Thibault Philip, DNSEP Design 2021
"Ce qui d’ordinaire dégoûte semble trouver dans le champ du design une certaine vertu. Le monde biologique est intrinsèquement lié à l’évocation du dégoût, mais fait aussi parti du domaine des matériaux décomposables. Former des objets avec des matériaux se décomposant permet des les utiliser dans la peau de l’espace domestique, où les paramètres de température et d’humidité de l’humain leur conviennent, et, une fois cassés ou désuet, de les laisser se décomposer dans la peau de l’espace naturel via les intempéries.
L’industrie actuelle fournit en masse des matériaux de ce type, c’est notamment le cas des intestins de porcs.
Cette année servit d’incubateur à la mise en forme et au développement des intestins de porcs comme matériaux. Ce travail fut possible grâce à mon partenariat de recherche avec l’entreprise GBB-Boyaux Bretons, l’entreprise de contrôle qualité et cotation d’intestins porcins. Ils me permirent de récupérer des intestins troués ou de mauvais diamètres et donc inexploitables pour eux.
Le porc est un animal/gisement dans le sens ou l’humain exploite son corps à 98% dans un système industriel hyper-performant (un porc est tué toutes les 0,8 seconde). S’il se retrouve dans le domaine alimentaire, il est aussi fortement présent dans des objets et consommables divers (collagène dans les balles de fusil, hémoglobine dans les filtres de cigarettes, acides gras dans la peinture, colle d'os dans le papier à poncer...).
Travailler avec les intestins de porcs revient à travailler avec un rebut d’une l’industrie capitale à l’humain et disponible en quantité colossale. Permettant alors de former des objets et dont la fin de vie ne causerait pas d’impact écologique.
Ma méthodologie consiste en une recherche constante de forme nouvelle, variée, parfois laissant parler la matière, parfois la forçant à prendre une forme souhaitée. De cette cartographie constamment enrichie par de nouvelles formes, j’ai tiré 3 axes de mises en oeuvre du matériau: Feuille, fil et tube.
Les propriétés de cette matière permettent une diffusion de la lumière, mais aussi une modification de cette dernière. C’est donc vers l’objet lumineux que je me suis dirigé.
Une première étape du travail consistait à ancrer cette matière dans le réel, entrer dans un processus d’acceptation par le consommateur d’un matériau connoté répugnant. En accord avec le point MAYA de Raymond Loewy expliquant qu’une version numéro 2 d’un objet doit introduire de la nouveauté tout en ressemblant à la version numéro 1 pour ne pas fracturer les habitudes du consommateur, mais aussi avec le type de suspension le plus vendu au monde, de pâles copies de la lampe Akari (1951) de Isamu Nogushi, j’ai cherché à transformer l’intestin en un objet facilement acceptable par le consommateur.
Une des qualités de l’intestin vient aussi de sa mise en oeuvre, j’ai cherché à imaginer à partir de ce matériau un produit semi-fini sous la forme de tube. Le protocole de mise en oeuvre m’a permis de générer des objets tubulaires aux formes courbes difficilement obtenables avec d’autres matériaux.
Une collaboration avec le designer Pierre-Thomas Deillon, spécialisé dans l’utilisation d’outils numériques, a vu le jour. Il est intervenu avec ses connaissances et le maniement de la découpe laser sur ce matériau pour concevoir un luminaire mural permettant une nouvelle approche du tube d’intestin.
Le cochon est un composant majeur de nos productions industrielles tout en restant un illustre oublié. La présence de cet animal est constamment soustraite au regard du consommateur quand bien même l'histoire de l'homme résonne avec l'histoire du porc.
La dernière réalisation de cette première année de travail sur l’intestin est une sculpture lumineuse tendant à constater la place du cochon auprès de l'humain par le prisme narratif de son omniprésence dissimulée, de sa capacité à créer des connexions sociales, géographiques ou urbaines et du parallèle biologique qui existe entre homme et porc."
Découvrez son travail : @thibault.philip
.
