L'esprit des lieux
(Scroll down for english viewers)
(Note : L'église appartient à la Colombie, sur la frontière écuadorienne. La face de Pascal appartient au monde des poseurs.)
Un rond-point à la sortie de Pifo, en banlieue campagnarde de Quito, surmonté d'un hôtel miteux et inachevé. Je m'attarde. Mes souvenirs ressurgissent. En 2018, j'y avais pourri ma viande pendant cinq jours, malade comme un chien, me vidant les entrailles des deux bords, le jour comme la nuit. Et me pétant la tête chaque fois que je franchissais le seuil de la salle de bain, à l'aller comme au retour. La hauteur moyenne des cadres de porte écuadoriens étant plus basse que la mienne, de hauteur.
Me reviennent aussi en souvenir mes impressions de cette époque. Ce que je ressentais à l'intérieur, mais aussi ce que je percevais des environs. Mes craintes. Mes attentes. J'étais encore dans mes premiers mois de traversée des Andes à vélo. J'y avais déjà fait d'autres voyages de quelques mois auparavant, mais ça n'avait rien à voir avec l'autonomie et la vulnérabilité du voyage à vélo. Et ce lieu, ici en Ecuador, m'apparaissait à l'image de mon état du moment : une espèce d'ombre entourait chacune des choses, chacun des gens. Aujourd'hui, repassant au même endroit après plus de 30 mois à pédaler le grand ailleurs, en excellente forme et accompagné, tout est tellement différent, lumineux, désencombré. Ça me parait être un lieu tout autre que celui triste et gris où j'étais malade. L'image qui m'en était restée était assez désolante, alors qu'aujourd'hui, c'est tout le contraire. Mais qu'en est-il alors réellement de l'endroit ? Voit-on vraiment un lieu pour ce qu'il est ? Ou l'extérieur n'est que le reflet de nos troubles intérieurs ?
En fait, revenir sur un lieu marquant des années plus tard attire l'attention sur les changements qui ont opéré en nous depuis. Les espaces nouveaux plaquent des repères sur la ligne du temps, et l'épaississent. On observe, compare et constate tout l'ampleur du faussé nous séparant de cette personne d'autrefois.
Il est plus difficile d'en faire le constat lorsqu'on demeure longtemps au même endroit: tout est si relié qu'on remarque moins. Tout semble durer, avoir sa place. On change, mais tout autour change aussi : la vision s'accommode. C'est comme de rouler en voiture au côté d'un train, les deux filant à la même vitesse : quand on regarde le train, on ne voit plus le mouvement. Ça donne l'impression que tout est solide, fixe. Rester au même endroit à faire les mêmes choses aplatit le temps. On regarde en arrière et chaque nouvelle année semble se poser de tout son poids sur les anciennes pour les écraser dans une sorte de pâte homogène. Le temps ayant toujours le même décor, on n'arrive plus trop à distinguer ce qui était de ce qui n'est plus. Tout a l'air d'avoir une unité. Et c'est un peu là que nait le sentiment de stabilité de l'individu. On en vient à croire que l'on est cette personne-là, figée, possédant cet ensemble bien précis de qualités et de défauts qui compose ce caractère-ci. Et l'environnement et les autres, qui sont toujours les mêmes et qui s'adaptent à nous, renvoient toujours la même image de nous, nous redonnent toujours la même réponse, amplifiant alors cette impression que l'on a d'être cette personne au contour défini, bien découpée, distinctement. Une loop infinie d'identité sécurisée et confortable.
Alors que c'est faux. Il suffit de modifier d'un coup l'environnement pour mesurer son influence absolue sur les tréfonds de l'individu.
Prenez n'importe quelle personne, sûre d'elle-même et de ses compétences, bien confiante en son potentiel d'action, connaissant bien ses forces et ses faiblesses. Sortez-la de son milieu où elle vit depuis des lunes et plantez-la seule ailleurs, à travers une culture étrangère, dans une langue incompréhensible, dépouillez-la de ses possessions, de ses beaux atours et de son argent. Vous assisterez bien assez vite à la dissolution de cette confiance, et même de cette personnalité qui semblait si fortement construite. Ce que l'on croit être, n'est bien souvent que le miroir donné par un environnement bien connu et bien maîtrisé. Pour bien illustrer le concept, glissez-vous un soir dans la chambre de Mario Pelchat, anesthésiez-le pendant son sommeil et transportez-le bien loin de son confort mielleux afin qu'il se réveille entouré de chants gutturaux dans la noirceur de la nuit amazonienne, en pleine cérémonie tribale. Vous observerez sûrement un changement drastique de sa personnalité, comme une décomposition de sa superbe. Si les alentours disparaissent, l'échaffaudage intérieur aussi risque de s'effondrer. Nous sommes tributaires de notre environnement.
