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umayyads arabs wariors

les Guerriers arabes du Califat Omeyyade

La dynastie Omeyyade est une grande dynastie islamique avec une histoire extrêmement riche et complexe. L’Imam al-Hafiz Ibn Kathir ad-Dimashqi dit à son sujet dans son livre renommé « al-Bidayah wal Nihayah » : « La lutte dans la voie d’Allah, le Très Haut, était la base de la fondation de cette dynastie. Les Omeyyades n’avaient nulle autre occupation en dehors de celui-ci. Ils ont propagé la parole de l’Islam de l’est à l’ouest, par terre et par mer. Ils ont rabaissé la mécréance et ses gens et, ils ont effrayés les polythéistes. Les Musulmans ne se sont pas dirigés vers un endroit sans le capturer et ils y avaient dans leurs armées des pieux (salihoun), des saints (awliyah) et des grands savants des Tabi’i[1]. Allah, Exalté et Loué soit-Il, nous donnait la victoire grâce à eux ». C’est ce qu’a rapporté le grand Imam Ibn Kathir.

 

 

De même, il y avait un très grand nombre de compagnons (sahaba) (qu’Allah soit satisfait d’eux) dans ces armées et nous en avons témoigné lors de la conquête du Maghreb ou pendant de longues années, ‘Abdallah Ibn ‘Omar et ‘Abdallah Ibn Zoubayr, (qu’Allah soit satisfait d’eux) étaient à la tête de ces armées. Aussi, en l’an 49 de l’Hégire (669), Khalid Ibn Zayd al-Khazraji et Abou Ayyoub al-Ansari (qu’Allah soit satisfait d’eux) se trouvaient dans une armée envoyé contre les Byzantins[2] par le calife, émir des croyants, Mou’awiyah Ibn Abi Soufyan commandé par son fils Yazid Ibn Mou’awiyah à l’époque de l’empereur Constantin III. Abou Ayyoub al-Ansari trouva le martyr près des murs de la forteresse de Constantinople où il fut enterré.

 

 

L’état (dawlah) des Omeyyades fut un très grand état islamique, qu’aucun autre état égala en superficie, tant dans le passé que de nos jours. Ce fut aussi le plus grand état de son époque et il atteignit, sous le dixième calife Omeyyade ‘Abdel Malik Ibn Marwan, décédé en l’an 125 de l’Hégire (742), une superficie maximale que nul autre calife, ni état après lui, n’allait pouvoir rivaliser. Mais cet état des Omeyyades n’eut jamais la même gloire que celui de l’état du Prophète (Salut et Bénédictions d’Allah sur lui) ni même celui des Califes Justes (qu’Allah soit satisfait d’eux) quand bien même leurs superficies étaient moindre. L’état des Omeyyades vient seulement en troisième position grâce à leur dévotion au combat dans la voie d’Allah (jihad), à la propagation de l’Islam et de la grâce d’Allah sur eux grâce aux pieux ancêtres (salaf salih) qui combattaient dans leurs rangs. Ces Musulmans ont bâti les fondations de l’Islam pour leurs successeurs et les gens qui allaient venir par la suite. Donc sans la grâce d’Allah Exalté puis de l’intense effort des Musulmans de l’époque, l’Islam ne se serait jamais implanté.

 

 

Il apparut, dans l’histoire islamique, un certain nombre de dynasties comme, par exemple, celle des Ottomans, dynastie islamique turque dont les premiers bénéficiaires furent les turques et puis aussi à un moindre degré le reste des états Musulmans. Il y eut aussi la dynastie kurde des Ayyoubi, à l’époque des croisades, dont profitèrent avant tout les Kurdes puis certains autres Musulmans en rapport direct avec les Ayyoubi. Puis il vint la dynastie berbère des Mourabitine au Maghreb et en Andalousie remplacée par celle des Mouwahhidine. Les premiers à en bénéficier furent bien évidemment les Berbères puis certains autres pays musulmans, comme nous l’avons vu, lors de leurs interventions en Andalousie.

 

Chaque nation musulmane qui devient un état, sert d’abord les intérêts de cette nation et ensuite le reste des Musulmans des autres nations. Nous remarquons néanmoins, qu’il y a une exception lorsqu’il s’agit des nations arabes comme ce fut le cas pour les ‘Abbassides ou bien l’état omeyyade institué en Andalousie par ‘AbderRahmane ad-Dakhil, ou toutes les nations eurent exactement la même opportunité que les Arabes. Il s’avéra donc que les nations arabes furent moins nationalistes que toutes les autres nations musulmanes qui se succédèrent puisque toutes les autres nations ont bénéficiés exactement des mêmes intérêts que les Arabes.

 

 

Nous allons voir, que l’état des Omeyyade fut un état musulman arabe.

 

Et c’est pourquoi, nous allons parler de la généalogie des tribus pour voir le grand rôle que les Arabes ont joué dans cette histoire et particulièrement les Omeyyades. Mais auparavant, nous allons citer deux Hadiths du dernier messager envoyé à l’humanité, le Prophète Muhammad (Saluts et bénédictions d’Allah sur lui).

 

Le premier rapporté par l’Imam Mouslim d’Abi Malik al-Ash’ari que le Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) a dit : « Quatre chose de l’époque préislamique ne seront pas abandonné par ma communauté : la fierté par la noblesse, la récusation des origines, la demande de la pluie auprès des astres et les femmes pleureuses qui se lamentent suite aux décès ». Et il (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) a dit : « Si elles ne se repentent pas avant de mourir, elles viendront le Jour du Qiyamah vêtues de vêtement en goudron et d’une cuirasse de gale » (« vêtue d’une robe en goudron » est une allusion au châtiment que le Seigneur lui infligera en lui assignant un vêtement de goudron parce qu’elle s’habillait toujours en noir, et « d’une cuirasse de gale » du fait que son corps sera soumis aux démangeaisons et à la gale, au point de devenir recouvert comme une cuirasse parce qu’elle blessait, par ses pleurs et ses propos ardents, les cœurs des affligés à la suite d’un décès. (« Mas'ala jahiliyyah » de l’Imam Muhammad ‘Abdel Wahhab)).

 

Le deuxième aussi rapporté par Mouslim dans son Sahih de Jabir Ibn ‘Abdillah (qu’Allah soit satisfait de lui) qui a dit : Nous étions avec le Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) lors d’une campagne lorsqu’un homme des Mouhajirine eut un différend avec un homme des Ansars (qui frappa soit de la main ou du pied son postérieur). L’Ansari dit : « A moi ô Ansars » et le Mouhajir dit : « A moi ô Mouhajirine ». Alors le Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) dit : « Quel est cet appel à la jahiliyyah[3] ? » Ils dirent : « O Messager d’Allah, un homme des Mouhajirine a bousculé un Ansar ». Il répondit : « Laissez tomber cela c’est une infamie ». ‘Abdallah Ibn Oubay entendit la réponse du Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) et dit : « Ils l’ont fait, je le jure. Si jamais nous revenons à Médine, les plus forts chasseront les plus faibles[4] ». ‘Omar dit : « Laisse-moi frapper le cou de cet hypocrite ». Le Prophète (Saluts et bénédictions d’Allah sur lui) dit : « Laisse-le. Je ne veux pas que les gens disent Muhammad tue ses compagnons ».

 

‘Abdallah Ibn Oubay était le chef des hypocrites de Médine, il était ‘Abdallah Ibn Oubay Ibn Malik Ibn al-Harith al-Khazraji des Bani ‘Awf Ibn Khazraj et il était aussi connut sous le nom de ‘Abdillah Ibn Saloul du fait de sa mère Saloul qui était de la tribu des Khouza’ah.

Le dernier fils de ʿAbd Al-Malik à devenir calife est Hišām, qui succède à Yazīd II en 724. Son assez long règne marque l'apogée militaire du Califat omeyyade. Après l'échec du siège de Constantinople en 7186, qui avait donné un coup d'arrêt à l'expansion omeyyade, Hišām reprend la guerre contre l'Empire byzantin en pénétrant en Anatolie. Après plusieurs victoires, l'avancée des armées omeyyades est freinée à la bataille d'Akroinon. Le règne de Hišām voit aussi les limites de l'expansion en Europe après la défaite omeyyade à la bataille de Poitiers en 732, face au Royaume franc et à l'Aquitaine7. Le Califat reste néanmoins maître de la péninsule Ibérique. Des révoltes majeures éclatent, notamment en Afrique du Nord (739), en Bactriane et en Transoxiane, qui restent difficiles à gouverner

L’Imam al-Hafiz Ibn Kathir ad-Dimashqi dit à son sujet dans son livre renommé « al-Bidayah wal Nihayah » : « La lutte dans la voie d’Allah, le Très Haut, était la base de la fondation de cette dynastie. Les Omeyyades n’avaient nulle autre occupation en dehors de celui-ci. Ils ont propagé la parole de l’Islam de l’est à l’ouest, par terre et par mer. Ils ont rabaissé la mécréance et ses gens et, ils ont effrayés les polythéistes. Les Musulmans ne se sont pas dirigés vers un endroit sans le capturer et ils y avaient dans leurs armées des pieux (salihoun), des saints (awliyah) et des grands savants des Tabi’i[1]. Allah, Exalté et Loué soit-Il, nous donnait la victoire grâce à eux ». C’est ce qu’a rapporté le grand Imam Ibn Kathir.

