L'esthétique d'une décomposition, la décomposition d'un espace de vie, d'une histoire sociétale, d'histoires humaines...

Laisser se décomposer une partie de la réalité, c'est tourner la tête ailleurs vers d'autres horizons plus propres et oublier. Le contexte d'aujourd'hui est propice aux disparitions de vécus, d'histoires, qui ne présentent selon nos codes aucun intérêt ni politique, ni artistique…

 

Putréfaction d'un espace ou la vie et la mort s'entrechoquent, la putréfaction dévoreuse d'histoires d'hommes et de femmes, histoires abandonnées, interdites au souvenir. La mémoire de ces lieux et de ces temps s'efface sur la pointe des pieds. Décomposition d'une culture industrielle, capitaliste qui ne doit être dévoilée, destinée à disparaître à jamais comme si de rien n'avait été. Ces espaces spatio-temporels sont jetés à l'usure du temps qui efface toutes traces. Enfouir, effacer, oublier pour ne pas culpabiliser.

Photographier ces lieux abandonnés au temps afin d'y retrouver des empreintes d'histoires, des vécus de gens ordinaires, une culture du travail, d'imaginer des atmosphères, pour qu'on se souviennent.

Photographier des vécus qui se décomposent secrètement. La décomposition a sa propre esthétique, dérangeante. Une esthétique refusée car moche au regard des codes de la beauté de nos sociétés modernes, mais aussi en rapport à l'histoire de notre culture capitaliste. L'esthétique de la honte, de la culpabilité et finalement de la pourriture. Tous responsables, tous exploiteurs des uns et des autres pour consommer, consommer encore et encore sans jamais regarder derrière soi un décors de désolation. Et pourtant, cette esthétique vraie si singulière remplit notre quotidien. Le beau consommé n'est que la métamorphose de cette esthétique de la décomposition. Un beau factice qui n'est que perception, qu'un emballage. Une société construite sur la décomposition ne peut que finalement se décomposer à son tour et devenir déchet.

Non, il ne s'agit pas d'une attirance pour le morbide, mais plutôt de comprendre et de partager pour accompagner le spectateur-consommateur à se tourner vers l'irregardable, le souvenir qu'il faut oublier, la décomposition de la matière et de notre culture, à regarder dans les yeux sa honte pour la métamorphoser, la sublimer comme un possible espoir d'un demain meilleur.

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Testimonials

Quelle belle entrée en matière que ce texte d'introduction à la fois réfléchi et rigolo.

June 29, 2019