Et cet environnement n'est perçu qu'à la lumière de ce que nous ressentons.
Alors s'il n'y a rien de fixe au-dedans, et que tout les environs fluctuent inlassablement, que reste-t-il donc de solide bonyeu de bonyenne ? Et bien rien ! Je viens de le dire ! Tout change ! Tout le temps ! Rien ne reste en la demeure. La réalité est insaisissable, suspendue quelque part entre les choses et les êtres, entre les êtres et les êtres, entre les choses et les choses, et elle ne cesse de se transformer sous l'effet du temps.
Se déplacer, changer de lieu, connaitre, découvrir, c'est arrêter de regarder le train pour se tourner vers ce paysage qui défile en toile de fond toujours changeante. C'est tenter de ralentir ce temps qui file en l'alourdissant d'espaces géographiques, et en se chargeant l'espace intérieur d'une multitude d'impressions toujours renouvelées.
C'est peindre la fresque des jours.
….
The spirit of the land
(Note: The church belongs to Colombia, on the border with Ecuador. Pascal's face belongs to the world of poseurs).
A traffic circle on the outskirts of Pifo, a rural suburb of Quito, topped by a shabby, unfinished hotel. I linger. My memories resurface. In 2018, I had rotted my flesh there for five days, sick as a dog, emptying my bowels on both sides, day and night. And knocking my head off every time I crossed the bathroom threshold, on the way in and out. The average height of Ecuadorian doorframes being lower than mine.
I also remember my impressions of that time. What I felt inside, but also what I perceived of the surroundings. My fears. My expectations. I was still in my first months of crossing the Andes by bike. I'd been traveling other times before, for months also, but it had nothing to do with the autonomy and vulnerability of bicycle travel. And this place, here in Ecuador, seemed to me to reflect my state of mind at the time: a kind of shadow surrounded every single thing, every single person. Today, returning to the same place after more than 30 months pedaling the great elsewhere, in excellent shape and accompanied, everything is so different, luminous, uncluttered. It feels like a completely different place from the sad, grey one where I was ill. The image I was left with was quite distressing, whereas today it's quite the opposite. But then what about the place itself? Do we really see a place for what it is? Or is the outside just a reflection of our inner turmoil?
In fact, revisiting a landmark years later draws attention to the changes that have taken place within us since then. New spaces place markers on the timeline, thickening it. We observe, compare and note the extent of the gap separating us from that person of yesteryear.
It's harder to realize this when you stay in one place for a long time: everything is so interconnected that you don't notice it as much. Everything seems to last, to have its place. You change, but everything around you changes too: your vision adapts. It's like riding in a car alongside a train, both moving at the same speed: when you look at the train, you no longer see the movement. It gives the impression that everything is solid, fixed. Staying in the same place doing the same things flattens time. You look back, and each new year seems to rest its full weight on the old ones, crushing them into a kind of homogeneous paste. Time always has the same decor, and you can't really distinguish what was from what is no longer. Everything seems to have a unity. And that's where the individual's sense of stability comes from. We come to believe that we are that person, fixed in place, possessing that very precise set of qualities and defects that make up this character. And the environment and others, who are always the same and adapt to us, always reflect the same image of us, always give us the same response, amplifying the impression we have of being that person with a well-defined, distinct outline. An infinite loop of secure, comfortable identity.
But it's not true. All it takes is a sudden change in the environment to measure its absolute influence on the depths of the individual.
Take any person, self-assured and competent, confident in their potential for action, knowing their strengths and weaknesses. Take them out of the environment they've been living in for ages and plant them somewhere else, in a foreign culture, in an incomprehensible language, stripped of their possessions, their finery and their money. Soon enough, you'll witness the dissolution of that confidence, and even of that personality that seemed so strongly built up. What we believe ourselves to be is often no more than the mirror held up by a well-known, well-controlled environment. To illustrate the concept, slip into Fifthy Cent's bedroom one night, anesthetize him while he sleeps and transport him far from his honeyed comfort to wake up surrounded by guttural chants in the dark of the Amazonian night, in the midst of a tribal ceremony. You're sure to observe a drastic change in his personality, like a decomposition of his magnificence. If the surroundings disappear, so does the inner scaffolding. What we are is dependent on our environment.
And that environment is only perceived in the light of what we feel.
So if there's nothing fixed inside, and everything around us is in constant flux, what's left of the solid for god's sake? Well, nothing! I just said it! Everything changes! All the time! Nothing stays the same. Reality is elusive, floating somewhere between things and beings, between beings and beings, between things and things, and it never stops changing under the effect of time.
To move around, to change places, to get to know, to discover, is to stop looking at the train and turn towards the landscape that unfolds as an ever-changing background. It's an attempt to slow down the passage of time, weighing it down with geographical spaces, and filling our inner space with a multitude of ever-renewed impressions.
It's painting the tapestry of days.