 

 

De même, il y avait un très grand nombre de compagnons (sahaba) (qu’Allah soit satisfait d’eux) dans ces armées et nous en avons témoigné lors de la conquête du Maghreb ou pendant de longues années, ‘Abdallah Ibn ‘Omar et ‘Abdallah Ibn Zoubayr, (qu’Allah soit satisfait d’eux) étaient à la tête de ces armées. Aussi, en l’an 49 de l’Hégire (669), Khalid Ibn Zayd al-Khazraji et Abou Ayyoub al-Ansari (qu’Allah soit satisfait d’eux) se trouvaient dans une armée envoyé contre les Byzantins[2] par le calife, émir des croyants, Mou’awiyah Ibn Abi Soufyan commandé par son fils Yazid Ibn Mou’awiyah à l’époque de l’empereur Constantin III. Abou Ayyoub al-Ansari trouva le martyr près des murs de la forteresse de Constantinople où il fut enterré.

 

 

L’état (dawlah) des Omeyyades fut un très grand état islamique, qu’aucun autre état égala en superficie, tant dans le passé que de nos jours. Ce fut aussi le plus grand état de son époque et il atteignit, sous le dixième calife Omeyyade ‘Abdel Malik Ibn Marwan, décédé en l’an 125 de l’Hégire (742), une superficie maximale que nul autre calife, ni état après lui, n’allait pouvoir rivaliser. Mais cet état des Omeyyades n’eut jamais la même gloire que celui de l’état du Prophète (Salut et Bénédictions d’Allah sur lui) ni même celui des Califes Justes (qu’Allah soit satisfait d’eux) quand bien même leurs superficies étaient moindre. L’état des Omeyyades vient seulement en troisième position grâce à leur dévotion au combat dans la voie d’Allah (jihad), à la propagation de l’Islam et de la grâce d’Allah sur eux grâce aux pieux ancêtres (salaf salih) qui combattaient dans leurs rangs. Ces Musulmans ont bâti les fondations de l’Islam pour leurs successeurs et les gens qui allaient venir par la suite. Donc sans la grâce d’Allah Exalté puis de l’intense effort des Musulmans de l’époque, l’Islam ne se serait jamais implanté.

 

 

Il apparut, dans l’histoire islamique, un certain nombre de dynasties comme, par exemple, celle des Ottomans, dynastie islamique turque dont les premiers bénéficiaires furent les turques et puis aussi à un moindre degré le reste des états Musulmans. Il y eut aussi la dynastie kurde des Ayyoubi, à l’époque des croisades, dont profitèrent avant tout les Kurdes puis certains autres Musulmans en rapport direct avec les Ayyoubi. Puis il vint la dynastie berbère des Mourabitine au Maghreb et en Andalousie remplacée par celle des Mouwahhidine. Les premiers à en bénéficier furent bien évidemment les Berbères puis certains autres pays musulmans, comme nous l’avons vu, lors de leurs interventions en Andalousie.

 

Chaque nation musulmane qui devient un état, sert d’abord les intérêts de cette nation et ensuite le reste des Musulmans des autres nations. Nous remarquons néanmoins, qu’il y a une exception lorsqu’il s’agit des nations arabes comme ce fut le cas pour les ‘Abbassides ou bien l’état omeyyade institué en Andalousie par ‘AbderRahmane ad-Dakhil, ou toutes les nations eurent exactement la même opportunité que les Arabes. Il s’avéra donc que les nations arabes furent moins nationalistes que toutes les autres nations musulmanes qui se succédèrent puisque toutes les autres nations ont bénéficiés exactement des mêmes intérêts que les Arabes.

 

 

Nous allons voir, que l’état des Omeyyade fut un état musulman arabe.

 

Et c’est pourquoi, nous allons parler de la généalogie des tribus pour voir le grand rôle que les Arabes ont joué dans cette histoire et particulièrement les Omeyyades. Mais auparavant, nous allons citer deux Hadiths du dernier messager envoyé à l’humanité, le Prophète Muhammad (Saluts et bénédictions d’Allah sur lui).

 

Le premier rapporté par l’Imam Mouslim d’Abi Malik al-Ash’ari que le Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) a dit : « Quatre chose de l’époque préislamique ne seront pas abandonné par ma communauté : la fierté par la noblesse, la récusation des origines, la demande de la pluie auprès des astres et les femmes pleureuses qui se lamentent suite aux décès ». Et il (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) a dit : « Si elles ne se repentent pas avant de mourir, elles viendront le Jour du Qiyamah vêtues de vêtement en goudron et d’une cuirasse de gale » (« vêtue d’une robe en goudron » est une allusion au châtiment que le Seigneur lui infligera en lui assignant un vêtement de goudron parce qu’elle s’habillait toujours en noir, et « d’une cuirasse de gale » du fait que son corps sera soumis aux démangeaisons et à la gale, au point de devenir recouvert comme une cuirasse parce qu’elle blessait, par ses pleurs et ses propos ardents, les cœurs des affligés à la suite d’un décès. (« Mas'ala jahiliyyah » de l’Imam Muhammad ‘Abdel Wahhab)).

 

Le deuxième aussi rapporté par Mouslim dans son Sahih de Jabir Ibn ‘Abdillah (qu’Allah soit satisfait de lui) qui a dit : Nous étions avec le Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) lors d’une campagne lorsqu’un homme des Mouhajirine eut un différend avec un homme des Ansars (qui frappa soit de la main ou du pied son postérieur). L’Ansari dit : « A moi ô Ansars » et le Mouhajir dit : « A moi ô Mouhajirine ». Alors le Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) dit : « Quel est cet appel à la jahiliyyah[3] ? » Ils dirent : « O Messager d’Allah, un homme des Mouhajirine a bousculé un Ansar ». Il répondit : « Laissez tomber cela c’est une infamie ». ‘Abdallah Ibn Oubay entendit la réponse du Prophète (Saluts et Bénédictions d’Allah sur lui) et dit : « Ils l’ont fait, je le jure. Si jamais nous revenons à Médine, les plus forts chasseront les plus faibles[4] ». ‘Omar dit : « Laisse-moi frapper le cou de cet hypocrite ». Le Prophète (Saluts et bénédictions d’Allah sur lui) dit : « Laisse-le. Je ne veux pas que les gens disent Muhammad tue ses compagnons ».

 

‘Abdallah Ibn Oubay était le chef des hypocrites de Médine, il était ‘Abdallah Ibn Oubay Ibn Malik Ibn al-Harith al-Khazraji des Bani ‘Awf Ibn Khazraj et il était aussi connut sous le nom de ‘Abdillah Ibn Saloul du fait de sa mère Saloul qui était de la tribu des Khouza’ah.

 

Quant à Mouâwiya, il était intelligent en ce qui touche la vie de ce monde, sensé, instruit, doux ; il se montra un roi puissant, un politique habile, un excellent administrateur des affaires temporelles, un prince intelligent, sage, s'exprimant bien, éloquent. Il était doux à l'heure de la douceur, énergique à l'heure de l'énergie ; seulement la douceur l'emportait chez lui. Généreux, prodigue de son bien, amoureux et épris du pouvoir, il comblait de ses bienfaits les plus nobles de ses sujets : c'est ainsi que les plus illustres Qoraichites, tels qu'Abd-Allah, fils d' Abbas ; 'Abd-Allah, fils de Zoubair ; Abd-Allah, fils de Djafar Tayyâr ; 'Abd-Allah, fils d'Omar ; Abd er-Rahman, fils d'Abou Bakr ; Abân,[8] fils d'Othman, fils d'Affân, et plusieurs descendants[9] d'Abou Thâlib ne cessaient pas de venir le trouver à Damas. Il leur offrait alors des habitations splendides, [10] des repas magnifiques, la satisfaction de tous leurs désirs. Quant à eux, ils ne cessaient pas pour cela de lui parler durement, de lui jeter à la face les plus grossières injures, tandis que tantôt il plaisantait avec eux, tantôt il faisait semblant de ne pas les entendre ; et il ne faisait que renouveler à leur égard ses hautes faveurs et ses riches présents. Il dit un jour à Qais,[11] fils de Sa'd, fils d’Oubâda, l'un des Ansâr : « O Qais, par Allah ! je souhaitais que de ton vivant fussent terminées les guerres qui ont eu lieu entre moi et 'Ali. » Qais répondit : « Par Allah ! il me répugnait de voir ces guerres se terminer, et toi devenir Emir des Croyants. » Mouâwiya se tut. Et encore cela compte parmi les plus douces paroles qu'ils lui adressaient. Mouâwiya adressa à l'un des Ansârs 500 dinars. Celui-ci trouva que c'était bien peu et dit à son fils : « Prends-les, va chez Mouâwiya, jette-les lui à la face et refuse-les lui. » Le père adjura son fils d'agir ainsi. Le fils se rendit chez Mouâwiya, porteur de la somme, et dit : « Émir des Croyants, mon père a de la vivacité et de la précipitation ; il m'a donné tel et tel ordre et m’a adjuré de l'exécuter. Or, je ne peux pas lui désobéir, » Mouâwiya mit sa main sur son visage et dit : « Fais ce que ton père ta ordonné, et ménage ton oncle paternel.[12] » Le jeune homme rougit et jeta l'argent. Mouâwiya le doubla et le fit porter à l'Ansârite. Le fils de Mouâwiya, Yazid, en apprenant cela, entra tout irrité chez son père et dit : « Tu as exagéré la douceur, et je crains que cela ne soit compté comme de la faiblesse et de la lâcheté. « Mouâwiya reprit : « Mon cher enfant, jamais la douceur n'amène ni le repentir ni la honte. Vas-t'en et laisse-moi agir à ma guise. »

