Prisonniers en exercice, d'après G Doré (V van Gogh - F 669 / JH 1885)
Huile sur toile d'après G Doré, 80 x 64 cm, 10-11 février 1890 (F 669 / JH 1885), musée Pouchkine, Moscou.
Pour voir le dessin de G Doré :
www.flickr.com/photos/7208148@N02/17023510121/in/album-72...
Merci Michelangelo pour la photo :
www.flickr.com/photos/47934977@N03/5501948622/in/set-7215...
Copies de Van Gogh
Vincent van Gogh ne destinait pas a priori ses copies de tableaux au tout venant mais pour ses seuls mère, frère et soeur. Elles nous renseignent cependant sur ses sources d'inspiration et nous font partager aujourd'hui leur beauté picturale. Si avec ses références à l'apogée de la civilisation rurale française (milieu du XIXème siècle), JF Millet s'y taille la part du lion, celles-ci ne sont pas loin en esprit des Réminiscences, autres oeuvres évoquant le passé (les souvenirs des Pays-Bas de sa jeunesse) qui n'était déjà plus, plutôt que le présent d'alors. Il n'est pas sûr que Vincent se trompât beaucoup sur ces mythes, ni d'ailleurs sur son maître.
En juin 1875, juste après la mort de JF Millet à Barbizon, de passage à Paris, il voit à l'hôtel Drouot 95 dessins et pastels de JF Millet, et encaisse le choc de cette approche quasi religieuse de la terre. Après avoir décidé de vivre pour la peinture, il demande à son frère Théo, en août 1880, de lui faire parvenir une série de gravures tirées des Travaux des champs de JF Millet avec lesquelles il apprend à dessiner au crayon les figures humaines. De son maître posthume, il aime la rigueur, mais surtout l'idéologie de l'homme qui gagne son pain à la sueur de son front où il retrouve l'humilité et la compassion, valeurs chrétiennes chères à son coeur.
A l'inverse d'un T Rousseau qui peint la forêt de Fontainebleau, Vincent aime la technique brute de JF Millet et ses formes dépouillées, donnant une impression de monumentalité. En 1881, il croque à cinq reprises Le Semeur, qu'il connaît grâce à une eau-forte. Mais un seul de ces dessins subsiste, où la violence du personnage s'est toutefois évaporée. Puis il copie frénétiquement Les Bêcheurs, L'Angélus, Les Quatre Heures du jour et bien d'autres toiles. Pour approfondir ses études, il dessine des modèles rencontrés dans la campagne brabançonne et s'améliore. Avec l'aquarelle Porteuses de charbon, en 1882, il reprend à sa manière la silhouette des femmes courbées des Glaneuses.
Ses années 1884-1885 laissent place à une peinture sombre et mystique montrant des paysans aux traits grossiers, dans les blés ou attablés autour d'un plat de pommes de terre. Dans une lettre à son frère, Théo, Vincent se confie : "Pour moi, ce n'est pas Manet, c'est Millet, le peintre essentiellement moderne". Plus tard, il écrira à E Bernard : "La figure du Christ n'a été peinte comme je la sens que par Delacroix et Rembrandt. JF Millet, lui, a peint la doctrine du Christ". Lorsqu'il apprend que son idole offrait à ses admirateurs une petite esquisse au crayon représentant des sabots propres et bien alignés, il exécute une paire de godillots sales, éculés et couverts de boue.
S'installant à Paris en 1886, il y découvre l'impressionnisme et l'estampe japonaise, abandonne JF Millet pour se consacrer à la transparence des ciels et aux couleurs vives. Deux ans plus tard, à Arles, il renoue avec celui qu'il appelle son "maître éternel". Mais Vincent va plus loin. Quand JF Millet écrivait : "Peindre la fin du jour, voilà l'épreuve d'un tableau", il rythme les saisons dans une explosion de couleurs. Le soleil du Midi éclaire enfin les paysans. Quand l'un fatigue et alourdit sa palette, Vincent, quant à lui, élimine le superflu, donne de l'ampleur à la forme. Les glaneuses, la bergère ou le vanneur ne sont plus des statues, mais vivent, bougent, sous un ciel bleu lavande. Dans le Champ de blé avec gerbes, Le Moissonneur, Le Laboureur dans un champ, et même le Portrait de Patience Escalier, la lumière est omniprésente.
