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L'histoire d'amour des Français avec les HLM a été courte, sans doute. Mais l'histoire du logement social est longue... 42 SAINT ETIENNE

42 St-Etienne le quartier de Montchovet avec de nouvelles video www.facebook.com/watch/?v=5656029074475535 , jadis cette cité moderne avait pour symbole la Muraille de Chine mastodonte de béton dynamitée le 27 mai 2000 , livrée en avril 1964 avec 526 logements HLM sur 15 allées, construite sur 4 blocs pour 270 metres de long du R+16 à R+9 une cité moderne a 1260 lgts HLM 7 barres A B C D E F G H du grand ensemble de Beaulieu l'1 des six 1er de France @ des Architectes MM GOUYON , HUR , CLEMENT , MAUHAUDIER Elle fut réhabilitée par Raymond Martin de 1985 a 1987 avec la suppression de 100 logements.. France : 800'000 chômeurs de 20 ans @ 42 st Etienne 23 avril 1981 Monchovet la Muraille de Chine en video ici sur ce lien www.rts.ch/archives/tv/information/temps-present/13937390... En pleine crise économique du début des années 1980, la France compte 1'700'000 chômeurs dont 800'000 jeunes. Trente-six ans après sa construction, la barre s'apprête à s'écrouler. Dès 8 heures du matin, le 27 mai 2000, deux cents membres des forces de l'ordre sont mobilisés aux abords de la Muraille de Chine. "Rocade fermée, quartier bouclé, filtrage serré", décrit le journaliste de France 3 Rhône-Alpes-Auvergne sur place. "Seuls les artificiers resteront au centre du dispositif pour établir le poste de tir". Plusieurs milliers de personnes se retrouvent massées sur une colline pour assister à cette démolition un véritable "événement pour la ville au delà-même du quartier". Ce Stéphanois, alors âgé de 20 ans, se rend avec des amis pour voir le foudroyage de la Muraille de Chine. "Elle représentait cet habitat des Trente glorieuses qui n'a pas fonctionné. C'est vraiment une énorme page qui se tournait pour la ville de Saint-Etienne trop connue pour ses nombreuses verrues". Alors que le maire de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi, a annoncé la destruction de la Muraille de Chine bâtie en 1961 dans le quartier Saint-Jacques, retour sur la démolition de ce qui fut la plus grande barre d'Europe. Le 27 mai 2000, Saint-Etienne foudroyait sa muraille de Chine.

Un symbole de modernité dans les années 60

Situé au sud-est de la ville de Saint-Etienne, le quartier de Montchovet a abrité pendant trente-six ans le plus grand bâtiment d'habitation d'Europe. Surnommé la Muraille de Chine en raison de son gigantisme, il symbolise toute une époque et son histoire est indissociable de la politique du logement en France. Avec ses 275 mètres de long, ses 48 mètres de haut, ses dix-neuf étages et ses 450 logements apres réha, puis 526 a l origine en 1964, la Muraille, inaugurée en avril 1964, abrite des appartements dotés de tout le confort moderne dans un quartier en pleine évolution. Le bâtiment imposant symbolise à l'époque une forme de modernité. Un symbole des difficultés économiques et sociales Saint-Etienne n'échappe pas à la crise économique, les industries locales sont en déclin et la démographie fléchit. Dans les années 70, la Muraille de Chine n'est plus habitée qu'à moitié et malgré plusieurs opérations de réhabilitation, de symbole de la modernité, la voilà qui cristallise les difficultés économiques et sociales. La population défavorisée se trouve concentrée en un seul lieu où chômage, délinquance et exclusion se côtoient. Un symbole qui disparaît en quelques secondes @ Saint-Etienne samedi 27 mai 2000, apres la Courneuve cité des 4000 début juin, Mantes-la-Jolie et Meaux à la fin de l'année" A chaque fois, le scénario est identique: une tour, une barre, souvent trentenaires, s'éclipsent du paysage urbain en quelques secondes, réduites à l'état de gravats par une implosion. La scène va se répéter de plus en plus souvent. Car le gouvernement a décidé d'accélérer le rythme des destructions dans les quartiers en difficulté. «De 10 000 à 12 000 démolitions de logements HLM sont prévues annuellement», a indiqué le ministre délégué à la Ville, Claude Bartolone, lors du débat sur la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) à l'Assemblée nationale, en mars 2000. Pour recomposer la ville, deux leviers sont actionnés en parallèle. La loi SRU vise à imposer un quota de 20% de HLM aux communes qui en ont peu ou pas du tout. Et la destruction de tours ou de barres est censée soulager les quartiers à forte concentration de logements sociaux: 100 000 à 150 000 HLM doivent disparaître dans les dix ans (1). Longtemps taboue, la démolition est désormais revendiquée comme un instrument de la politique de la ville. Mais avec toutes les limites du traitement par l'urbain. L'embellie de l'emploi constatée au niveau national n'a pas d'effet dans les cités pauvres où le taux de chômage reste supérieur à 20%. Aussi, ce parti pris de la démolition apparaît-il en décalage avec les problèmes de fond, même si la politique de la ville englobe aussi désormais un volet «emploi» consistant. «Gaspillage». Le tournant de la destruction est récent. Jusqu'à la fin des années 90, l'implosion d'un immeuble relevait du traitement particulier réservé à quelques quartiers emblématiques: Vaulx-en-Velin, les Minguettes, la Courneuve" Ailleurs, on réhabilitait. Les autorisations de démolir étaient délivrées au compte-gouttes par les Directions départementales de l'équipement (DDE), pour 3 000 à 4 000 logements par an. «Il y avait une double réticence de l'Etat. La démolition était perçue comme un gaspillage, ces immeubles ayant été construits avec des fonds publics. Et aussi un doute moral, puisque la France compte encore plusieurs centaines de milliers de mal logés», analyse Patrice Dunoyer de Segonzac, auteur d'une étude sur les démolitions (2). D'ailleurs, les associations comme Droit au logement s'opposent aux destructions. «Nous sommes contre, notamment dans les zones urbaines où il y a une pénurie avérée de logements pour les ménages pauvres comme en Ile-de-France», proteste Jean-Baptiste Eyraud, le président du DAL. Qui conteste aussi les conditions de relogement des anciens locataires, souvent renvoyés vers d'autres quartiers difficiles, encore plus excentrés que les précédents. Les dirigeants de HLM hésitent à raser, mais pour des motifs financiers. Car ces opérations se traduisent par des pertes sèches de loyers, les emprunts souscrits lors de la construction de ces immeubles étant souvent amortis. Généralement, la décision intervient lorsque toutes les tentatives pour rendre un quartier à nouveau attractif ont échoué, notamment sa réhabilitation. La démolition est décidée quand plusieurs indicateurs sont réunis: accélération du turn-over des locataires, difficulté à remplacer les partants, disparition de toute diversité sociale" «Bien sûr, on pourrait laisser filer les choses. Remplir ces immeubles avec des familles démunies qui n'ont pas le choix d'aller ailleurs. Mais on leur préparerait un avenir sombre», estime Michel Ceyrac, le PDG des 3F, un des principaux organismes de HLM, qui a procédé à plusieurs démolitions. «Recoudre» l'urbain. Reste que cette action sur le bâti n'a de sens que si elle s'inscrit dans une démarche urbaine lourde, pensée à l'échelle de la commune, voire de l'agglomération. «Si l'on rase juste pour se débarrasser d'un immeuble qui focalise des problèmes, on ne règle rien. La démolition, c'est une opération de recomposition urbaine, d'arrimage d'un secteur délaissé au reste de la ville, de réappropriation d'un quartier par ses habitants», avertit Michel Ceyrac. Comme dans la cité du Moulin-Neuf à Stains, en banlieue parisienne. Sur 600 logements, 200 devraient être rasés. Le projet, pas encore programmé, prévoit la démolition de deux bâtiments et le découpage d'une barre pour la transformer en trois petits immeubles. Sur le site, 80 maisons individuelles vont être construites pour offrir un habitat plus adapté aux familles nombreuses et pour «recoudre» l'urbain. Enfin, la SNCF va édifier une gare, car bien qu'habitant près d'une ligne de chemin de fer, les locataires voyaient les trains passer, mais devaient faire plusieurs kilomètres pour se rendre à la station la plus proche.