 

Et c'est grâce à une telle conduite que Mouâwiya devint le khalife du monde, et que, parmi les fils des compagnons de l'Hégire et des Ansârs, il obtint la soumission de tous ceux qui étaient cependant convaincus d'avoir plus de titres que lui au khalifat. Or, Mouâwiya était un des plus habiles entre les habiles.

 

On rapporte qu’Omar, fils d'al-Khattâb, dit à ses familiers : « Vous rappelez Chosroès et César et leur habileté à tous deux, quand Mouâwiya est l'un des vôtres. »

 

L'une des habiletés de Mouâwiya consista à gagner 'Amr, fils d’'al-'As, un habile s'il en fut. Au début de la guerre civile qui se poursuivit entre l'Émir des Croyants et Mouâwiya, 'Amr s'était tenu à l'écart des deux partis.

 

Mouâwiya résolut de le gagner et de s'appuyer sur ses avis, son habileté et sa ruse. Il chercha donc à se l'attacher, lia amitié avec lui, et le préposa au gouvernement de l'Egypte. Il entra avec lui dans les combinaisons que tout le monde connaît, et fit d'accord avec lui à Siffîn les actes que l'on sait. Et pourtant, jamais il n'y eut entre eux une affection de cœur ; bien au contraire, ils se détestaient secrètement. Et parfois, ces sentiments se manifestèrent, ou sur les traits de leurs visages, ou dans les incartades de leurs langages. A Siffîn, l'Emir des Croyants 'Ali demanda à Mouâwiya de se mesurer avec lui dans un combat singulier. 'Amr, fils d’'al-'As, dit à Mouâwiya : « Ali t'a traité avec équité, et il ne te convient pas de reculer devant un combat singulier avec lui. » Mouâwiya répondit : « Tu me trompes, et tu aimerais me voir mourir. Ne sais-tu pas qu'avec le fils d'Abou Thâlib personne ne se mesure sans être tué par lui ? »

 

Mouâwiya dit un jour à ses compagnons : « Qu’y a-t-il au monde de plus étonnant ? — Ce sont, dit Yazid, [13] ces nuages qui demeurent en équilibre entre le ciel et la terre, sans être étayés par rien au-dessous d'eux, ni suspendus[14] à rien au-dessus. — C'est, dit un deuxième, un bonheur qui échait à l'ignorant, et un échec qui atteint l'intelligent. — C'est, dit un autre, une chose quelconque telle qu'on n'en a jamais vu de pareille. » 'Amr, fils d’'al-'As, dit à son tour : « Ce qu'il y a au monde de plus étonnant, c'est que le fourbe l'emporte sur l'homme véridique. » Il faisait ainsi allusion à 'Ali et Mouâwiya. Celui-ci dit alors : « Non, ce qu'il y a au monde de plus étonnant, c'est qu'un homme soit gratifié de ce qu'il ne mérite pas, alors qu'il n'inspire aucune crainte. » Il faisait allusion à 'Amr et au gouvernement de l'Egypte (qu'il lui avait confié). Et chacun d'eux crachait ainsi à l'autre ce qu'il avait sur le cœur.

 

Et sache que Mouâwiya fut un organisateur d'empires, un habile gouverneur de peuples et un grand administrateur de royaumes. Il inaugura bien des choses, dans lesquelles nul ne l'a devancé. C'est ainsi qu'il fut le premier à établir une escorte pour les rois, à faire lever les lances devant eux, et à réserver dans la mosquée une chambre grillagée[15] où priait le roi ou le khalife, dans la mosquée, isolé des autres fidèles. Et cela, parce que Mouâwiya s'effrayait de ce qui était arrivé à l'Emir des Croyants 'Ali ; aussi faisait-il la prière, seul, dans une loge grillagée. Lorsqu'il se prosternait, les gardes du corps faisaient à sa tête un rempart de leurs épées.

 

Il fut aussi le premier à établir la poste (barîd) pour hâter l'arrivée des nouvelles.

 

Voici en quoi consistait la poste. Des chevaux bien dressés étaient répartis dans un certain nombre d'endraits. Le porteur de la nouvelle pressante était-il parvenu à l'une de ces stations sur son cheval fatigué, il montait sur un autre cheval reposé, et ainsi de suite à chaque relai, jusqu'à arriver à destination avec rapidité. Quant au mot barîd (poste), il signifie dans la langue : 12 milles, et je pense qu'il représente la plus grande distance que Ton ait fixée entre deux relais. Et le sahib (ministre) 'Alâ ad-Dîn 'Atâ Malik a dit, dans son livre intitulé le Conquérant du monde (Djihan Kouchay) : « Et entre autres choses, ils ont établi partout la poste dans un double but : la conservation de la loi, une publique et la transmission rapide des nouvelles et de la succession continue des événements. » Et je ne vois, pour ma part, d'autre utilité à la poste, si ce n'est la transmission rapide des dépêches. Quant à la conservation de la fortune, par quels liens peut-elle y être rattachée[16] ?

 

Parmi les innovations de Mouâwiya dans l'administration, je citerai le bureau du sceau (Diwan al-khâtan). C'est un bureau qui prit une très grande importance entre tous, et qui ne cessa pas d'être maintenu jusqu'au milieu de la dynastie 'abbâside. Puis il fut supprimé. Il occupait un certain nombre de fonctionnaires ; toute pièce portant le chiffre du khalife et contenant un ordre quelconque devait y être produite pour être transcrite sur les registres de ce bureau ; on faisait passer ensuite le document à travers un fil, et on le scellait avec de la cire, comme c'est aujourd'hui l'usage pour les écrits des qâdîs ; enfin, le chef de ce bureau y apposait son sceau. Ce qui avait porté Mouâwiya à créer ce bureau, c'est qu'il avait délégué sur Ziyâd ibn Abîhi (fils de son père), gouverneur de l'Iraq, le paiement de 100.000 dirhems. Le porteur[17] du mandat le lut. Or, à cette époque, les rescrits des khalifes étaient remis sans être scellés. L'homme mit « deux cents » au lieu de cent. Lorsque Ziyâd présenta sa comptabilité à Mouâwiya, celui-ci réclama et dit : « Je ne lui ai donné qu'un mandat de 100.000 », et il lui fit rembourser la somme, [18] et créa le bureau du sceau. Dès lors, les rescrits émanant du khalife circulaient revêtus du sceau, sans que personne put en connaître ni en altérer le contenu.[19]

 

Mouâwiya n'avait qu'une ambition, celle de bien administrer les choses temporelles ; tout lui était égal, du moment que l'ordre régnait dans les affaires du royaume. Regarde le portrait qu'a tracé de lui 'Abd al-Malik, fils de Marvân : ce sont précisément ces qualités qu'il a estimées en lui. Un jour, dit-on, 'Abd al-Malik, fils de Marvân, passa devant le tombeau de Mouâwiya et dit : « Dieu ait pitié de lui ! » Quelqu'un demanda au khalife : « De qui est-ce là le tombeau, ô Emir des Croyants ? — C'est, par Allah ! répondit-il. le tombeau d'un homme qui, d'après ce que j'ai appris, parlait par science et se taisait par bonté ; lorsqu'il donnait, il enrichissait ; lorsqu'il combattait, il anéantissait.[20] »

 

'Abd-Allah, fils d’'Abbâs, un critique sévère, dit de Mouâwiya : « Je n'ai jamais vu prince ni roi ayant plus d'aptitudes à ces dignités que Mouâwiya. »

 

Un des Omeyyades dit à Mouâwiya : « Par Allah ! si tu avais pu trouver une aide même dans les Zandjs, certes tu n'aurais pas manqué de t'en servir pourvu que cela t'assure l'ordre dans le royaume. »

 

Mouâwiya était insatiable de nourriture, et s'en montrait avare, malgré la noblesse et la générosité de son caractère. Cela allait si loin qu'il faisait, dit-on, chaque jour cinq repas, dont le dernier était le plus copieux. Puis il disait : « Serviteur, emporte. Par Allah ! je ne suis pas rassasié, mais je suis fatigué de manger. »

 

On raconte qu'on lui avait préparé un veau rôti. Il mangea, de plus, un panier de pain blanc, quatre gâteaux cuits au four, un chevreau chaud, un second froid, et d'autres plats encore ; et il fit placer devant lui 100 livres de fèves vertes. Il vint à bout de tout cela !

