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Prix Charlie Hebdo, Festival d'Angoulême 2015

Blutch, "sur scène parce que des gens qui lui ont demandé rasent les murs" et Gwen de Bonneval, président du jury de la sélection officielle, recevant le prix Charlie Hebdo des mains de Fleur Pellerin, ministre de la Culture.

 

Cérémonie de remise des prix du Festival d'Angoulême 2015.

 

Discours de Blutch :

 

"Je m'excuse. Je suis sur cette scène, en pleine lumière, parce que des gens qui rasent les murs me l'ont demandé. Des comme vous et moi mais couvés par les forces de l'ordre, qui descendent acheter le pain avec une escorte, qui dévisagent les passants, qui, par la fenêtre surveillent les mouvements de la rue, des vivants qui paient une dette qui n'est pas la leur, parce que votre fameuse li-ber-té d'expression, je m'excuse, mais son prix est exorbitant. D'autant plus que dans ce pays-ci, phare de l'Occident, terre de la pensée des Lumières, des Descartes de des Voltaire, on pensait que c'était acquis la liberté d'expression, que ça faisait partie des meubles. Eh bien non. Notre présence sur cette scène nous le rappelle tristement. C'est lamentable. Quelqu'un, quelque part, à un moment donné, n'a pas du faire son travail. Je m'excuse, on a beau marcher en chœur, se congratuler, se reconnaître entre justes, nous la bourgeoisie éclairée, se donner des accolades, des trophées, se coller du symbole sur le revers, se rassurer, il s'est passé quelque chose de grave.

Et cette cérémonie va se poursuivre, et chacun de nous tenir sa petite boutique et chercher l'œil de la caméra, et envoyer des sondes se poser sur des comètes à 500 millions de kilomètres d'ici, et tenir son rang sur les marches du Palais des festivals mais le mal est fait. Le mal est fait.

Je m'excuse, mes chers collègues, mais il n'y pas de paradis, pas d'ailes blanches, pas de petits nuages. Il n'y a pas de Dieu, vous êtes tout seuls. Il n'y a que ce que vous faites, ce que vous dites qui donne un sens au cours des choses. C'est là votre responsabilité.

Je m'excuse, madame le ministre, mais les anarchistes du passé assassinaient des souverains, des impératrices, des présidents du conseil, des personnages qui détenaient le pouvoir et étaient jugés responsables. Vous, vous êtes débrouillés pour avoir le pouvoir et n'être plus responsables. Ce sont d'autres qui portent le chapeau.

Ce qui s'est affreusement joué le 7 janvier au matin est peut-être une version moderne de la lutte des classes.

La revanche sociale n'est pas possible, et bien alors, ce sera la vengeance sociale.

Au moment où j'écris ces lignes, j'ai écrit ça ce matin, un mot de Voltaire me vient, c'est à la mode : "les gens ne méritent pas qu'on leur parle". Pour tout ça, je m'excuse de ne pas vous dire merci."

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Uploaded on February 11, 2015
Taken on February 1, 2015