(1) Le parc HLM compte 3,7 millions de logements. Chaque année, les organismes en construisent 50 000 supplémentaires. (2) «Renouvellement urbain. Enseignements de sept opérations», Edition Villes et quartiers, juin 1999.

Samedi, sur le balcon d'Aïcha, la vue va brutalement se trouver dégagée. Elle vit depuis trente ans en face de la «muraille de Chine», une longue et haute barre de près de 300 mètres qui lui bouche l'horizon sur les hauteurs de Saint-Etienne, dans la Loire. Et samedi, en cinq secondes, 500 tonnes de dynamite foudroieront l'immeuble, construit en 1963. Le quartier se prépare et la tristesse domine. Les habitants viennent consoler le pharmacien, qui va rester à quelques mètres du bâtiment disparu. Plus loin, les adolescents passent leurs après-midi face à la barre, à ressasser les souvenirs. «Ça fait longtemps qu'ils en parlaient, dit Nadiri, 23 ans. Mais on n'y croyait pas. On se disait: "Elle est trop massive, ils oseront pas la tomber.» Mais ils ont finalement osé. Et cela donne le plus grand chantier français de démolition. Les ouvriers ont enlevé les matériaux qui recouvraient les façades. Ils ont déshabillé les murs de béton brut, hérissés des barres d'aluminium qui supportaient les matériaux d'isolation. De larges bandes de tissu blanc entourent la barre, pour éviter les projections. Un autre tissu pend de la cheminée de la chaufferie. Ainsi harnachée, la barre ressemble à un paquebot échoué sur la colline. Les voiles s'agacent au vent et le sabordage approche. Les habitants ont peur du vide. 248 familles pour 500 logements. «Nous, on a connu que la muraille, raconte Nadiri. J'ai 23 ans et ça fait vingt-trois ans que je vis là. Les copains, c'est pareil. On a toujours été là. Quand on déménageait, c'était pour passer d'un étage à l'autre. On va laisser tous nos souvenirs là-dedans. Là, c'est ton premier joint, là ta première relation sexuelle, là la première raclée que t'as prise, là la première raclée que t'as mise"» D'habitude, les opérations de destruction grignotent un morceau de barre ou suppriment un immeuble au milieu d'un ensemble. Cette fois, vu la taille du bâtiment, un quartier entier va disparaître. La «muraille» comptait à l'origine 526 logements & 400 apres la réhabilitation de 1985. Quand la démolition a été décidée, il restait 248 familles. D'après Nadiri, seule une minorité défend la démolition. «L'immense majorité est contre. On est dégoûtés. Les gens peuvent pas se rendre compte ce que c'était, la muraille.» Ses copains et lui, ils racontent avec des mots où l'accent chaud de Saint-Etienne se mêle aux intonations des cités: «Quand on était petit, dit Nordine Otmani, 25 ans, né à la «muraille», il y avait plein de prés derrière la barre. On montait dans la colline, on y passait nos journées. On faisait des cabanes, nos mères nous trouvaient plus. On était dans la nature.» L'autoroute est venue couper le quartier du centre-ville, reléguant la barre sur son flanc de coteau. «Après, quand on a été plus vieux, il y a eu les squats, les bringues, les méchouis. On jouait aussi dans les caves. Comme il y avait pas l'électricité, on faisait des torches pour descendre, avec des journaux enroulés. Fallait faire attention: y avait des rats gros comme des taureaux.» Les gravats recouvriront également les plus mauvais souvenirs. Les copains en prison, les overdoses, les rapports avec la police. La trajectoire habituelle d'un quartier relégué. Ils ont croisé d'abord «les Français, fonctionnaires ou policiers». Puis connu «les Portugais et les Chinois». Au milieu des années 80, il y a eu l'exode des «Européens», ceux qui pouvaient partir, «dégoûtés des cambriolages». Enfin, dans les années 90, la drogue, qui a inondé le quartier. En quelques années, la «muraille» s'est forgé la réputation d'une plaque tournante. Plusieurs jeunes adultes finissent de purger une peine de dix ans pour trafic. Malgré tout ça, Nadiri continue d'affirmer: «Le pire des souvenirs, c'est ce samedi qu'on va se le faire.» «Comme Paris sans la tour Eiffel». Dans la MJC construite en face de la barre, d'autres adolescents disent leur attachement au quartier. «Saint-Etienne sans la muraille, c'est comme Paris sans la tour Eiffel, je peux pas mieux vous dire. Les Marseillais sont fiers de leur ville, nous on est fiers de la muraille. Vous pouvez pas comprendre. Ce quartier, une fois qu'on y a goûté, on est accroché, on peut plus s'en aller.» Eux ont très peu bougé. Les plus vieux sont juste partis quelques mois, pour travailler à Oyonnax (Ain), où l'un d'entre eux avait trouvé «un plan boulot» dans une zone industrielle qui manquait souvent de bras. Les jeunes Stéphanois débarquaient sans prévenir et, quelques jours plus tard, ils travaillaient à la plasturgie. «Mais on restait pas longtemps. C'était Sonacotra-boulot, boulot-Sonacotra. On louait des chambres toutes petites où on squattait à cinq, avec la télé et une console. On devenait fous là-dedans. Après cinq mois, je suis rentré. La muraille me manquait trop.» Un technicien de la politique de la ville affirme que les habitants se réfugient dans le passé car «on ne leur a parlé que de la destruction, pas de reconstruction, ni de leur avenir. Ils se replient au lieu de se projeter.» La plupart des habitants ont été relogés près de là, dans de petits immeubles qui comptaient de nombreux logements vacants. Ils reviennent se balader, tournent autour de la barre, que des CRS protègent. Une vieille dame vient tous les jours. Elle parle du passé, des jours heureux à la «muraille». Les draps blancs qui protègent les étages lui rappellent la mort de son mari.. A Saint-Etienne, ceux de la « Muraille de Chine » aimeraient qu'« on dise un peu de positif » En contrebas de l'autoroute, le long d'un pavillon préfabriqué, Djemel croise Anouar qui est venu voir Nassardine et Kader. Farouk, lui, caresse le capot de la voiture. Deux fois qu'il a dû refaire la carrosserie, mais, là, il a vraiment fini. « C'est moi le travailleur ! dit-il à ses copains venus admirer le boulot. Et attention, j'suis pas du métier. » Nassardine et Kader sont sur une autre voiture. Ils s'entendent bien tous les