Vincent a parfois des visions. Lorsqu'il voit un faucheur couper le blé, il croit reconnaître le chef-d'oeuvre de JF Millet La Mort et le bûcheron. Un thème qu'il reprend dans La Porte de l'éternité, l'un de ses derniers tableaux (avril-mai 1890), où un homme se voile la face. A Saint-Rémy, Vincent couvre les murs blancs du Travail des champs de JF Millet. après avoir auparavant brossé en juin une étonnante copie de son maître La Nuit étoilée, sujet étrange où sur fond de Voie lactée est en fait déclinée une métaphore terrestre de l'infini. A Théo, en septembre 1888, il écrit : "J'ai un besoin terrible de religion, alors je vais la nuit dehors pour peindre les étoiles..." (cf. L Stavridès, L'Express, 17/09/1998).
Les copies de Rembrandt et Delacroix réalisées par Vincent van Gogh sont beaucoup plus remaniées que les autres, celles de H Daumier, V Demont-Breton et JF Millet. Systématiquement à gauche pour les Piétas et Le Bon Samaritain de Delacroix, leur inversion se retrouve aussi dans le tableau de Rembrandt La Figure de l'ange. Mais dans cette lutte, le personnage de Jacob a toutefois disparu, comme d'ailleurs le Christ ensuite dans la Résurrection de Lazare, ce qui d'ailleurs ensoleille paradoxalement ces deux tableaux et contribue à intérioriser l'un, puis humanise l'autre.
Commencées en septembre 1889 (juin en prenant en compte La Nuit étoilée), notamment par La figure de l'ange et les Piétas, ces copies se terminent en avril 1890 par Le Bon Samaritain et en mai par La Résurrection de Lazare. Si ces juxtapositions n'ont pas été précisément voulues par Vincent, elles n'en sont pas moins à rapprocher. Les copies de Delacroix et de Rembrandt (H van Rijn, un compatriote) semblent ainsi encadrer notamment celles de Millet. Les images divines de l'ange et de la Pièta ont fait place au Bon Samaritain et à Lazare, plus humains, le soleil initial de l'ange qui fait suite à La Nuit étoilée irradiant en définitive Lazare, le portrait de Vincent ?
Pour voir toutes les photos de cet album :
Prisonniers en exercice, d'après G Doré (V van Gogh - F 669 / JH 1885)
Huile sur toile d'après G Doré, 80 x 64 cm, 10-11 février 1890 (F 669 / JH 1885), musée Pouchkine, Moscou.
Pour voir le dessin de G Doré :
www.flickr.com/photos/7208148@N02/17023510121/in/album-72...
Merci Michelangelo pour la photo :
www.flickr.com/photos/47934977@N03/5501948622/in/set-7215...
Copies de Van Gogh
Vincent van Gogh ne destinait pas a priori ses copies de tableaux au tout venant mais pour ses seuls mère, frère et soeur. Elles nous renseignent cependant sur ses sources d'inspiration et nous font partager aujourd'hui leur beauté picturale. Si avec ses références à l'apogée de la civilisation rurale française (milieu du XIXème siècle), JF Millet s'y taille la part du lion, celles-ci ne sont pas loin en esprit des Réminiscences, autres oeuvres évoquant le passé (les souvenirs des Pays-Bas de sa jeunesse) qui n'était déjà plus, plutôt que le présent d'alors. Il n'est pas sûr que Vincent se trompât beaucoup sur ces mythes, ni d'ailleurs sur son maître.
En juin 1875, juste après la mort de JF Millet à Barbizon, de passage à Paris, il voit à l'hôtel Drouot 95 dessins et pastels de JF Millet, et encaisse le choc de cette approche quasi religieuse de la terre. Après avoir décidé de vivre pour la peinture, il demande à son frère Théo, en août 1880, de lui faire parvenir une série de gravures tirées des Travaux des champs de JF Millet avec lesquelles il apprend à dessiner au crayon les figures humaines. De son maître posthume, il aime la rigueur, mais surtout l'idéologie de l'homme qui gagne son pain à la sueur de son front où il retrouve l'humilité et la compassion, valeurs chrétiennes chères à son coeur.