 

Ce qui prouve encore son avarice en ce qui touche la nourriture, c'est qu'Ibn Abou Bakra, [21] accompagné de son fils, entra un jour chez Mouâwiya. Le jeune homme se mit à manger sans mesure, tandis que Mouâwiya le regardait de côté. Ibn Abou Bakra s'aperçut de la colère de Mouâwiya et voulut gronder son fils de tant manger ; mais il n'en trouva pas l'occasion. Tous deux quittèrent Mouâwiya ; le lendemain matin, le père se présente seul chez le khalife, qui lui dit : « Comment va ton fils ? — Il a eu une indigestion. Émir des Croyants, répondit-il. — Je savais bien, dit Mouâwiya, que cette mangeaille ne manquerait pas de le rendre malade.[22] »

 

C'est ici qu'il convient de placer une jolie anecdote, où l'on verra de la noblesse, du caractère et des qualités éminentes. Un certain vizir était épris de la bonne chère, et aimait quiconque mangeait avec lui. Faisait-on honneur à sa table, on était plus sur de gagner son cœur. Il arriva qu'un jour ce vizir, voulant tourmenter un des plus grands seigneurs parmi les descendants d’Ali, lui présenta le compte total de ce qu'il devait pour l'impôt foncier, pour des revenus publics dont il était fermier et autres arriérés, et lui en réclama le montant, puis le fit garder à vue dans sa propre maison, je veux dire la maison même du vizir. Or, un jour, quand on venait de servir un repas solennel[23] devant le vizir, l’Alide dit à ses gardiens : « J'ai faim ; me permettez-vous d'aller dans votre société jusqu'à la nappe de cuir ? Je mangerai et je reviendrai ici. » Or, l'Alide avait bien compris le caractère du vizir. On n'osa pas lui refuser et on l'autorisa à faire ce qu'il avait demandé. Il alla s'asseoir tout à fait à l'extrémité de la nappe et se mit à dévorer avec avidité. Le vizir le regarda de côté tandis qu'il était tout absorbé à manger ; il le fit alors approcher, le fit monter à la place d'honneur de la salle et lui offrit les mets les plus exquis du repas. Et plus le convive mettait d'ardeur à manger, plus le vizir se déridait et s'épanouissait. Lorsqu'on eut desservi la nappe, le vizir demanda un brasero allumé, fit apporter le compte qui avait été réclamé au débiteur, puis il dit : « Seigneur (Sayyid[24]), Allah, t'a soulagé de cette dette, et tu en es quitte. Et par Allah, je le jure, par ton aïeul[25] je ne possède pas d'autre exemplaire de ce compte, ni chez moi, ni dans mes bureaux. » Puis il jeta dans le brasero le compte qui fut consumé par les flammes. Le vizir mit ensuite l'Alide en liberté et lui permit de retourner dans sa maison.

 

Et peu d'événements pesèrent autant sur les hommes en général et sur les Omeyyades en particulier que l'affaire de la légitimation : Mouâwiya reconnut Ziyâd[26] ibn Abihi (le fils de son père) comme son frère véritable, afin de pouvoir augmenter sa puissance par son concours et de pouvoir s'appuyer sur son jugement et sa finesse.

 

Voici quelques renseignements sommaires sur ce qui se passa lors de la légitimation.

 

Soumayya, [27] la mère de Ziyâd, était une femme de mauvaise vie, parmi les Arabes. Elle était mariée avec un nommé 'Obeïd.[28] Il arriva qu'Abou Soufyân, le père de Mouâwiya, descendît chez un cabaretier qu'on appelait Abou Maryam. Abou Soufyân lui demanda une fille de joie. « Soumayya te conviendrait-elle ? » répondit Abou Maryam. Or, Abou Soufyân la connaissait. « Amène-la-moi, dit-il, malgré la longueur de ses mamelles et la puanteur de son ventre » (et le mot « dzafar » signifie puanteur, air empesté). Le cabaretier amena la fille, Abou Soufyân eut commerce avec elle, et de son fait elle conçut Ziyâd, puis le mit au monde dans le lit d'Obeïd son mari. Ziyâd grandit, reçut de l'instruction, se distingua, et occupa diverses fonctions. 'Omar, fils d'al-Khattâb, le mit à la tête d'une préfecture, qu'il administra fort bien. Un jour, il assista au conseil que tenait 'Omar, conseil où se trouvaient les plus illustres parmi les Compagnons du Prophète ; Abou Soufyân était parmi les assistants. Ziyâd prononça une allocution d'une éloquence inouïe. 'Amr, fils d’'Al-'As, dit : « Comme Allah a doué ce jeune homme ! Si son père était un Qoraichite, il mènerait les Arabes sous sa férule. » Abou Soufyân prit la parole : « Par Allah, dit-il, je connais son père, celui qui l'a engendrée.[29] » Il faisait allusion à lui-même. L'Emir des Croyants 'Ali l'arrêta : « Tais-toi, fit-il, ô Abou Soufyân ; car tu sais bien qu'Omar, s'il t'entendait parler ainsi, sévirait promptement contre toi. « Lorsque 'Ali devint khalife, il nomma Ziyâd préfet de la Perse, où celui-ci maintint l'ordre, mit les forteresses en état de défense, et se distingua par une sage administration. La renommée de ses capacités se répandit, et la nouvelle en parvint à Mouâwiya, qui regretta de voir un tel homme parmi les partisans d'Ali, et désira se l'attacher. Mouâwiya écrivit donc à Ziyâd une lettre comminatoire, dans laquelle il faisait allusion à sa filiation avec Abou Soufyân, et lui disait qu'il était son frère. Ziyâd n'en tint pas compte. L'Emir des Croyants Ali en eut connaissance et écrivit à Ziyâd : « Je t'ai confié la charge dont tu es investi, et je vois que tu en es digne. Abou Soufyân s'est laissé entraîner à un écart de langage par un désir de vanité et de mensonge auquel l'homme est porté ; mais il n'y a rien là qui constitue pour toi droit à son héritage, ni qui l'autorise à te mettre au nombre de ses descendants. Et certes, Mouâwiya cherche à circonvenir l'homme dont il a besoin en se présentant devant lui et derrière lui, à sa droite et à sa gauche. Tiens-toi sur tes gardes ! et encore tiens-toi sur tes gardes. Salut[30] ! »

 

Lorsqu’'Ali eut été tué, Mouâwiya fit des efforts pour gagner l'affection de Ziyâd, pour se le concilier et pour l'encourager à s'engager dans son parti. La question de la paternité d'Abou Soufyân fut soulevée entre eux, et ils tombèrent d'accord que la légitimation aurait lieu. Des témoins se présentèrent au conseil de Mouâwiya et témoignèrent que Ziyâd était le fils d'Abou Soufyân. Un de ces témoins était Abou Maryam le cabaretier, celui-là même qui avait amené Soumayya à Abou Soufyân. Depuis, il s'était fait Musulman, et son islamisme était sincère. Mouâwiya lui dit : « Quel témoignage apportes-tu, ô Abou Maryam. — J'atteste, répondit-il, qu'Abou Soufyân est venu chez moi, m'a demandé une fille de joie. « Je n'en ai pas d'autre que Soumayya, lui ai-je dit, et il a répondu : « Amène-la-moi, malgré sa malpropreté et son « odeur acre. » Je la lui amenai ; il resta seul avec elle. Lorsqu'elle le quitta, elle portait la trace irrécusable de leurs rapports.[31] — Halte-là, ô Abou Maryam, dit Ziyâd, tu n'as été appelé que comme témoin et non comme insulteur. »

 

Mouâwiya reconnut alors la légitimité de Ziyâd. On prétend que cette reconnaissance fut la première violation publique des préceptes de la loi musulmane ; car l'Apôtre d'Allah avait décidé que l'enfant appartient au lit conjugal, [32] tandis qu'à l'adultère on réserve les pierres.[33]

 

Ceux qui ont excusé Mouâwiya, ont dit « : Si Mouâwiya a le droit de reconnaître la légitimité de Ziyâd, c'est parce qu'à l'époque du paganisme les unions contractées par les Arabes étaient de divers genres.[34] Ainsi, une femme de mauvaise vie avait-elle plusieurs amants, et mettait-elle au monde un enfant, elle pouvait en attribuer la paternité à qui elle voulait d'entre eux ; sa déclaration, à ce sujet, était décisive.[35] Lorsque vint l'Islâm, il interdit cette union irrégulière et maintint pour chaque enfant sa filiation par rapport au père, quelle que soit l'union dont l’enfant provenait, et l’islâm ne fit aucune distinction à cet égard. »

 

D'autres dirent : « Vous avez raison ; mais quant à Mouâwiya, il s'est imaginé que cela pouvait se passer ainsi^ et il n'a pas fait la distinction entre la reconnaissance au temps du paganisme et au temps de l'islamisme. Or, Ziyâd n'était pas connu pendant le paganisme comme étant le fils d'Abou Soufyân ; il n'était alors considéré que comme fils d’Obeïd, et on l'appelait « Ziyâd, fils d’Obeïd. » Or il y a une différence entre les deux cas.