deux, silencieux, effacés, enchaînant voiture sur voiture et découvrant au fil des jours qu'ils sont faits pour tenir un « vrai » garage, « si seulement... ». Agés de vingt-sept ans, mariés et pères de famille, Nassardine et Kader n'ont jamais eu d'emploi. D'ailleurs, parmi les gens qui sont là, personne n'a jamais eu d'emploi. Dans ce club de prévention baptisé Club 2000, « on s'entraîne à travailler », selon l'expression de Salim, l'éducateur-garagiste. Dehors, domine sur la colline celle qu'on appelle la « Muraille de Chine », immeuble phare de la cité de Montchovet à Saint-Etienne, une barre de 16 étages et de 260 mètres de long. Les cages d'escalier s'appellent les « allées », et l'allée 19 est un journal ; c'est une tradition. On y a toujours écrit sur les murs et on vient y lire les nouvelles, les coups de gueule : « Un jour à la télé / ils ont dit de notre quartier / qu'il fallait le détruire / et puis le reconstruire / Mais chez nous, à la Muraille / y a pas que de la racaille / Ils veulent la faire sauter / ils peuvent toujours s'accrocher. » Souvent, ceux qui ont quitté la Muraille reviennent « respirer le quartier ». Tayeb a un copain devenu ambulancier en Haute-Savoie : « Même lui, il peut pas s'en empêcher. » Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci. Mme Garnier, soixante-dix ans, se présente comme « la dernière des anciens ». On l'appelle « Mme 18 » parce qu'elle s'est battue pour obtenir la ligne de bus n 18. Petite femme à la voix douce, arrivée ici en 1966, on ne la délogerait pour rien au monde de son grand séjour, de sa vue sur les arbres « c'est aéré, on est sur les pentes » , de cette ambiance qui rend les gens soudés, les silences qui font deviner que « certains vivent à un franc près », la pudeur des voisins qui savent aider sans en parler. « La solidarité, c'est le positif qu'on ne dit jamais sur la cité », regrette-t-elle. Pour elle, « y a rien de mieux qu'une amicale de locataires pour lutter contre le racisme. Un pied-noir, fallait entendre ce qu'il sortait sur les Arabes. Maintenant, en réunion, c'est presque l'ami de ses anciens ennemis ! » « Je leur dis : arrête tes conneries, pense à ta famille » Marqueur social, le lieu de résidence participe de la distribution et de la distinction entre les groupes sociaux sur des territoires spécifiques (Grafmeyer, 1995). La « rénovation urbaine » met particulièrement en relief les séparatismes sociaux qui existent au sein même des populations des grands ensembles hlm, et tend à les brouiller – et ainsi à accentuer les méfiances réciproques entre les catégories sociorésidentielles. Face au relogement, se distinguent alors les familles qui ont les moyens de partir d’elles-mêmes (d’accéder au parc locatif privé, voire à la propriété), celles qui voient leur souhait de logement accordé par l’office hlm parce que considérées comme « logeables », et notamment acceptant les appartements plus petits (mais en plus grand nombre sur le quartier), et puis les familles les plus en difficulté que la volonté politique cherche à disperser même si ce sont celles, finalement, qui ont le plus d’« intérêts » à rester dans le quartier, parce qu’elles y trouvent des ressources relationnelles qui pallient un peu leurs conditions instables et précaires d’existence. De leur côté, les retraités des catégories intermédiaires ou les anciens ouvriers qualifiés expriment un « attachement » au quartier et à leur logement, qui repose moins sur des contraintes économiques que sur des contraintes de vie incorporées. Malgré leurs craintes lors de déplacements la nuit tombée, dans le quartier ou dans certaines rues, et les gênes occasionnées de temps en temps par le voisinage, ces retraités ne souhaitent pas partir du quartier, parce que déménager nécessiterait de modifier les pratiques quotidiennes, il faudrait « trouver ses marques » ailleurs, fréquenter d’autres commerces, se faire d’autres copains au café-tabac. Leurs relations sociales se sont aussi, progressivement, centrées sur la vie de quartier, au cours de ces rituels quotidiens que sont les courses, des sociabilités de voisinage, qui octroient une reconnaissance sociale significative. Ainsi, nous avons vu que selon leurs propriétés sociales, sexuelles et générationnelles, selon que la venue dans le quartier a correspondu à une mobilité sociale ascendante ou descendante, à une étape de la vie que l’on sait provisoire ou au contraire à une installation durable et contrainte, les décisions politiques en matière de transformation des espaces résidentiels n’agissaient pas tout à fait de la même manière sur les modes de vie : si le quartier est « requalifié » pour les « classes moyennes » et/ou les groupes sociaux ayant connu une mobilité sociale, ses transformations profondes renforcent en même temps le processus de précarisation des familles touchées par le chômage, par les préretraites ou la maladie, parmi une population vieillissante. Les démolitions interviennent également sur les relations familiales et l’inquiétude des parents vis-à-vis du relogement « travaille » en retour les conditions de vie des enfants. Le processus de transformation de l’habitat agit enfin sur le partage sexué du travail au sein des familles en renforçant les clivages de sexe. En effet, il précarise plus fortement les femmes des milieux populaires pauvres (ou les femmes seules) que les femmes des catégories en ascension sociale (en raison de leurs conditions matérielles d’existence, les premières endossant plus difficilement que les secondes la charge mentale qu’occasionne le relogement). Bref, le processus de « rénovation urbaine » déstabilise le mode de vie des habitants, plus particulièrement des « inactifs » (les personnes âgées, les chômeurs, les femmes au foyer) ainsi que les jeunes surtout s’ils sont en difficulté scolaire : autant de catégories sociales largement représentées dans le quartier, ayant peu de possibilités de quitter d’eux-mêmes le secteur, et qui trouvent en lui, au quotidien, des ressources diversifiées, amicales, matérielles et institutionnelles (emplois, aides sociales, loisirs, etc.). POINTS DE VUE D’HABITANTS