A l'inverse d'un T Rousseau qui peint la forêt de Fontainebleau, Vincent aime la technique brute de JF Millet et ses formes dépouillées, donnant une impression de monumentalité. En 1881, il croque à cinq reprises Le Semeur, qu'il connaît grâce à une eau-forte. Mais un seul de ces dessins subsiste, où la violence du personnage s'est toutefois évaporée. Puis il copie frénétiquement Les Bêcheurs, L'Angélus, Les Quatre Heures du jour et bien d'autres toiles. Pour approfondir ses études, il dessine des modèles rencontrés dans la campagne brabançonne et s'améliore. Avec l'aquarelle Porteuses de charbon, en 1882, il reprend à sa manière la silhouette des femmes courbées des Glaneuses.
Ses années 1884-1885 laissent place à une peinture sombre et mystique montrant des paysans aux traits grossiers, dans les blés ou attablés autour d'un plat de pommes de terre. Dans une lettre à son frère, Théo, Vincent se confie : "Pour moi, ce n'est pas Manet, c'est Millet, le peintre essentiellement moderne". Plus tard, il écrira à E Bernard : "La figure du Christ n'a été peinte comme je la sens que par Delacroix et Rembrandt. JF Millet, lui, a peint la doctrine du Christ". Lorsqu'il apprend que son idole offrait à ses admirateurs une petite esquisse au crayon représentant des sabots propres et bien alignés, il exécute une paire de godillots sales, éculés et couverts de boue.
S'installant à Paris en 1886, il y découvre l'impressionnisme et l'estampe japonaise, abandonne JF Millet pour se consacrer à la transparence des ciels et aux couleurs vives. Deux ans plus tard, à Arles, il renoue avec celui qu'il appelle son "maître éternel". Mais Vincent va plus loin. Quand JF Millet écrivait : "Peindre la fin du jour, voilà l'épreuve d'un tableau", il rythme les saisons dans une explosion de couleurs. Le soleil du Midi éclaire enfin les paysans. Quand l'un fatigue et alourdit sa palette, Vincent, quant à lui, élimine le superflu, donne de l'ampleur à la forme. Les glaneuses, la bergère ou le vanneur ne sont plus des statues, mais vivent, bougent, sous un ciel bleu lavande. Dans le Champ de blé avec gerbes, Le Moissonneur, Le Laboureur dans un champ, et même le Portrait de Patience Escalier, la lumière est omniprésente.
Vincent a parfois des visions. Lorsqu'il voit un faucheur couper le blé, il croit reconnaître le chef-d'oeuvre de JF Millet La Mort et le bûcheron. Un thème qu'il reprend dans La Porte de l'éternité, l'un de ses derniers tableaux (avril-mai 1890), où un homme se voile la face. A Saint-Rémy, Vincent couvre les murs blancs du Travail des champs de JF Millet. après avoir auparavant brossé en juin une étonnante copie de son maître La Nuit étoilée, sujet étrange où sur fond de Voie lactée est en fait déclinée une métaphore terrestre de l'infini. A Théo, en septembre 1888, il écrit : "J'ai un besoin terrible de religion, alors je vais la nuit dehors pour peindre les étoiles..." (cf. L Stavridès, L'Express, 17/09/1998).
Les copies de Rembrandt et Delacroix réalisées par Vincent van Gogh sont beaucoup plus remaniées que les autres, celles de H Daumier, V Demont-Breton et JF Millet. Systématiquement à gauche pour les Piétas et Le Bon Samaritain de Delacroix, leur inversion se retrouve aussi dans le tableau de Rembrandt La Figure de l'ange. Mais dans cette lutte, le personnage de Jacob a toutefois disparu, comme d'ailleurs le Christ ensuite dans la Résurrection de Lazare, ce qui d'ailleurs ensoleille paradoxalement ces deux tableaux et contribue à intérioriser l'un, puis humanise l'autre.
Commencées en septembre 1889 (juin en prenant en compte La Nuit étoilée), notamment par La figure de l'ange et les Piétas, ces copies se terminent en avril 1890 par Le Bon Samaritain et en mai par La Résurrection de Lazare. Si ces juxtapositions n'ont pas été précisément voulues par Vincent, elles n'en sont pas moins à rapprocher. Les copies de Delacroix et de Rembrandt (H van Rijn, un compatriote) semblent ainsi encadrer notamment celles de Millet. Les images divines de l'ange et de la Pièta ont fait place au Bon Samaritain et à Lazare, plus humains, le soleil initial de l'ange qui fait suite à La Nuit étoilée irradiant en définitive Lazare, le portrait de Vincent ?
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