 

Le poète[36] a dit, faisant allusion à cette affaire :

 

Va, annonce à Mouâwiya, fils de Harb, une nouvelle transmise de la part du Yéménite.

 

Comment, tu t'indignes qu'on traite ton père d'homme chaste et tu consens qu'on l'appelle débauché !

 

Je le jure, la parenté avec Ziyâd est aussi établie que la parenté de l'éléphant avec le fils de l'ânesse.

 

Le mot arabe rihm, dans ce vers, signifie : parenté.

 

Puis, Ziyâd devint l'un des hommes et des soutiens de Mouâwiya. Celui-ci le nomma gouverneur de Basra, du Khorasan, du Sedjestan ; il lui annexa l'Inde, le Bahreïn, Oman et, finalement, Koûfa. Ziyâd écrivit sur ses lettres : « De la part de Ziyâd, fils d'Abou Soufyân. » Auparavant on l’appelait tantôt « Ziyâd, fils d’Obeïd », tantôt « Ziyâd, fils de Soumavya ». Et ceux qui voulaient rester dans les limites du vrai disaient : « Ziyâd, fils de son père ». Ziyâd fut des hommes les plus habiles : excellent administrateur, il savait inspirer la crainte et le respect. Son esprit juste allait droit au but ; il était énergique, sagace, éloquent.

 

La mort de Mouâwiya eut lieu en l’an 60 (= 680 de J.-C.) de l'Hégire. Lorsqu'il fut à ses derniers moments, il adressa à son fils Yazid des instructions qui témoignent de son intelligence, de son esprit, de son expérience des choses et de sa connaissance des hommes. Yazid ne s'y conforma en rien ; je les ai notées ici, en raison de leur beauté et de leur justesse.

 

On raconte que Mouâwiya, dès qu'il fut atteint par la maladie dont il mourut, fit appeler son fils Yazid et lui dit : « mon cher enfant, je t'ai épargné toutes les fatigues des expéditions et des voyages, je t'ai aplani les affaires, j'ai abaissé tes ennemis, j'ai fait baisser la tête devant toi aux Arabes, et j'ai réuni sous ta domination un empire tel que personne n'en avait jamais réuni. Veille sur les hommes du Hedjaz : c'est ta race ; honore ceux d'entre eux qui viendront te trouver ; fais du bien à ceux qui seront restés loin de toi. Veille sur les hommes de l'Iraq, et s'ils te demandent la destitution d'un préfet par jour, fais-le, car destituer un préfet est plus aisé que de voir dégainer cent épées. Veille sur les hommes de la Syrie, et qu'ils soient dans ton intimité ; si quelque ennemi te donne de l'inquiétude, prends-les pour défenseurs, puis, après la victoire, renvoie les Syriens dans leurs contrées ; car en y restant, leur caractère s'améliore.[37] Et je ne crains pour toi de compétition au sujet de cet empire que de la part de quatre Qoraichites : Hosain, fils d’Ali ; 'Abd-Allah, fils d’Omar ; 'Abd-Allah, fils de Zoubair ; 'Abd er-Rahman, fils d'Abou Bakr. Pour ce qui est du fils d’Omar, c'est un homme à qui la piété et l'adoration ont enlevé toute énergie ; lorsqu'il ne restera plus que lui, il acceptera ton autorité. Quant à Hosain, fils d’Ali, c'est un homme léger, et le peuple de l'Iraq ne le laissera pas tranquille qu'il ne l'ait poussé à la révolte. Lorsque Hosain se sera révolté et que tu auras triomphé de lui, accorde-lui son pardon, car c'est un proche parent, ses droits sont importants et il est de la famille de Mahomet. Quant au fils d'Abou Bakr, s'il voit ses compagnons agir d'une manière, il les imitera ; il n'a de pensée que pour les femmes et pour les amusements. Enfin, il y en a un qui restera accroupi en face de toi comme le lion et qui te traitera avec astuce comme le renard : s'il rencontre quelque occasion propice, il ne fera qu'un saut : C'est Ibn Zoubair. S'il fond sur toi et que tu parviennes à le vaincre, coupe-le en mille morceaux ! et épargne autant que possible le sang de tes sujets. »

 

Et ces instructions sont une preuve en faveur de ce qui a été dit précédemment de son zèle ardent pour l'administration du royaume et de sa grande passion pour la souveraineté.

 

II. — YAZID Ier (60/680 — 6/1/683).

Puis, après Mouâwiya, régna son fils Yazid. Il fut un prince très passionné pour les divertissements, la chasse, le vin, les femmes et la poésie. A l'élégance du langage il joignait la noblesse du caractère ; c'était un poète remarquable. On a dit : « La poésie fut inaugurée par un roi et terminée par un roi. » On faisait allusion à Imru’al-Qays et à Yazid. Voici un échantillon de ses vers :

 

Elle est venue avec un visage dont l’éclat de la pleine lune ne serait que le voile, et qui repose sur un corps bien proportionné, au balancement flexible comme celui d'un tendre rameau.

 

De lune de ses deux mains, elle me verse un vin rayonnant comme sa joue, que la rougeur de la confusion aurait empourprée.

 

Puis elle prend la parole et dit, en sachant ce qu'elle voulait dire, et alors que pour nous le soleil du vin n'avait point baissé :

 

« Ne pars pas. car je n'ai plus la force de faire des adieux à l'être cher qui part.

 

« Plus de sommeil pour accueillir son image dans mes rêves, plus de larmes pour pleurer sur les vestiges de notre habitation commune. »

 

D'après la plus exacte des deux versions, Yazid régna trois ans et demi. Dans la première année, il tua Hosain, fils d’Ali, sur eux soit le salut ! Dans la deuxième, il pilla Médine et la livra au sac pendant trois jours ; dans la troisième, il fit une incursion militaire à la Ka'abah. Commençons par exposer les circonstances du meurtre de Hosain.

 

MEURTRE DE HOSAIN

 

Je me contenterai d'en donner une relation abrégée ; je n'aime pas m'étendre sur un fait que je considère comme si grave et si honteux, car il n'y a jamais rien eu de plus profondément détestable dans l'histoire de l’islâm. Et, par ma vie ! le meurtre de l’Émir des Croyants 'Ali fut certes la plus grande de toutes les calamités.[38] Mais ici, que d'horribles massacres, que de prisonniers, que de mutilations ! La peau frissonne au souvenir de ces horreurs. J'ai pu également me dispenser d'un long récit pour des faits tellement connus, car c'est la plus notoire des catastrophes. Puisse Allah maudire tous ceux qui y ont pris part, qui l'ont ordonnée, qui en ont éprouvé quelque satisfaction ! Puisse Allah n'accueillir de leur part ni revirement, ni compensation ! puisse-t-il les ranger au nombre des hommes les plus frustrés dans leurs œuvres, dont l'effort dans la vie de ce monde aura été en pure perte, tandis qu'ils croyaient bien faire[39] ! »

 

Voici, en résumé, ce qui se passa : Yazid (qu'Allah le maudisse !) dès qu'il fut proclamé khalife, n'eut d'autre préoccupation que d'obtenir la soumission de Hosain et des quelques personnages contre lesquels son père l'avait mis en garde. Il envoya un message à Walid, [40] fils d’Otba, fils d'Abou Soufyân, alors émir de Médine. Celui-ci devait recevoir de ces hommes le serment de fidélité au khalife. L'émir les convoqua. Hosain (qu'il soit en paix !) se présenta devant lui. L'émir lui apprit la mort de Mouâwiya et l'invita à la soumission. « Mes pareils, lui répondit Hosain, ne prêtent point hommage en secret : c'est dans une assemblée du peuple que nous examinerons et que tu examineras la situation. » Puis Hosain sortit de chez l'émir, réunit ses compagnons et sortit de Médine pour se rendre à La Mecque. Il se refusait à reconnaître Yazid, et il lui répugnait d'être compris dans la masse de ses sujets. Lorsqu'il se fut installé à La Mecque, les gens de Koûfa apprirent qu'il se refusait à reconnaître Yazid ; or, ceux-ci détestaient les Omeyyades, et surtout Yazid, à cause des hontes de sa vie, de son étalage d'impiété, de sa frivolité encline aux turpitudes. Ils envoyèrent donc des messagers à Hosain et lui adressèrent plusieurs missives, l'invitant à se rendre à Koûfa, et lui offrant leur concours contre les Omeyyades. Ils se réunirent, s'y engagèrent entre eux par serment, et ne discontinuèrent point de lui écrire dans ce sens. Hosain leur envoya le fils de son oncle paternel, Mouslim, [41] fils d'Aqîl, fils d'Abou Thâlib. A peine était-il arrivé à Koûfa que la nouvelle en était parvenue à 'Obeïd Allah, [42] fils de Ziyâd [qu'Allah le maudisse et lui fasse habiter la demeure de l'abaissement !).[43] Or, Yazid l'avait nommé gouverneur de Koûfa à la première nouvelle des messages que les habitants de cette ville avaient adressés à Hosain. Mouslim s'était réfugié dans la maison d'un certain Hani, [44] fils d’Ourwa, un des plus nobles Koûfiens. 'Obeïd Allah, fils de Ziyâd, fit appeler celui-ci et lui ordonna de livrer Mouslim. Hani' refusa. 'Obeïd Allah le frappa au visage avec sa baguette et le défigura. Puis fut introduit Mouslim, fils d'Aqîl (qu'Allah leur soit favorable à tous deux !). On lui trancha la tête sur la plateforme du château ; sa tête tomba d'en haut et bientôt son cadavre alla rejoindre sa tête.

