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Monter, monter, monter, descendre un peu, répéter

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L'Amérique du Sud, faut pas se le cacher, c'est de la montée. Bien sûr, il y a toujours moyen de filer par les grands chemins et prendre la côte une fois rendue en Ecuador pour la filer jusqu'en fin du Peru, mais si on ne goûte pas les Andes, pourquoi venir pédaler ici. La route des plus hautes montagnes, celle qui se situe au plus près de la ligne de partage Est-Ouest des eaux du continent (la continental divide, en bon français), qui la traverse et retraverse par ses plus hauts somments, est magnifique, mais se mérite. Depuis notre entrée en Ecuador, et même en Colombie, par endroits, on a l'impression qu'on ne fait que grimper. Pour 5 heures de grimpe, on a le droit à presqu'une heure de descente et on reprend. Un ratio qui est devenu un mantra sur quoi se poser, et méditer chaque coups de pédale. Tous les jours, on termine avec l'impression de n'avoir finalement que pédaler par en-haut.

 

Et les routes, faites de gravelle, ralentissent la progression. Mais rares sont les routes asphaltées qui rapporteront autant de délices visuels et de tranquillité de trafic. On asphalte les routes qui sont plus directes, moins serpentantes. Et la populace s'y agglutine. Au contraire, les routes de gravelle ou de pierre n'attirent plus que les voyageurs lents en quête de sublime et les quelques camions et motos qui s'y aventurent parfois.

 

On s'est encore fait demander dernièrement combien de kilomètres on parcourt par jour. Et bien encore une fois, je le répèterai. Ici, on calcule en terme de mètres de montée. Quand on prépare la route à venir, on ne se dit pas : “On trace 100km et on s'arrête là”. On étudie plutôt le dénivelé et on fait en conséquence. Habituellement, on regarde où nous mèneront 1500 mètres cumulés d'ascension. Parfois, on les réalise sur 65 kilomètres, d'autres, et plus souvent même, on atteint la barre après seulement 30 kilomètres. Et même d'autres où faut en grimper plus encore, question d'atteindre un lieu idéal pour la nuit. Résultat : je ne peux pas vous dire combien de kilomètres on se tape en moyenne, mais je peux affirmer avec fierté qu'on vise les 1500 mètres de grimpe pas mal tous les jours cyclables.

 

Mais ça représente quoi, 1500 mètres de montée. Assez difficile à trouver une route québécoise pour donner l'équivalent. De Chicoutimi jusqu'à l'Étape, ça donne 1500 mètres en tout, mais sur 100 kilomètres. Pour donner une idée plus Saguenay-Jeannoise encore, prenons le cran de Saint-Prime, juste avant Roberval. Et bein, il fait 35 mètres de montée, le cran, avec un angle de dénivelé assez simple de 5% et il est tout asphalté. Donc pour faire une montée de 1500 mètres, faudrait le monter 43 fois. Ou sinon, pour obtenir un pourcentage de dénivelé encore plus près de ce que l'on fait, c'est à dire 7 à 10%, prenons la pente du boulevard Sainte-Geneviève à Chicoutimi-Nord, qui débute tout de suite après le pont Dubuc pour se terminer 500 mètres plus loin à la hauteur de la rue des Hydrangées. Ce ne sont que 50 mètres de montée. Il faudrait donc l'allonger, la pente, de 30 fois sa longueur pour atteindre 1500 mètres d'ascension. De quoi donner des cauchemars à plusieurs. Et encore, c'est facile la Sainte-Geneviève : c'est que de la belle surface lisse et asphaltée.

 

Et faut ajouter là-dessus que pédaler 1500 mètres de montée au niveau de la mer n'a rien à voir avec le même effort déployé à 4000 mètres d'altitude. À partir des 3000 mètres, on commence à percevoir la différence, mais en-haut de 3500m de haut, ça devient plus dérangeant. Les cuisses reçoivent beaucoup moins d'oxygène. Le souffle est plus court, les gestes se font plus lents. Les poumons peinent à emmagasiner tout le nécessaire. Le coeur bat plus rapidement. Parfois le mal de tête s'en mêle. Faut boire plus d'eau. Pauser plus souvent. Et le vent qui se pointe. Et le soleil qui cuit fort.

 

Et ajouter donc à ça le poid transporté sur nos vélos d'acier (pas une bonne idée, ici, les vélos ultralégers de carbone ou d'alu). L'eau nécessaire pour boire, mais aussi, plus loin dans la journée, celle qui servira à cuisiner. Et la bouffe et les collations. Et le combustible pour le réchaud. Et les vêtements chauds et les outils et les pièces de rechange et les multiples cossins nécessaires à vivre au maximum le standard minimum. Alors faut pas se surprendre que parfois, rendus dans les 4500m d'altitude et même avant, on le pousse à bras, le gros vélo, dans les lacets raides de roches lousses.