Lorsqu’on leur parle de relogement, les habitants ont tendance à

revenir sur le point de départ, la démolition. Même si la décision ne leur appartient pas (elle appartient au bailleur, qui a de

multiples facteurs à prendre en compte), il semble que le processus d’acceptation du relogement commence par la façon dont

la démolition est annoncée, voire négociée avec eux. L’acceptation

de cet acte n’a pas été facile pour la plupart des habitants du bâtiment A, d’abord parce qu’ils étaient très attachés au quartier et

à la muraille en particulier (la plupart ont d’ailleurs souhaité être

logés à proximité, et beaucoup habitent à présent le bâtiment B,

surnommé « petite muraille de Chine »). Ensuite parce que,

disent-ils, la décision a été prise sans les consulter préalablement. Selon Jeanine Garnier, présidente de l’amicale des locataires de Montchovet : « Il n’y a pas eu de concertation. Même

après, cela s’apparentait plus à de l’information qu’à de la

concertation ».

Tout cela n’a bien entendu pas facilité les relogements, et

certaines familles ont attendu jusqu’au dernier moment dans

l’espoir d’obtenir un « logement idéal ». L’intervention de l’amicale

des locataires, qui participait à la commission relogement, a parfois permis de trouver des arrangements de dernière minute,

notamment des logements transitoires gratuits pendant six mois

pour ces quatre ou cinq familles en attendant de trouver une

solution conforme à leurs attentes. La décision du déménagement

gratuit pour tous, en plus de la prime de 1000 F pour frais d’installation, a facilité le processus. Dans l’ensemble, les gens ont

été satisfaits par les solutions de relogement proposées par

l’Opac, par la qualité de l’accompagnement et les trois quarts

ont bien investi leur nouveau logement . « Il faut reconnaître les

efforts réels des acteurs de terrain et des responsables du plan. »

1

Le déménagement a parfois eu des effets positifs sur les comportements selon G. Francavilla, ancienne habitante de la muraille

qui réside à présent dans le bâtiment B voisin : « Les gens ont

un comportement plus citoyen, l’intégration des personnes immigrées se fait mieux, peut-être en raison de la taille plus réduite du

bâtiment : on se connaît tous ». Ce qui s’apparente pour certains à un travail de deuil s’est fait petit à petit, avec une phase

individuelle et une phase collective : par exemple une « fête » a

été organisée quinze jours avant la démolition dans une cour

d’école, avec une exposition sur la muraille et la possibilité pour

les locataires de s’exprimer sur un mur (poèmes, etc.). Beaucoup

n’ont pas souhaité assister à la démolition qui a eu lieu le 27

mai 2000 et aujourd’hui encore ont du mal à accepter un quartier

sur le point d’être radicalement transformé (implantation prévue

du plus grand complexe hospitalier privé de la région sur le

site). MONTCHOVET La Muraille de Chine en construction içi en 1963 @ Il y avait l'idée de faire le plus grand nombre possible de logements confortables ; dans le délai le plus rapide possible ; au coût le plus bas possible. Il y avait quand même l’idée comme ça d’une prouesse dans le domaine du logement social.42 St-Etienne Montchovet la muraille Mais dans les années 80, le quartier change. Banlieue à problèmes, zone de non-droit, autant d’étiquettes qui collent à la muraille au gré des faits divers, des voitures brûlent, des policiers patrouillent, des jeunes traînent, et puis le bâtiment a vieilli. Les locataires le désertent. En 85, le quartier s’offre un lifting de 120 millions de francs, mais les problèmes persistent. Alors en 95…On a fait le constat qu’il n’y avait pas eu possibilité de réhabiliter dans de bonnes conditions. Qu’on avait connu l’échec de réhabilitation, d’une façon tout à fait naturelle. J’en ai conclu qu’il ne fallait pas obliger les gens à vivre dans ce type d’habitat. Qu’il ne fallait pas remplir de force une telle muraille. Et donc, la conclusion s’imposait d’elle-même, il fallait démolir. Cette démolition permet de mettre un terme aux 4 millions de francs de perte annuelle générés par les logements vides...Ça coûte un bâtiment inoccupé. Début 97, la moitié du bâtiment était vide. Donc, sur 500 logements, nous avions 250 logements vacants. Mais pour certains riverains, cette logique comptable n’efface pas une profonde nostalgie, la muraille est l’emblème du quartier...La muraille de Chine, ça fait des années qu’elle existe. Je veux dire, c’est elle qui fait, quand on parle du quartier on parle toujours tout de suite de la muraille de chine...C’est triste quand même de voir le bâtiment qui va tomber, voilà ! C’est comme si on enterrait une personne hein ! C’est une page du quartier qui se tourne, et c’est dommage...Il n'y aura plus de muraille mais dans notre coeur, il y aura toujours une muraille...Ce bâtiment, les stéphanois l’appellent la muraille de Chine. 