L'esprit des lieux
(Scroll down for english viewers)
(Note : L'église appartient à la Colombie, sur la frontière écuadorienne. La face de Pascal appartient au monde des poseurs.)
Un rond-point à la sortie de Pifo, en banlieue campagnarde de Quito, surmonté d'un hôtel miteux et inachevé. Je m'attarde. Mes souvenirs ressurgissent. En 2018, j'y avais pourri ma viande pendant cinq jours, malade comme un chien, me vidant les entrailles des deux bords, le jour comme la nuit. Et me pétant la tête chaque fois que je franchissais le seuil de la salle de bain, à l'aller comme au retour. La hauteur moyenne des cadres de porte écuadoriens étant plus basse que la mienne, de hauteur.
Me reviennent aussi en souvenir mes impressions de cette époque. Ce que je ressentais à l'intérieur, mais aussi ce que je percevais des environs. Mes craintes. Mes attentes. J'étais encore dans mes premiers mois de traversée des Andes à vélo. J'y avais déjà fait d'autres voyages de quelques mois auparavant, mais ça n'avait rien à voir avec l'autonomie et la vulnérabilité du voyage à vélo. Et ce lieu, ici en Ecuador, m'apparaissait à l'image de mon état du moment : une espèce d'ombre entourait chacune des choses, chacun des gens. Aujourd'hui, repassant au même endroit après plus de 30 mois à pédaler le grand ailleurs, en excellente forme et accompagné, tout est tellement différent, lumineux, désencombré. Ça me parait être un lieu tout autre que celui triste et gris où j'étais malade. L'image qui m'en était restée était assez désolante, alors qu'aujourd'hui, c'est tout le contraire. Mais qu'en est-il alors réellement de l'endroit ? Voit-on vraiment un lieu pour ce qu'il est ? Ou l'extérieur n'est que le reflet de nos troubles intérieurs ?
En fait, revenir sur un lieu marquant des années plus tard attire l'attention sur les changements qui ont opéré en nous depuis. Les espaces nouveaux plaquent des repères sur la ligne du temps, et l'épaississent. On observe, compare et constate tout l'ampleur du faussé nous séparant de cette personne d'autrefois.
Il est plus difficile d'en faire le constat lorsqu'on demeure longtemps au même endroit: tout est si relié qu'on remarque moins. Tout semble durer, avoir sa place. On change, mais tout autour change aussi : la vision s'accommode. C'est comme de rouler en voiture au côté d'un train, les deux filant à la même vitesse : quand on regarde le train, on ne voit plus le mouvement. Ça donne l'impression que tout est solide, fixe. Rester au même endroit à faire les mêmes choses aplatit le temps. On regarde en arrière et chaque nouvelle année semble se poser de tout son poids sur les anciennes pour les écraser dans une sorte de pâte homogène. Le temps ayant toujours le même décor, on n'arrive plus trop à distinguer ce qui était de ce qui n'est plus. Tout a l'air d'avoir une unité. Et c'est un peu là que nait le sentiment de stabilité de l'individu. On en vient à croire que l'on est cette personne-là, figée, possédant cet ensemble bien précis de qualités et de défauts qui compose ce caractère-ci. Et l'environnement et les autres, qui sont toujours les mêmes et qui s'adaptent à nous, renvoient toujours la même image de nous, nous redonnent toujours la même réponse, amplifiant alors cette impression que l'on a d'être cette personne au contour défini, bien découpée, distinctement. Une loop infinie d'identité sécurisée et confortable.
Alors que c'est faux. Il suffit de modifier d'un coup l'environnement pour mesurer son influence absolue sur les tréfonds de l'individu.
Prenez n'importe quelle personne, sûre d'elle-même et de ses compétences, bien confiante en son potentiel d'action, connaissant bien ses forces et ses faiblesses. Sortez-la de son milieu où elle vit depuis des lunes et plantez-la seule ailleurs, à travers une culture étrangère, dans une langue incompréhensible, dépouillez-la de ses possessions, de ses beaux atours et de son argent. Vous assisterez bien assez vite à la dissolution de cette confiance, et même de cette personnalité qui semblait si fortement construite. Ce que l'on croit être, n'est bien souvent que le miroir donné par un environnement bien connu et bien maîtrisé. Pour bien illustrer le concept, glissez-vous un soir dans la chambre de Mario Pelchat, anesthésiez-le pendant son sommeil et transportez-le bien loin de son confort mielleux afin qu'il se réveille entouré de chants gutturaux dans la noirceur de la nuit amazonienne, en pleine cérémonie tribale. Vous observerez sûrement un changement drastique de sa personnalité, comme une décomposition de sa superbe. Si les alentours disparaissent, l'échaffaudage intérieur aussi risque de s'effondrer. Nous sommes tributaires de notre environnement.