 

Quant à Hani', il fut amené sur la place du Marché et on lui trancha la tête. C'est à ce sujet que Farazdaq[45] dit :

 

Si tu es une femme qui ignore ce qu'est la mort, regarde Hani' au milieu du marché, regarde le fils d’Aqîl !

 

Le premier est un héros que l'épée a défiguré, l'autre une victime lancée des hauteurs.[46]

 

Hosain quitta La Mecque, se dirigeant vers Koûfa, dans l’ignorance de ce qui était arrivé à Mouslim. Ce n'est qu'aux environs de Koûfa qu'il fut mis au courant par des hommes qu'il rencontra, qui l'informèrent et le mirent sur ses gardes. Il ne rebroussa pas chemin et persista dans sa résolution d'arriver à Koûfa, pour des motifs qu'il connaissait mieux que ces hommes. Ibn Ziyâd mit en mouvement contre lui une armée commandée par 'Omar, [47] fils de Sa'd, fils d'Abou Waqqâs. Lorsque les deux partis en vinrent aux mains, Hosain et ses compagnons luttèrent avec un acharnement tel que personne n'assista jamais à pareil spectacle. A la fin, sa troupe fut anéantie, et il resta avec ses serviteurs et sa famille. Le combat atteignit alors un degré inouï de violence. Hosain subit la plus horrible des morts. Il déploya des qualités extraordinaires de patience, d'abnégation, de bravoure, de piété, d'expérience consommée dans l'art de la guerre, d'éloquence. Jamais ses soldats, ni ses partisans (qu’Allah leur soit favorable !) n'ont été dépassés pour le concours matériel et moral qu'ils lui apportèrent, pour le mépris de la vie une fois qu'il ne serait plus là, pour la lutte désespérée qu'ils soutinrent avec ardeur pour le sauver. On dépouilla, on fit prisonniers les hommes de son armée et ses enfants (la paix soit sur eux !). On apporta ensuite les femmes et la tête de Hosain (que les bénédictions d'Allah soient sur lui !) à Yazid, fils de Mouâwiya, à Damas. Il se mit à briser les dents de devant de Hosain avec sa baguette. Puis il renvoya les femmes à Médine. Et le meurtre de Hosain eut lieu le 10 de Mouharram, en l’an 61 (=10 octobre 680).

 

BATAILLE D’AL-HARRA

 

Le deuxième épisode de son règne fut sa lutte avec les habitants de la ville du Prophète (Médine) ; c'est la rencontre d'al-Harra. Le point de départ de ces événements fut le refus des gens de Médine de reconnaître Yazid. Ils le déposèrent, assiégèrent et terrifièrent les Omeyyades qui s'y trouvaient. Ceux-ci envoyèrent un messager à Yazid pour l'informer de leur situation. Lorsqu'à l'arrivée du messager, Yazid connut la conduite des Médinois, il leur appliqua le vers suivant :

 

Ils ont altéré la longanimité qui était dans mon caractère, et j'ai alors remplacé ma douceur envers mon peuple par les mauvais procédés.

 

Ensuite Yazid convia, pour marcher sur Médine, 'Amr, fils de Sa’id, [48] qui ne voulut pas jouer un rôle dans cette affaire, et fit dire à Yazid : « J'ai mis de l'ordre pour toi dans les affaires et les contrées, mais maintenant qu'il s'agit de répandre sur la terre le sang des Qoraichites, je ne voudrais pas d'un tel commandement. » Le choix de Yazid se porta alors sur 'Obeïd Allah, fils de Ziyâd, qui s'excusa et dit : « Non, par Allah ! je ne commettrai point ces deux crimes dans l'intérêt de cet impie : tuer le petit-fils du Prophète et faire incursion tant dans la ville du Prophète que dans la Ka'abah. » Alors Yazid mit en campagne vers Médine Mouslim, [49] fils d’Oqba le Mourrite. C'était un schaïkh avancé en âge, malade, mais l'un des oppresseurs et des démons parmi les Arabes. On prétend que Mouâwiya avait dit à son fils Yazid : « Si les habitants de Médine se révoltent contre toi, oppose-leur Mouslim, fils d’Oqba. » Mouslim, bien que malade, se dirigea vers Médine et l'assiégea du côté d'al-Harra, un endroit situé en dehors de son enceinte. On plaça pour Mouslim, fils d’Oqba, un siège entre les deux armées ; il s'y assit, excitant ses compagnons au combat, jusqu'à ce qu'il se fût emparé de Médine et qu'il eût tué dans cette bataille un grand nombre des notables de cette ville.

 

Il paraît qu'Abou Sa'id al-Khoudrî, [50] un des compagnons du Prophète, [51] eut peur, prit son épée et sortit dans la direction d'une caverne voisine pour y entrer et s'y retrancher. Il y fut poursuivi par un Syrien. Abou Sa'id, pris de crainte, dégaina son épée contre lui pour l’effrayer. L'autre dégaina à son tour, puis s'avança vers Abou Sa’id, qui lui dit : « Si même tu étends ta main vers moi pour me tuer, moi je n'étendrai pas la mienne pour te tuer. — Qui es-tu donc ? reprit le Syrien. — Je suis Abou Sa’id. — Le compagnon du Prophète ? — Oui ! » Le Syrien partit et l'épargna.[52] Puis, Mouslim, fils d'Oqba, livra Médine au pillage pendant trois jours, tua, pilla et fit des prisonniers.

 

On a raconté qu’à la suite de cela, aucun habitant de Médine, en mariant sa fille, n'osait garantir qu'elle fût vierge : « Peut-être, disait-il, a-t-elle été déflorée durant la guerre d'al-Harra. » Et Mouslim, fils d'Oqba, fut surnommé le Prodigue (de sang humain) (Mousirf).[53]

 

EXPEDITION CONTRE LA KA’ABAH.

 

Puis, le troisième acte de Yazid fut son expédition contre la Ka'abah. Il ordonna à Mouslim, fils d’Oqba, de s'y rendre et d'y faire une expédition, lorsqu'il en aurait fini avec Médine. Mouslim s'y dirigea. Or, 'Abd-Allah, fils de Zoubair, s'y trouvait : il avait revendiqué pour lui-même le khalifat et le peuple de La Mecque l'avait suivi. Mouslim mourut en route après avoir désigné comme son successeur à la tête de l'armée un homme[54] que d'avance Yazid lui avait désigné pour le commandement, s'il venait à mourir. Le nouveau chef conduisit l'armée jusqu'à La Mecque, qu'il assiégea. Ibn Zoubair sortit à sa rencontre, à la tête des Mecquois.

 

La lutte s'engagea et voici ce qu'en a dit un poète syrien :

 

C'est un mangonneau, semblable à l’étalon écumant, avec lequel il atteint les bois sacrés[55] de cette mosquée.[56]

 

Ils en étaient là, lorsque la mort de Yazid leur fut annoncée. Ils levèrent le siège.[57]

 

III. — REGNE DE MOUÂWIYA II (64 / 683).

Puis régna Mouâwiya, fils de Yazid, fils de Mouâwiya, un homme jeune et faible.[58] Son règne dura, selon les uns, quarante jours ; selon les autres, trois mois.[59] Ensuite il dit au peuple : « Je suis trop faible pour vous gouverner. J'ai cherché pour vous un homme tel qu’Omar, fils d'al-Khattâb, et je n'en ai pas trouvé. Puis j'ai cherché six hommes, comme les membres du Conseil et je n'en ai pas trouvé. Or, vous avez plus de droit que tout autre à vous occuper de ce qui vous concerne. Choisissez donc dans ce but qui vous voudrez. Pour ma part, je ne veux pas prendre la responsabilité du khalifat avec moi, comme provision de voyage au moment où je vais mourir, alors que je n'en ai pas joui de mon vivant. » Puis il entra dans son palais, demeura invisible quelques jours et mourut. Quelques-uns croient qu'il fut empoisonné. Aucun de ses actes ne mérite d'être signalé.