540 logements, 2000 habitants, 48 mètres de haut pour 17 étages, 280 mètres de long. C’etait un véritable village vertical. C’etait aussi le symbole du quartier de Montchovet, mais c’est un symbole condamné, c’est en effet la plus grande barre de logement d’Europe qui doit être détruite en une seule fois. La muraille a été construite en pleine crise du logement. En 65, ce bâtiment offre tt le confort moderne : salle de bains, chauffage central, ascenseur. Il est pris d’assaut par les locataires, tout comme les 4000 autres logements neufs construits au sud-est de Saint-Etienne...https://m.ina.fr/.../demolition-de-la-muraille-de-chine... Alors, au niveau de la préparation de ce chantier, les principales phases furent le désamiantage des façades qui représentaient 32 000 m² de matériaux non friables. Ensuite, est venu le temps de la déconstruction des appartements où on a retiré les planchers bois, les portes, tout ce qui était impropre à la mise en décharge. La troisième phase fut la déconstruction mécanique et l’affaiblissement mécanique des structures. La quatrième phase fut la foration, on a foré environ 3600 mètres linéaires de trous pour mettre les explosifs. La dernière phase qui est en cours de réalisation est la mise en place des protections, c’est bien sûr les voiles intérieurs ainsi que sur les voiles extérieurs afin d’éviter les projections...La muraille, une fois détruite, laissera un vide de plus de 4 ha au cœur de Montchovet. L’avenir de ce quartier est déjà tracé dans les cartons des architectes, il est devenu médical... m.ina.fr/.../demolition-de-la-muraille-de-chine... Entre les années 50 et 60, et suite à la seconde guerre mondiale, la municipalité stéphanoise a vu sa population passée d’un peu moins de 180 000 habitants en 1950 à plus de 200 000 habitants dix ans plus tard en 1960. Cette forte augmentation de la population pouvait s’expliquer par le fort taux de natalité de cette époque (baby-boom), mais aussi par l’afflux de travailleurs de la classe ouvrière venus dans la grande cité stéphanoise pour trouver un travail. De ce fait, la construction d’un logement sain pour chaque ouvrier était devenue une priorité absolue pour les élus qui considéraient à raison que cela était une condition vitale dans le cadre de ce grand développement. Pour ce faire, la ville a lancé dans les années 50 une vaste opération de construction de barres d’habitation dans la zone de Beaulieu, destinée à fournir un logement à une population grandissante. www.cimaise-architectes.com/.../lespace-beaulieu/ Des tours et des barres, voici les formes les plus courantes des bâtiments qui constituent les grands ensembles. On doit cette communauté de forme à l’industrialisation des procédés de construction et à l’imposition de normes et de plans types pour les appartements afi n de réduire les coûts de production, objectif constant des années 1950-1960. Ceci a conduit à privilégier des formes simples et l’usage du béton, qui accède alors à une véritable hégémonie. L’utilisation généralisée du chemin de grue est également pointée comme explication de l’orthogonalité des plans et d’une extrême uniformisation. La forme des grands ensembles est également liée à l’influence du Mouvement moderne en architecture et à une conception urbaine nouvelle. Il y a dans les Trente Glorieuses une volonté d’inventer la ville et même la vie. La forme urbaine du grand ensemble est conçue en rupture avec l’environnement immédiat, avec une organisation propre et autonome du nouveau quartier. C’est d’ailleurs cette rupture qui rend si facilement identifi ables les grands ensembles sur les vues aériennes. L es architectes et urbanistes veulent libérer l’espace au sol pour mieux organiser la relation entre immeuble et espace vert. Le plan des grands ensembles est en général orthogonal avec des immeubles en périphérie laissant au centre un espace planté, le fameux espace vert des plans masses. Cette forme architecturale et urbaine a pu concentrer les critiques. On reproche le gigantisme, la monotonie, mais aussi l’absence de véritables espaces publics. Les grands ensembles ont globalement été édifiés sur des parcelles agricoles ou maraîchères, faute de réserves foncières suffi santes en ville. Ils sont aussi parfois construits dans les vides du tissu urbain laissés par les lotissements pavillonnaires. Dans de nombreux cas, ils sont situés aux franges des villes, parfois à cheval sur deux communes qui ne souhaitaient pas forcément travailler ensemble. Ceci a encore un impact aujourd’hui sur la réussite des projets de transformation qui peut dépendre du niveau de coopération des communes concernées. Par souci d’économie, certaines opérations ont été réalisées à proximité de zones où devaient être construites des infrastructures telles qu’une autoroute ou un échangeur, ce qui a accentué encore la fracture avec les quartiers plus anciens