Et cet environnement n'est perçu qu'à la lumière de ce que nous ressentons.
Alors s'il n'y a rien de fixe au-dedans, et que tout les environs fluctuent inlassablement, que reste-t-il donc de solide bonyeu de bonyenne ? Et bien rien ! Je viens de le dire ! Tout change ! Tout le temps ! Rien ne reste en la demeure. La réalité est insaisissable, suspendue quelque part entre les choses et les êtres, entre les êtres et les êtres, entre les choses et les choses, et elle ne cesse de se transformer sous l'effet du temps.
Se déplacer, changer de lieu, connaitre, découvrir, c'est arrêter de regarder le train pour se tourner vers ce paysage qui défile en toile de fond toujours changeante. C'est tenter de ralentir ce temps qui file en l'alourdissant d'espaces géographiques, et en se chargeant l'espace intérieur d'une multitude d'impressions toujours renouvelées.
C'est peindre la fresque des jours.
….
The spirit of the land
(Note: The church belongs to Colombia, on the border with Ecuador. Pascal's face belongs to the world of poseurs).
A traffic circle on the outskirts of Pifo, a rural suburb of Quito, topped by a shabby, unfinished hotel. I linger. My memories resurface. In 2018, I had rotted my flesh there for five days, sick as a dog, emptying my bowels on both sides, day and night. And knocking my head off every time I crossed the bathroom threshold, on the way in and out. The average height of Ecuadorian doorframes being lower than mine.
I also remember my impressions of that time. What I felt inside, but also what I perceived of the surroundings. My fears. My expectations. I was still in my first months of crossing the Andes by bike. I'd been traveling other times before, for months also, but it had nothing to do with the autonomy and vulnerability of bicycle travel. And this place, here in Ecuador, seemed to me to reflect my state of mind at the time: a kind of shadow surrounded every single thing, every single person. Today, returning to the same place after more than 30 months pedaling the great elsewhere, in excellent shape and accompanied, everything is so different, luminous, uncluttered. It feels like a completely different place from the sad, grey one where I was ill. The image I was left with was quite distressing, whereas today it's quite the opposite. But then what about the place itself? Do we really see a place for what it is? Or is the outside just a reflection of our inner turmoil?
In fact, revisiting a landmark years later draws attention to the changes that have taken place within us since then. New spaces place markers on the timeline, thickening it. We observe, compare and note the extent of the gap separating us from that person of yesteryear.
It's harder to realize this when you stay in one place for a long time: everything is so interconnected that you don't notice it as much. Everything seems to last, to have its place. You change, but everything around you changes too: your vision adapts. It's like riding in a car alongside a train, both moving at the same speed: when you look at the train, you no longer see the movement. It gives the impression that everything is solid, fixed. Staying in the same place doing the same things flattens time. You look back, and each new year seems to rest its full weight on the old ones, crushing them into a kind of homogeneous paste. Time always has the same decor, and you can't really distinguish what was from what is no longer. Everything seems to have a unity. And that's where the individual's sense of stability comes from. We come to believe that we are that person, fixed in place, possessing that very precise set of qualities and defects that make up this character. And the environment and others, who are always the same and adapt to us, always reflect the same image of us, always give us the same response, amplifying the impression we have of being that person with a well-defined, distinct outline. An infinite loop of secure, comfortable identity.
But it's not true. All it takes is a sudden change in the environment to measure its absolute influence on the depths of the individual.
Take any person, self-assured and competent, confident in their potential for action, knowing their strengths and weaknesses. Take them out of the environment they've been living in for ages and plant them somewhere else, in a foreign culture, in an incomprehensible language, stripped of their possessions, their finery and their money. Soon enough, you'll witness the dissolution of that confidence, and even of that personality that seemed so strongly built up. What we believe ourselves to be is often no more than the mirror held up by a well-known, well-controlled environment. To illustrate the concept, slip into Fifthy Cent's bedroom one night, anesthetize him while he sleeps and transport him far from his honeyed comfort to wake up surrounded by guttural chants in the dark of the Amazonian night, in the midst of a tribal ceremony. You're sure to observe a drastic change in his personality, like a decomposition of his magnificence. If the surroundings disappear, so does the inner scaffolding. What we are is dependent on our environment.
And that environment is only perceived in the light of what we feel.
So if there's nothing fixed inside, and everything around us is in constant flux, what's left of the solid for god's sake? Well, nothing! I just said it! Everything changes! All the time! Nothing stays the same. Reality is elusive, floating somewhere between things and beings, between beings and beings, between things and things, and it never stops changing under the effect of time.
To move around, to change places, to get to know, to discover, is to stop looking at the train and turn towards the landscape that unfolds as an ever-changing background. It's an attempt to slow down the passage of time, weighing it down with geographical spaces, and filling our inner space with a multitude of ever-renewed impressions.
It's painting the tapestry of days.