de 14 ans se prostituera).
Après le scandale, la Petite danseuse de cire fut oubliée dans l’atelier de E Degas, tombant peu à peu en miettes. A la mort du vieux maître, sont découvertes sur ses étagères une cinquantaine de statues de cire en mauvais état, que l’artiste avait envisagé de reprendre avant d’en abandonner l’idée. C’est A Bartholomé, son fidèle ami sculpteur, qui rénovera les pièces après sa mort, reconstituera l’ensemble de cette œuvre sculptée méconnue et se chargera de leurs tirages en bronze, édités chacun à six exemplaires. Les musées du monde entier se les étant arrachés, la Petite danseuse de 14 ans appartient dorénavant à de nombreux corps de ballet (cf. Télérama).
Le 24 juin 2015, Sotheby’s a obtenu un nouveau record pour une sculpture de E Degas aux enchères à Londres. La Petite danseuse de quatorze ans, fondue en 1922, s’est envolée à plus de 22 millions d’euros (cf. Le Parisien). 29 exemplaires recensés sont aujourdhui conservés dans les musées et collections privées, le tirage original (en cire, celui de l'exposition impressionniste de 1881) se trouvant à la National Gallery of Art de Washington.
Petite Danseuse de 14 ans (E Degas)
Statue en bronze avec patine aux diverses colorations (tutu en tulle, ruban de satin rose dans les cheveux, socle en bois),
H. 98 ; L. 35,2 ; P. 24,5 cm, modèle 1880, sculpture entre 1921 et 1931, musée d'Orsay, Paris.
A la mort de Degas, en 1917, on trouva dans son atelier 150 sculptures en cire ou en terre. Du vivant de l'artiste, l'ensemble était demeuré à peu près inconnu du public, à l'exception de la Petite danseuse de 14 ans, que E Degas montra à l'exposition impressionniste de 1881.
Colorée au naturel, coiffée de vrais cheveux, vêtue d'un tutu et de véritables chaussons, la Petite danseuse témoigne d'un hyperréalisme, d'un vérisme poussés à l'extrême. Présentée dans une vitrine à la manière d'un spécimen de museum, elle révèle un E Degas presque anthropologue ou naturaliste. Les critiques ne s'y trompèrent pas : l'oeuvre fut violemment accusée de représenter la fillette de manière bestiale, comparable à un singe ou un aztèque ; on lui trouva un visage "où tous les vices impriment leurs détestables promesses, marque d'un caractère particulièrement vicieux".
E Degas poussait ainsi à bout la logique du réalisme, si en vogue par ailleurs, en dépeignant sans fard ni hypocrisie, de manière quasi scientifique, la société de son temps. L'édition en bronze qui fut faite après sa mort, dont la statuette du musée d'Orsay est un exemplaire, tenta de préserver au mieux les caractéristiques de la cire. La cage de verre est le seul élément voulu par E Degas lui-même, affirmant le statut d'oeuvre d'art de la Danseuse (cf. musée d'Orsay).
Petite et maigrichonne, les jambes cagneuses, se tenant les mains jointes dans le dos au dessus de la corolle fanée de son tutu de mousseline, la Petite danseuse avance un pied devant elle (position classique). Elle est nue, mais les détails de son corps restent assez imprécis, son ventre ballonné pointe comme celui des enfants souffrant de malnutrition. Figure iconique de l’art du maître, peintre des danseuses et des chevaux, elle est annoncée à la 5ème exposition impressionniste de 1880, mais sa vitrine reste vide. E Degas, qui n’aime pas finir, a longtemps tourné autour et ce n'est que l'année suivante que la Petite danseuse est à nouveau annoncée, mais le jour de l’inauguration son emplacement est toujours vide.
Ce n'est que dix jours plus tard que la sculpture en cire, plus vraie que nature, montre un petit rat au sourire narquois toisant le visiteur. Le modèle au physique ingrat n’a non seulement rien d’avenant, mais E Degas a poussé le réalisme jusqu'à l'habiller de la tête aux pieds avec un vrai corsage, un tutu en mousseline, des bas, des chaussons et même une perruque ornée d’un ruban de satin couleur vert poireau assorti à celui de son tour de cou. Les visiteurs sont stupéfaits, se tordent le cou pour vérifier que les habits sont réels et peuvent se retirer, en dessous la ballerine semblant nue.
Le modèle, une élève de l’Opéra de Paris nommée Marie Van Goethem, a dû effectivement poser nue pour l’artiste, comme de nombreuses études en témoignent, des dessins aux mouvements tournant autour du corps pour rechercher la pose "vraie". Pour E Degas en effet, la sculpture doit traduire en trois dimensions ce qu’il recherche inlassablement dans le dessin et la peinture, c’est à dire la modernité et la vérité. Avec sa Petite danseuse iconoclaste, il fait mouche : c'est le tutu qui tue ! "Le fait est que du premier coup, E Degas a culbuté les traditions de la sculpture", s’emballe C Huysmans. "Le museau vicieux de cette petite fille à peine pubère, fleurette du ruisseau, reste inoubliable", poursuit J Claretie.
D’autres sont moins enthousiastes, voyant surtout sous les traits chafouins de la jeune fille le type parfait de "l’horreur et de la bestialité", type parfait de la fille facile qui finira, au mieux, femme entretenue, au pire prostituée, après une courte carrière de ballerine durant laquelle elle aura été repérée par un protecteur ou un souteneur (de fait, la ballerine de 14 ans se prostituera).
Après le scandale, la Petite danseuse de cire fut oubliée dans l’atelier de E Degas, tombant peu à peu en miettes. A la mort du vieux maître, sont découvertes sur ses étagères une cinquantaine de statues de cire en mauvais état, que l’artiste avait envisagé de reprendre avant d’en abandonner l’idée. C’est A Bartholomé, son fidèle ami sculpteur, qui rénovera les pièces après sa mort, reconstituera l’ensemble de cette œuvre sculptée méconnue et se chargera de leurs tirages en bronze, édités chacun à six exemplaires. Les musées du monde entier se les étant arrachés, la Petite danseuse de 14 ans appartient dorénavant à de nombreux corps de ballet (cf. Télérama).
Le 24 juin 2015, Sotheby’s a obtenu un nouveau record pour une sculpture de E Degas aux enchères à Londres. La Petite danseuse de quatorze ans, fondue en 1922, s’est envolée à plus de 22 millions d’euros (cf. Le Parisien). 29 exemplaires recensés sont aujourdhui conservés dans les musées et collections privées, le tirage original (en cire, celui de l'exposition impressionniste de 1881) se trouvant à la National Gallery of Art de Washington.