 

IV. — RÈGNE DE MARVÂN Ier (64/683 — 65/683).

Marvân, qui monta ensuite sur le trône, est Marvân, fils d'al-Hakam, fils d’'Aboul-'As, fils d'Oumayya, fils d'Abd Chams, fils d'Abd Manâf. A la mort de Mouâwiya fils de Yazid, fils de Mouâwiya, il y eut des mouvements divers. Les Syriens voulurent un Omeyyade, les autres désignèrent 'Abd-Allah, fils de Zoubair. Ce furent ceux dont l'opinion était favorable aux Omeyyades qui l'emportèrent. Mais on ne s'accorda pas sur celui d'entre eux auquel on donnerait le pouvoir. Il y en eut qui inclinèrent vers Khalid, [60] fils de Yazid, fils de Mouâwiya, un jeune homme disert et éloquent qui, disait-on, avait réussi à fabriquer la pierre philosophale. D'autres penchèrent pour Marvân, fils d'al-Hakam, à cause de son âge plus avancé, trouvant Khalid trop jeune. Enfin, Marvân fut proclamé khalife. Il commanda les armées et conquit l'Egypte. Il était surnommé « le fils du banni », parce que le Prophète avait banni son père, al-Hakam, [61] de Médine. Lorsqu’Othman, fils d’Afrân, prit le pouvoir, il rappela al-Hakam, ce que des Musulmans désapprouvèrent. Othman prétexta que le Prophète avait promis à al-Hakam de le rappeler. On a rapporté force traditions et récits sur la malédiction prononcée (par Mahomet), contre al-Hakam, fils d’al-'As, et contre tous ses descendants mais certains auteurs déclarent que l'authenticité de ces traditions est faible. Voulait-on jeter le discrédit et le blâme sur Marvân, on lui disait : « O fils de Zarqâ[62] ! » (la femme aux yeux bleus). Or, Zarqâ l’aïeule des wânîdes comptait parmi les femmes qui indiquaient leurs demeures par des drapeaux, comme toutes les prostituées au temps du paganisme. C'est pour cela qu'on leur en faisait un déshonneur.

 

Aussitôt proclamé khalife, il avait épousé la mère de Khalid, la femme de Yazid, fils de Mouâwiya, afin de diminuer le prestige de Khalid et de le mettre ainsi dans une situation inférieure pour un homme qui aspire au khalifat. Khalid entra un jour chez Marvân qui lui dit : « O fils de la femme humide ! » et il le qualifia de sot pour le déconsidérer aux yeux des Syriens. Khalid, tout confus, entra chez sa mère et lui rapporta les propos tenus par Marvân. Elle répondit : « Que personne ne sache que tu m'en as informée. Laisse-moi faire. » Puis, une nuit que Marvân dormait auprès d'elle, elle lui mit sur la figure un coussin qu'elle releva seulement après la mort de son mari.[63] Le fils de Marvân, 'Abd al-Malik, voulut la tuer, mais on lui dit : « Les hommes se raconteront que ton père a été tué par une femme.[64] » Il la laissa en paix. Le règne de Marvân dura à peine plus de neuf mois.[65] Ce fut l'interprétation de la parole de l'Émir des Croyants (Ali) : « Sa puissance durera autant qu'un coup de langue d'un chien sur son nez. »

 

Et ce fut à cette époque que les Chiites vengèrent le meurtre de Hosain.

 

Relation abrégée de cet événement. — Lorsque la guerre civile eut un moment d'arrêt après le meurtre de Hosain et que Yazid, fils de Mouâwiya, fut mort, des hommes de Koûfa se réunirent et regrettèrent d'avoir fait défection à Hosain, de l'avoir combattu, et d'avoir aidé ses meurtriers, après lui avoir envoyé des messagers, l'avoir convié à les rejoindre et lui avoir offert leur concours. Leur repentir les fit surnommer : « les repentants » (at-tawwâboûn).[66] Ils se jurèrent de n’épargner ni leurs vies, ni leurs biens, pour le venger, pour combattre ses meurtriers et pour raffermir le droit sur ses assises en la personne d'un homme appartenant à la famille de leur Prophète. Ils prirent pour chef un des leurs, Soulaimân, [67] fils de Sourad, qui se mit en correspondance avec les Chi’ites dispersés dans les capitales, les appelant au combat. Ils acceptèrent et se joignirent à lui avec célérité. Ce fut alors qu'apparut Moukhtâr, [68] fils d'Abou 'Obeïd le Thaqafite, un homme à l'âme noble, aux pensées élevées, d'une rare distinction. Celui-ci fit de la propagande en faveur de Muhammad, fils d'Ali, fils d'Abou Thâlib, connu sous le nom du fils de la Hanafite. Et ce furent des temps de guerres civiles, car, alors que Marvân était khalife de la Syrie et de l'Egypte, proclamé comme tel, assis sur le trône royal, 'Abd-Allah, fils de Zoubair, était khalife du Hedjaz et de Basra, proclamé comme tel, ayant troupes et armes, et Moukhtâr était à Koûfa, ayant avec lui la population, des troupes et des armes. Il avait expulsé de Koûfa l’émir qui s'y trouvait, et lui avait succédé, invitant à reconnaître Muhammad, le fils de la Hanafite.

 

Puis, Moukhtâr devenu puissant s'attaqua aux meurtriers de Hosain. Il trancha la tête d'Omar, [69] fils de Sa'd, et du fils d’Omar, puis dit : « C'est pour Hosain et pour son père 'Ali ! Et, par Dieu, si je tuais, pour venger Hosain, les deux tiers des Qoraichites, la rançon ne serait pas suffisante pour l'extrémité d'un seul de ses doigts. » Alors Marvân envoya 'Obeïd Allah, fils de Ziyâd, à la tête d'une armée imposante ; Moukhtâr lui opposa Ibrahim, [70] fils de Malik, surnommé al-Achtar, qui tua 'Obeïd Allah dans la région de Mossoul et envoya sa tête à Moukhtâr. Elle fut jetée dans le château, et l'on rapporte qu'un serpent mince sauta sur les têtes des morts, entra dans la bouche d’Obeïd Allah et sortit par une de ses narines, puis il rentra dans une narine et ressortit par sa bouche, et recommença plusieurs fois ce manège.

 

Enfin Abd-Allah, fils de Zoubair, envoya son frère Mous'ab, un brave, vers Moukhtâr, qu'il tua. 167

 

Marvân, fils d'al-Hakam, mourut en l’an 65 (685 de J.-C), et son fils 'Abd al-Malik fut proclamé khalife.

 

V. — RÈGNE D’ABD AL-MALIK, FILS DE MARWAN (65/685 — 86/705).

'Abd al-Malik, qui succéda à son père, était un homme sensé, intelligent, instruit, un prince puissant, inspirant la crainte et imposant, énergique dans sa politique, un habile administrateur des affaires temporelles. Ce fut sous son règne que le registre des dépenses et des recettes fut rédigé, non plus en persan, mais en arabe, et que la comptabilité publique fut, pour la première fois, rédigée selon la méthode arabe.[71] Abd al-Malik fut le premier qui interdit à ses sujets de parler beaucoup en présence des khalifes et de leur répondre. Or, jusque-là, grande était leur audace à leur égard, comme nous l'avons montré plus haut. Ce fut lui aussi qui donna sur le peuple pleins pouvoirs à Hadjdjâdj, fils de Yousouf, qui fit une incursion à la Ka’abah et qui tua successivement Mous'ab et son frère 'Abd-Allah, tous deux fils de Zoubair.

 

Entre autres anecdotes relatives à ces événements, on rapporte que lorsque Yazid, fils de Mouâwiya, avait envoyé son année pour combattre le peuple de Médine et pour envahir la Ka'abah, Abd al-Malik en avait éprouvé la plus vive contrariété et avait dit : « Si seulement le ciel pouvait écraser la terre ! » Puis, devenu khalife, il en fit autant, et plus encore. Car il envoya Hadjdjadj pour cerner Ibn Zoubair et pour envahir La Mecque.

 

Avant d'être khalife, Abd al-Malik avait été un des jurisconsultes éminents de Médine. Il était surnommé « la Colombe de la Mosquée », parce qu'il y passait tout son temps à moduler la lecture du Coran. Lorsque son père mourut, et qu'on lui apporta la bonne nouvelle de son élévation au khalifat, il ferma le livre sacré et dit : « Voici l'heure de la séparation entre moi et toi. »

 

Puis il se consacra aux affaires de ce monde, et un jour, parait-il, il dit à Sa'id, [72] fils d'al-Mousayyab : « O Sa'id, j'en suis venu au point que je fais le bien sans en être réjoui, et le mal sans en être affligé. » Sa'id, fils d'al-Mousayyab, lui répondit : « Eh bien ! maintenant la mort du cœur est complète chez toi. »

 

C'est du temps d’Abd al-Malik que furent tués 'Abd-Allah, fils de Zoubair, et son frère Mous'ab, l'émir de l'Iraq.