de la commune, le centre-ville et ses services. De plus, les grands

ensembles sont souvent implantés à l’écart des transports en commun. En région parisienne, cela s’améliorera avec la création du District ( 1961 ) et des villes nouvelles ( 1965 ) qui permet le financement des réseaux de transport en commun et des autoroutes. Certaines municipalités se sont montrées très volontaires pour accueillir des grands ensembles, mais l’État en a aussi imposé à des petites communes qui n’en voulaient pas.

Pour celles-ci, les évolutions urbaines, démographiques et économiques consécutives ont parfois provoqué de véritables séismes. Suivant leur envergure, les nouveaux quartiers

ont pu submerger les anciens bourgs et faire basculer les territoires du rural à l’urbain à une vitesse fulgurante... Dans les années 1950, les logements sont rares, surpeuplés et souséquipés. En 1954, la plupart ne disposent ni de sanitaires, ni de wc intérieurs et à peine la moitié ont l’eau courante. Avec la construction des grands ensembles, en 1975 la quasi-totalité des logements ont l’eau courante, 75 % l’eau chaude et une installation

sanitaire complète avec wc intérieurs. Enfin, moins de 5 % des logements sont surpeuplés. On comprend alors que

les grands ensembles incarnent une modernité bienfaisante pour les mallogés qui y emménagent. Cependant, l’économie de moyens

dans la construction a été telle que les problèmes liés aux malfaçons arrivent vite. De plus, les bâtiments mal entretenus s’abîment avant même que tous les équipements soient

terminés. Aux défauts de construction et d’entretien s’ajoute la faiblesse des équipements collectifs. Les nouveaux résidents déchantent. Malgré tout, des sociabilités s’organisent, autour de la cage d’escalier, du chemin de l’école, de la vie associative et