Crédits photos : @alexandre_texier
Thibault Philip, DNSEP Design 2021
"Ce qui d’ordinaire dégoûte semble trouver dans le champ du design une certaine vertu. Le monde biologique est intrinsèquement lié à l’évocation du dégoût, mais fait aussi parti du domaine des matériaux décomposables. Former des objets avec des matériaux se décomposant permet des les utiliser dans la peau de l’espace domestique, où les paramètres de température et d’humidité de l’humain leur conviennent, et, une fois cassés ou désuet, de les laisser se décomposer dans la peau de l’espace naturel via les intempéries.
L’industrie actuelle fournit en masse des matériaux de ce type, c’est notamment le cas des intestins de porcs.
Cette année servit d’incubateur à la mise en forme et au développement des intestins de porcs comme matériaux. Ce travail fut possible grâce à mon partenariat de recherche avec l’entreprise GBB-Boyaux Bretons, l’entreprise de contrôle qualité et cotation d’intestins porcins. Ils me permirent de récupérer des intestins troués ou de mauvais diamètres et donc inexploitables pour eux.
Le porc est un animal/gisement dans le sens ou l’humain exploite son corps à 98% dans un système industriel hyper-performant (un porc est tué toutes les 0,8 seconde). S’il se retrouve dans le domaine alimentaire, il est aussi fortement présent dans des objets et consommables divers (collagène dans les balles de fusil, hémoglobine dans les filtres de cigarettes, acides gras dans la peinture, colle d'os dans le papier à poncer...).
Travailler avec les intestins de porcs revient à travailler avec un rebut d’une l’industrie capitale à l’humain et disponible en quantité colossale. Permettant alors de former des objets et dont la fin de vie ne causerait pas d’impact écologique.
Ma méthodologie consiste en une recherche constante de forme nouvelle, variée, parfois laissant parler la matière, parfois la forçant à prendre une forme souhaitée. De cette cartographie constamment enrichie par de nouvelles formes, j’ai tiré 3 axes de mises en oeuvre du matériau: Feuille, fil et tube.
Les propriétés de cette matière permettent une diffusion de la lumière, mais aussi une modification de cette dernière. C’est donc vers l’objet lumineux que je me suis dirigé.
Une première étape du travail consistait à ancrer cette matière dans le réel, entrer dans un processus d’acceptation par le consommateur d’un matériau connoté répugnant. En accord avec le point MAYA de Raymond Loewy expliquant qu’une version numéro 2 d’un objet doit introduire de la nouveauté tout en ressemblant à la version numéro 1 pour ne pas fracturer les habitudes du consommateur, mais aussi avec le type de suspension le plus vendu au monde, de pâles copies de la lampe Akari (1951) de Isamu Nogushi, j’ai cherché à transformer l’intestin en un objet facilement acceptable par le consommateur.
Une des qualités de l’intestin vient aussi de sa mise en oeuvre, j’ai cherché à imaginer à partir de ce matériau un produit semi-fini sous la forme de tube. Le protocole de mise en oeuvre m’a permis de générer des objets tubulaires aux formes courbes difficilement obtenables avec d’autres matériaux.
Une collaboration avec le designer Pierre-Thomas Deillon, spécialisé dans l’utilisation d’outils numériques, a vu le jour. Il est intervenu avec ses connaissances et le maniement de la découpe laser sur ce matériau pour concevoir un luminaire mural permettant une nouvelle approche du tube d’intestin.
Le cochon est un composant majeur de nos productions industrielles tout en restant un illustre oublié. La présence de cet animal est constamment soustraite au regard du consommateur quand bien même l'histoire de l'homme résonne avec l'histoire du porc.
La dernière réalisation de cette première année de travail sur l’intestin est une sculpture lumineuse tendant à constater la place du cochon auprès de l'humain par le prisme narratif de son omniprésence dissimulée, de sa capacité à créer des connexions sociales, géographiques ou urbaines et du parallèle biologique qui existe entre homme et porc."
Découvrez son travail : @thibault.philip
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Crédits photos : @alexandre_texier