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Les chants du crépuscule.

La pauvre fleur disait au papillon céleste :

- Ne fuis pas !

Vois comme nos destins sont différents. Je reste,

Tu t'en vas !

 

Pourtant nous nous aimons, nous vivons sans les hommes

Et loin d'eux,

Et nous nous ressemblons, et l'on dit que nous sommes

Fleurs tous deux !

 

Mais, hélas ! l'air t'emporte et la terre m'enchaîne.

Sort cruel !

Je voudrais embaumer ton vol de mon haleine

Dans le ciel !

 

Mais non, tu vas trop loin ! - Parmi des fleurs sans nombre

Vous fuyez,

Et moi je reste seule à voir tourner mon ombre

À mes pieds.

 

Tu fuis, puis tu reviens ; puis tu t'en vas encore

Luire ailleurs.

Aussi me trouves-tu toujours à chaque aurore

Toute en pleurs !

 

Oh ! pour que notre amour coule des jours fidèles,

Ô mon roi,

Prends comme moi racine, ou donne-moi des ailes

Comme à toi !

 

Roses et papillons, la tombe nous rassemble

Tôt ou tard.

Pourquoi l'attendre, dis ? Veux-tu pas vivre ensemble

Quelque part ?

 

Quelque part dans les airs, si c'est là que se berce

Ton essor !

Aux champs, si c'est aux champs que ton calice verse

Son trésor !

 

Où tu voudras ! qu'importe ! oui, que tu sois haleine

Ou couleur,

Papillon rayonnant, corolle à demi pleine,

Aile ou fleur !

 

Vivre ensemble, d'abord ! c'est le bien nécessaire

Et réel !

Après on peut choisir au hasard, ou la terre

Ou le ciel !

 

— Victor Hugo,

Les chants du crépuscule

 

Un grand merci pour vos favoris, commentaires, encouragements et critiques toujours très appréciés.

 

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Uploaded on August 18, 2022