 

Et tout ça, pour finir blottis dans nos sleeping à chercher la chaleur dans des nuits sous le zéro, avec un cerveau en déficit d'oxygène qui peine à dormir profondément (encore plus pour deux insomniaques notoires).

 

Bref, faut aimer ça en tabarnak se la couler dure. Parce qu'on est loin du confort homéostasique.

 

Mais il y a quelque chose de zen dans tout ça, de la recherche de la limite, de la mesure de l'humain face à la démesure de la nature dans toute sa grandeur. Pour rien au monde, je ne voudrais être ailleurs.

 

 

….

 

Climb, climb, climb, climb, go down a bit, repeat

 

South America is all about climbing. Of course, there's always the option of taking the main roads and the coast once you're in Ecuador, and following it all the way to the end of Peru, but if you don't taste the Andes, why come cycling here? The route of the highest mountains, the one that lies closest to the continental divide and crosses and recrosses it at its highest points, is magnificent, but well worth the effort. Ever since we entered Ecuador, and even Colombia in places, we've had the impression that all we're doing is climbing. For every 5 hours of climbing, we're allowed almost an hour of descent, and then we start again. A ratio that has become a mantra on which to rest, and meditate on each pedal stroke. Every day, we finish with the impression that, in the end, all we've done is pedal upwards.

 

And the gravel roads slow your progress. But few asphalt roads offer such visual delights and traffic tranquillity. The more direct, less winding roads are paved. And the crowds flock to them. On the contrary, gravel and stone roads now attract only slow travelers in search of the sublime, and the occasional truck or motorcycle.

 

We were asked again recently how many kilometers we cover in a day. Well, I'll say it again. Here, we calculate in terms of metres of ascent. When you're planning the route ahead, you don't think: "Let's ride 100km and call it a day". Instead, you look at the difference in altitude and plan accordingly. Usually, we look at where 1500 meters of cumulative climbing will take us. Sometimes you'll achieve this in 65 kilometers, others, and more often, you'll reach the mark after just 30 kilometers. And sometimes you have to climb even more to reach an ideal spot for the night. As a result, I can't tell you how many kilometers we ride on average, but I can proudly say that we aim for 1500 meters of climbing every cycling day.

 

But that's 1500 meters of climbing. It's hard enough to find a Quebec road to match. From Chicoutimi to l'Étape, that's 1500 metres in all, but over 100 kilometers. To give an even more Saguenay-Jeannoise idea, let's take the Saint-Prime notch, just before Roberval. Well, it's a 35-meter climb, with a fairly simple 5% gradient, and it's all asphalt. So to do a 1500-meter climb, you'd have to climb it 43 times. Or, to get a gradient even closer to what we do, i.e. 7-10%, let's take the slope of boulevard Sainte-Geneviève in Chicoutimi-Nord, which starts immediately after the Dubuc bridge and ends 500 metres further on at rue des Hydrangées. That's only 50 metres of climbing. It would have to be extended by 30 times its length to reach 1,500 metres of ascent. Enough to give many nightmares. And even then, it's on the smooth, asphalt surface of modernity.

 

And let's not forget that a 1500-meter climb at sea level is nothing like the same effort at 4000 meters. From 3000 metres upwards, you start to notice the difference, but above 3500m, it becomes more disturbing. The thighs receive much less oxygen. Breathing becomes shorter, movements slower. The lungs struggle to store everything they need. The heart beats faster. Sometimes headaches get in the way. You have to drink more water. Pause more often. And the wind picks up. And the sun bakes hard.

 

And add to that the weight carried on our steel bikes (not a good idea, here, ultralight carbon or aluminum bikes). Water for drinking, but also, later in the day, for cooking. And food and snacks. And fuel for the stove. And the warm clothes and multiple necessities to live up to the minimum standard. So it's hardly surprising that sometimes, at altitudes of 4500m and even higher, we push the big bike up steep switchbacks.

 

And all this, only to end up huddled in our sleeping bags looking for warmth on sub-zero nights, with oxygen-deficient brains struggling to sleep soundly (even more so for two notorious insomniacs).

 

In short, you've got to fucking love it. It's a far cry from homeostasis.

 

But there's something Zen about it all, the search for the limit, for the measure of the human being in the face of the excess of nature in all its grandeur. I wouldn't want to be anywhere else in the world.

 

 

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Uploaded on August 6, 2023