de fêtes ou manifestations culturelles et sportives. la fête de grand

vaux à savignysur-orge. Jusqu’à la fi n des années 1970, des événements et fêtes organisés dans le quartier drainent des habitants de toute la commune, voire au-delà. Grand Vaux est alors presque un second centre-ville. @ 1975 13 le grand ensemble de sarcelles. Le terme «sarcellite » est inventé en 1962 pour désigner le mal des grands ensembles, une sorte de dépression dont seraient victimes les habitants. Cette soi-disant maladie de l’habitat moderne fait de Sarcelles le symbole des grands ensembles français. 1961 villagexpo à saint-michel sur-orge. Des concours visant à abaisser le coût du logement individuel ( Villagexpo en 1966, Chalandonnettes en 1969 ) sont lancés par le ministère de l’Équipement et du Logement. Le renouveau pavillonnaire encouragé par l’État témoigne du discrédit parallèle des grands ensembles. 1966 15 À peine les premiers habitants installés, journalistes, sociologues et autres experts viennent enquêter sur la vie dans les grands ensembles. Les uns sont séduits par leur modernité. Les autres, de plus en plus nombreux, dénoncent le mal des grands ensembles, leur taille et leur monotonie. La critique architecturale et sociale enfle et la circulaire Guichard met fin à leur construction le 21 mars 1973. L’ère du pavillonnaire prend le relais...MONTCHOVET MAI 2000 Au départ conçue pour loger les classes moyennes, la "Muraille de Chine" a accueilli, à partir des années 1970, de plus en plus de populations immigrées. Malgré plusieurs réhabilitations, elle était devenue, à l'instar d'autres quartiers défavorisés, le symbole de l'échec de la politique du logement, avec la ghettoïsation des populations pauvres et immigrées. Quatre mois de préparation avaient été nécessaires avant que, ce 27 mai 2000, les 600 kilos d’explosifs foudroient, en quelques secondes, la "Muraille de Chine". Il avait fallu ensuite plusieurs jours pour évacuer les 80.000 tonnes de gravats. Depuis 2005, l'Hôpital privé de la Loire (HPL) a été édifié à l'emplacement même du bâtiment. Éclairage

Au sud-est de la ville de Saint-Etienne, le quartier d'habitation de Beaulieu-Montchovet est construit entre 1953 et 1971. En 1964, la troisième tranche dénommée « Beaulieu III » donne lieu à la réalisation du plus grand bâtiment d'habitation en Europe. Surnommé « la muraille de chine » en raison de son gigantisme, il est détruit par dynamitage en 2000. Son histoire est profondément inscrite dans le contexte de la politique du logement en France.

Grâce à son bassin charbonnier, au développement de l'industrie textile et à sa manufacture d'armes, l'essor de la ville de Saint-Etienne bénéficie de la révolution industrielle du XIXe siècle. Forte de cet héritage, elle a conservé son dynamisme économique jusqu'au milieu du XXe siècle. Important centre militaro-industriel durant la Seconde Guerre mondiale, Saint-Etienne est touchée par plusieurs bombardements. Ces destructions ont accentué la crise du logement dues aux profondes mutations de l'après-guerre qui concentrent la population dans les grands centres urbains et industriels. C'est dans ce contexte que la ville de Saint-Etienne décide de construire un quartier neuf afin de loger près de 30 000 habitants dans près de 4 600 logements. Le quartier Beaulieu-Montchovet est proche du centre ville. Il est situé sur une zone dont le sous-sol n'était pas fragilisé par la présence d'anciennes mines de charbons, ce qui autorisait la construction d'immeubles importants. La réalisation de la Muraille de Chine est très comparable à celles qui voient le jour dans le cadre de la politique des Zones à Urbaniser en Priorité (ZUP) initiée en 1959. Des quartiers nouveaux ont vu le jour, en principe avec des commerces et des équipements, constituant ce qu'il est convenu d'appeler des « grands ensembles ». A Saint-Étienne, au cœur du quartier de Beaulieu-Montchovet, la « Muraille de Chine » s'ajoute à des ensembles déjà construits. D'une hauteur de 48 mètres, le bâtiment est parfaitement rectiligne afin de rationaliser la construction. Les grues peuvent se déplacer sur des rails tout le long de la « barre », terme qui désigne ces grands immeubles. Il est composé de 19 étages sur 270 mètres de long et abrite 450 logements. L'armature en béton armé et les éléments standardisés permettent une construction rapide et compétitive. Le confort moderne des appartements n'est pas le seul atout de cet immeuble, les infrastructures du quartier suivent l'évolution de la population : équipements sportifs, centre commercial et collège complètent le dispositif et, à l'origine, la demande des familles est forte pour ce bâtiment imposant, symbole de modernité.