 

Quant à 'Abd-Allah, fils de Zoubair, il s'était retranché à La Mecque, et avait été proclamé khalife par les habitants du Hedjaz et de l'Iraq. Il était d'une avarice sordide qui l'empêcha de réussir dans ses entreprises. Abd al-Malik envoya contre lui Hadjdjâdj, qui mit le siège devant La Mecque, se servit de balistes pour atteindre la Ka’abah et livra des combats à Abd-Allah. Celui-ci, trahi tant par ses parents que par ses partisans, alla trouver sa mère et lui dit : « O ma mère, j'ai été abandonné par tout le monde, y compris mes fils et mes femmes ; il ne m'est resté que quelques fidèles, et encore ne puis-je compter de leur part que sur une patience momentanée. Or, mes ennemis m'accorderont toutes les faveurs d'ici-bas que je demanderai. Quel est ton avis ? » Elle lui répondit : « Tu te connais mieux que personne. Si tu sais que tu luttes pour une juste cause, poursuis ce que tu as commencé, et ne plie pas ton cou devant les hommes de rien que sont les Omeyyades. Si tu ne veux que les biens de ce monde, quel mauvais serviteur d'Allah tu es, et tu auras été l'artisan de ta propre perte (dans la vie future) et de celle de tes compagnons. Crois-tu t'éterniser dans ce monde ? Mieux vaut la mort ! » Il reprit : « O ma mère, je crains, s'ils me tuent, qu'ils ne me mutilent. — Mon cher enfant, répondit-elle, la brebis, après avoir été égorgée, n'éprouve aucune déception lorsqu'on la dépouille. » Elle ne cessa pas de l'exciter ainsi et par de tels propos, jusqu'à ce qu'il fit une sortie, soutînt une lutte opiniâtre et 169 fût tué. Hadjdjâdj fit porter aussitôt cette heureuse nouvelle à 'Abd al-Malik. Ce fut en l'an 73 (= 692 de J.-C.).[73]

 

Le frère d'Abd-Allah, Mous'ab, fils de Zoubair, émir de l'Iraq, était brave, puissant, comblé d'éloges. Il épousa Soukaina, [74] fille de Hosain, et 'Aïcha, fille de Talha. Il les réunit toutes deux avec lui dans sa maison et elles comptaient parmi les grandes dames, les plus riches et les plus belles. Un jour, Abd al-Malik dit à ses compagnons : « Qui est le plus courageux des hommes ? — Toi, répondirent-ils. — Cela n'est pas, dit le khalife, mais le plus courageux des hommes est celui qui a réuni dans sa maison 'Aïcha, fille de Talha, et Soukaina, fille de Hosain. » Il désignait ainsi Mous'ab.

 

Plus tard, Abd al-Malik, lorsqu'il se prépara à combattre Mou'sab, prit congé de sa femme Atika, [75] fille de Yazid, fils de Mouâwiya. Au moment de la séparation elle pleura, et ses serviteurs pleurèrent en la voyant pleurer. 'Abd al-Malik dit : « Puisse Allah combattre Kouthaiyyîr, [76] l'amoureux d’Azza ! On dirait qu'il a assisté à la scène que voici, lorsqu'il a dit :

 

Veut-il faire une incursion, sa pensée ne s'en laisse point détourner par une femme chaste, qu'orne un collier de perles.

 

Elle lui avait interdit le départ, et, lorsqu'elle a vu l’inutilité de son interdiction, elle a pleuré, et son entourage a pleuré de son affliction.

 

Puis, Abd al-Malik s'élança pour combattre Mous'ab et se rencontra avec lui dans la région du Petit-Tigre. Après un combat acharné, Mous'ab fut tué en l’an 71 (= 690).[77]

 

'Abd al-Malik avait de l’instruction, de la finesse, des qualités éminentes. Cha'bî[78] a dit : « Je ne me suis entretenu avec personne, dont je ne me sois senti le supérieur, à l'exception d'Abd al-Malik, fils de Marvân. Car je ne lui ai jamais raconté une tradition sans qu'il prit ajouter à mes informations, ni un fragment de poésie dont il ne connut le complément.[79] »

 

On dit à Abd al-Malik : « La vieillesse s’est avancée vers toi à pas rapides. — Ce qui ma vieilli, répondit-il, c'est l'abus de la prédication, la crainte de laisser échapper quelque incorrection de langage. » Les incorrections du langage étaient considérées par les Arabes comme la pire des laideurs.

 

Et, entre autres opinions sages qu’Abd al-Malik exprima, je citerai le conseil que, jeune encore, il donna à Mouslim, fils d'Oqba le Mourrite, lorsque celui-ci fut envoyé par Yazid, fils de Mouâwiya, pour combattre les habitants de Médine. Mouslim arriva à cette ville, où les Omeyyades avaient d'abord été bloqués, puis expulsés. Dès qu'il les rencontra, Mouslim, fils d’Oqba, prit conseil d'Abd al-Malik, fils de Marvân, qui était alors un tout jeune homme. « Mon avis, répondit-il, est que tu fasses avancer tes troupes, et lorsque tu seras parvenu aux premiers palmiers de Médine, tu t'y arrêteras ; tes soldats y camperont à l'ombre et mangeront les meilleurs fruits de ces arbres. Le lendemain, dès l'aurore, tu te remettras en marche, tu laisseras Médine à ta gauche, puis tu la contourneras jusqu'à ce que, te dirigeant vers l'est, tu atteignes l'ennemi du côté d'al-Harra. Puis, tu te trouveras en face de tes ennemis ; et à ce moment, lorsque le soleil montera à l'horizon, il sera derrière les épaules de tes compagnons sans leur causer aucun dommage. Bien mieux, il incommodera les Médinois qui verront briller vos casques, les pointes de vos lances, vos épées et vos cottes de mailles, ce que vous ne verrez pas chez eux, tant qu'ils resteront à l'ouest (face au soleil). Puis combats-les, et remets-t'en au secours d'Allah ! »

 

'Abd al-Malik dit, un jour, à ses commensaux : « Que pensez-vous de ce qu'a dit le poète[80] :

 

J'aimerai éperdument Da'd, tant que je vivrai ; et si je meurs, malheur à celui qui l'aimerait éperdument après moi !

 

— Belle idée ! s'écrièrent-ils. — C'est là un mort, dit 'Abd al-Malik, qui dépasse la mesure permise. Je ne trouve point une telle idée bien fine. — Tu as raison, reprirent-ils tous. — Mais comment aurait-il convenu qu'il s'exprimât ?» dit à son tour 'Abd al-Malik. L'un d'eux[81] prit la parole en ces termes : « Il aurait convenu qu'il s'exprimât ainsi :

 

J'aimerai éperdument Da'd, tant que je vivrai ; et si je meurs, je confierai Da'd à qui l'aimera éperdument après moi !

 

— Voilà, dit 'Abd al-Malik, un mort complaisant ! — Comment, demandèrent les commensaux, aurait-il convenu qu'il s'exprimât ? — Comme suit, reprit Abd al-Malik :

 

J'aimerai éperdument Da'd, tant que je vivrai, et si je meurs, puisse Da'd ne faire le bonheur d'aucun amant après moi !

 

— C'est toi, dirent-ils, ô Émir des Croyants, qui es vraiment le plus poète des trois. »

 

Lorsque la maladie d'Abd al-Malik s'aggrava, il dit : « Montez-moi sur une hauteur. » Ils le montèrent sur un endroit élevé, où il se mit à humer l'air, puis il dit : « O vie de ce monde, que tu es douce ! Ta plus longue durée n'est que brièveté, et ce que tu crois donner en grande quantité n'est que misère. Que d'illusions nous nous faisions sur toi ! » Et il appliqua les deux vers suivants :

 

Si tu épluches les comptes, ô mon Maître, ton examen minutieux entraînera un châtiment. Je ne puis supporter le châtiment.

 

Ou, si tu pardonnes, tu seras un Maître miséricordieux pour un homme coupable, dont les péchés sont nombreux comme les grains de poussière.

 

Lorsqu’Abd al-Malik mourut, son fils Walid dit sur lui les prières des morts ; c'est à quoi Hicham, son autre fils, appliqua cette parole :

 

La mort de Qais n'a pas été la mort d'un homme, mais c'est tout l'édifice d'un peuple qui s'est écroulé.[82]

 

Walid dit à Hicham : « Tais-toi, car tu tiens le langage d'un Satan. Que n'as-tu dit, avec l'autre :

 

Lorsqu'un seigneur parmi nous s'en va, il se lève un seigneu

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Uploaded on August 20, 2013
Taken on August 20, 2013