Après les années 1970, Saint-Etienne connaît une crise économique, le charbon est concurrencé par le pétrole, les industries locales sont en déclin et la démographie fléchit. Les grandes opérations lancées dans les années 1950 et 1960 ont vieilli. La « Muraille de Chine » n'est habitée qu'à moitié et la ville peine à entretenir cet ensemble. Malgré plusieurs opérations de réhabilitation dont la dernière lancée dans le cadre du programme « Banlieues 89 » (Roland Castro), elle devient le symbole des difficultés économiques et sociales : fort taux de chômage, exclusion et délinquance. La concentration en un même lieu d'une population défavorisée et touchée par le chômage fait sentir ses effets. De nouvelles politiques de la ville voient le jour. Elles prônent une mixité sociale qui s'oppose à la ségrégation qui résultait de la politique de ZUP. Impuissante à renverser cette évolution générale, la ville décide la destruction de l'immeuble. Ces opérations de destruction apparaissent au début des années 1970 aux Etats-Unis ; elles sont imitées à Villeurbanne en 1978 pour la cité Olivier de Serres, même si en France, jusqu'au milieu des années 1990, l'État a le plus souvent privilégié une politique de réhabilitation. Le 27 mai 2000 les derniers habitants de la Muraille de Chine sont évacués, l'autoroute est barrée et le quartier bouclé par les forces de l'ordre : à 13 heures précises a lieu la plus grosse opération de démolition jamais réalisée en Europe @ Ce bâtiment, les stéphanois l’appellent la muraille de Chine. 500 logements, 2000 habitants, 48 mètres de haut pour 17 étages, 280 mètres de long. C’est un véritable village vertical. C’est aussi le symbole du quartier de Montchovet, mais c’est un symbole condamné, c’est en effet la plus grande barre de logement d’Europe qui doit être détruite en une seule fois. La muraille a été construite en pleine crise du logement. En 1965, ce bâtiment offre tout le confort moderne : salle de bains, chauffage central, ascenseur. Il est pris d’assaut par les locataires, tout comme les 4000 autres logements neufs construits au sud-est de Saint-Etienne. Il y avait l'idée de faire le plus grand nombre possible de logements confortables ; dans le délai le plus rapide possible ; au coût le plus bas possible. Il y avait quand même l’idée comme ça d’une prouesse dans le domaine du logement social. Mais dans les années 80, le quartier change. Banlieue à problèmes, zone de non-droit, autant d’étiquettes qui collent à la muraille au gré des faits divers, des voitures brûlent, des policiers patrouillent, des jeunes traînent, et puis le bâtiment a vieilli. Les locataires le désertent. En 85, le quartier s’offre un lifting de 120 millions de francs, mais les problèmes persistent. Alors en 95… On a fait le constat qu’il n’y avait pas eu possibilité de réhabiliter dans de bonnes conditions. Qu’on avait connu l’échec de réhabilitation, d’une façon tout à fait naturelle. J’en ai conclu qu’il ne fallait pas obliger les gens à vivre dans ce type d’habitat. Qu’il ne fallait pas remplir de force une telle muraille. Et donc, la conclusion s’imposait d’elle-même, il fallait démolir. Cette démolition permet de mettre un terme aux 4 millions de francs de perte annuelle générés par les logements vides. Ça coûte un bâtiment inoccupé. Début 97, la moitié du bâtiment était vide. Donc, sur 500 logements, nous avions 250 logements vacants. Mais pour certains riverains, cette logique comptable n’efface pas une profonde nostalgie, la muraille est l’emblème du quartier. La muraille de Chine, ça fait des années qu’elle existe. Je veux dire, c’est elle qui fait, quand on parle du quartier on parle toujours tout de suite de la muraille de chine. C’est triste quand même de voir le bâtiment qui va tomber, voilà ! C’est comme si on enterrait une personne hein ! C’est une page du quartier qui se tourne, et c’est dommage. Il n'y aura plus de muraille mais dans notre coeur, il y aura toujours une muraille. Depuis le 24 janvier, une cinquantaine d’ouvriers travaillent à la déconstruction de ce bâtiment. Aujourd’hui, tout est prêt pour l’explosion. Alors Monsieur Arnaud, quelles ont été les différentes phases de ce chantier ? Alors, au niveau de la préparation de ce chantier, les principales phases furent le désamiantage des façades qui représentaient 32 000 m² de matériaux non friables. Ensuite, est venu le temps de la déconstruction des appartements où on a retiré les planchers bois, les portes, tout ce qui était impropre à la mise en décharge. La troisième phase fut la déconstruction mécanique et l’affaiblissement mécanique des structures. La quatrième phase fut la foration, on a foré environ 3600 mètres linéaires de trous pour mettre les explosifs. La dernière phase qui est en cours de réalisation est la mise en place des protections, c’est bien sûr les voiles intérieurs ainsi que sur les voiles extérieurs afin d’éviter les projections. Un périmètre de sécurité de 150 m sera mis en place autour du chantier, l’autoroute sera fermée samedi entre 11 heures et 14 heures. Un millier de riverains seront évacués et 300 CRS et policiers assureront la sécurité du public pendant l’opération de foudroyage. La phase ultime sera le tir, et ensuite le traitement des matériaux au sol. Les 23 000 m3 de béton seront évacués en deux mois. La muraille, une fois détruite, laissera un vide de plus de 4 ha au cœur de Montchovet. L’avenir de ce quartier est déjà tracé dans les cartons des architectes, il sera médical. Notre projet c’est de construire une clinique de 251 lits qui est constituée du regroupement de 3 cliniques existantes à Saint-Etienne. Il y aura une maternité, il y aura également un service de médecine, et puis un service de chirurgie comme ça existe dans la plupart des cliniques privées. Avec 16 salles d’opération et 150 médecins, ce centre hospitalier sera le plus important pôle de santé privé de Rhône-Alpes. Les travaux commenceront en septembre pour s’achever en janvier 2002. Ils coûteront 250 millions de francs. On a choisi ce quartier parce que nous pensions que c’est un beau quartier qui est extrêmement bien situé ; duquel il y a une vue qui est très belle, quand on est monté dans la muraille de Chine, on le sait. Que d’autre part, pour un établissement de santé, c’est à proximité de l’autoroute ; donc avec des facilités d’accès pour les patients extrêmement importants, qui feront que cet établissement sera vu quand on passera devant, et qu’on pourra y accéder facilement. 40 ans après la construction de la muraille, l’ambition de la municipalité est d'effacer la difficile réputation du quartier de Montchovet, par un vaste réaménagement urbain ; avec à l’horizon 2003, une nouvelle ligne de tramway, deux maisons de convalescence, et un aménagement paysager. Le samedi 27 mai à 13 heures 01, la muraille de Chine s’effondrera sur elle-même en 15 secondes. Nous serons là pour vous montrer ce moment crucial dans la vie du quartier et qui changera définitivement le visage de Saint-Etienne.

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Uploaded on February 14, 2022