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Basilique Sant' Angelo in Formis à Capoue
Basilique romane de Sant’ Angelo in Formis ; commune de Capoue, province de Caserte, région de Campanie, Italie
C’est un édifice basilical sans transept, subdivisé en trois nefs, suivies de trois absides, par deux rangées de colonnes libres (sept de chaque côté) sur lesquelles retombent huit arcs en plein cintre.
La construction est précédée d’un porche à cinq arcs brisés soutenus par de grosses colonnes de remploi; l’arc central est sensiblement plus haut et plus large que les arcs latéraux. Les fenêtres des absides, trois dans l’abside centrale et une dans les latérales, ont été obturées afin de disposer de toute la surface pour la décoration picturale à l’intérieur. Il s’agit évidemment d’une modification du projet originel exécutée à une époque immédiatement postérieure à l’achèvement de construction, comme le montre (au moins pour l’abside centrale et celle de gauche) la parfaite identité du matériau employé. …
… Avant d’en venir à l’analyse de la décoration du porche et de l’intérieur, jetons un bref regard sur le clocher. Construit sur plan carré en retrait par rapport à la façade du porche, ce campanile semble contemporain de la basilique. C’est en effet à un moment assez voisin de la renaissance classiciste de l’art figuratif, survenue en Campanie vers la fin du XIe siècle, que renvoient les motifs décoratifs sculptés le long de la corniche qui sépare le premier registre du second. La présence de certains éléments de nature nettement dassicisante (denticules, cordelière et oves), parfaitement combinés avec des motifs végétaux de divers genres, offre des points de comparaison précis avec des solutions analogues (par exemple sur les portails de la cathédrale d’Aversa) datables avec certitude des vingt dernières années du XIe siècle. Une telle combinaison, légèrement simplifiée toutefois, se retrouvera dans les corniches extérieures de la nef et du transept de la cathédrale de Calvi, de trente ou quarante ans plus tardive. …
Ne subsistant qu’aux deux tiers de sa hauteur, le campanile avait un troisième étage légèrement en retrait (d’après certaines aquarelles de G. Carelli) et se terminait par une « petite coupole ou chapeau d’une très grande beauté à son sommet et par une croix ».
Les fresques qui ornent l’église à l’intérieur constituent la manifestation la plus importante, en quantité et en qualité, des tendances formelles apportées au Mont-Cassin par les mosaïstes byzantins. Homogènes entre elles, c’est-à-dire certainement de la même époque, on en peut fixer la date avec certitude entre 1072 et 1087. En effet, sur l’abside, l’abbé Desiderius est figuré avec un nimbe rectangulaire qui, dans la coutume médiévale, voulait dire explicitement que le personnage en question était vivant …. Le riche programme de la campagne décorative, qui recouvre encore aujourd’hui la presque totalité des parois disponibles, s’articule de la façon suivante : dans l’abside centrale, entouré des symboles des évangélistes, trône le Christ en majesté donnant la bénédiction (sur son livre le verset à nette référence eschatologique montre une des « incompréhensions » … dues à des peintres locaux, de celle sorte que l’oméga qui, en même temps que l’alpha, est le symbole du commencement et de la fin des temps, est figuré à tort comme un omicron. Au registre inférieur sont figurés en vraie grandeur les trois archanges, l’abbé Desiderius offrant le modèle architectural réduit de l’église, et (entièrement repeint) saint Benoît. Sur les écoinçons de l’arc d’entrée de l’abside, deux séraphins. Les trois registres de chacune des parois de la nef centrale se subdivisent en cadres où sont (ou étaient) représentées des scènes au contenu christologique, disposées dans leur ensemble comme dans les basiliques paléochrétiennes (par exemple à Saint-Paul-hors-les-Murs), Ces scènes commençaient au registre supérieur du mur de droite près de l’abside. De là, se développant dans le sens de l’écriture, elles arrivaient au mur d’entrée et de là, passant sur le mur opposé, elles retournaient vers l’abside. De nouveau sur le mur de droite elles se
poursuivaient au registre médian pour se terminer enfin, en suivant la même progression, auprès de l’abside au terme du troisième registre. Bien que les scènes initiales soient totalement perdues, on peut faire crédit à l’hypothèse que formule avec justesse M. de Jerphanion, et qui voit dans l’Annonciation la première scène et dans les autres récits de l’enfance du Christ les scènes qui suivent immédiatement; ce qui termine la longue séquence, c’est l’Ascension, développée sur les deux registres inférieur et médian. Au revers de la façade, sur la paroi tout entière est peinte une majestueuse représentation du jugement dernier (la figure du Christ-Juge y est malheureusement repeinte de façon irrémédiable), Sur les écoinçons entre les arcs sont figurés des prophètes, parmi lesquels trouve place même la sibylle Éri- thrée. Chaque prophète tient un cartouche dont les versets permettent des références précises aux scènes qui les surmontent, présentant ainsi cette concordantia Veteris et Novi Testament qui, dans l’art chrétien, nous est connue dès ses réalisations monumentales originelles (à Rome comme à Ravenne) mais qui, dans le milieu oriental et particulièrement dans le célèbre manuscrit syriaque (VIe siècle) aujourd’hui à Rossano Calabro, se présente dans les formes les plus proches de cette concordance campanienne (de Francovich). Sur l’absidiole de droite (celle qui lui correspondait à gauche a disparu) figure le buste de la Vierge à l’Enfant entre deux anges, au-dessus d’un registre inférieur avec des saints martyrs. Sur les murs des collatéraux (en y incluant les parties latérales du revers de la façade) se déploie, fort incomplet, sur deux registres le cycle vétéro-testamentaire. Une scène y est étrangère par son thème : le martyre de saint Pantaléon, sur le registre inférieur au mur occidental du côté gauche (en entrant dans l’église). Sur les écoinçons des deux collatéraux sont peints enfin les figures de saints de l’ordre bénédictin et de saintes. L’état de conservation des fresques, bien que bon en général (les zones altérées ayant été repeintes), a été cependant gâché par les restaurations des années 30, En effet, comme on l’a révélé seulement récemment (Thiery) et comme le prouve la comparaison entre les photos antérieures aux années 30 et l’état actuel, à cette occasion, on a enlevé par un lavage malheureux les glacis à la détrempe qui faisaient partie intégrante de la contexture dernière de l’œuvre. Il s’ensuit que les scènes maltraitées en question (de la partie droite de la Crucifixion jusqu’à l’Ascension, y compris les figures des prophètes) présentent un caractère estompé et une légèreté de couleur nullement voulus par le peintre. Malgré cela subsiste la possibilité de distinguer les « mains » des nombreux peintres qui, tous membres d’une équipe unique d’où émergent quelques « maîtres » plus vigoureux (parmi lesquels ceux qui ont travaillé, par exemple, sur le cul-de-four de l’abside ou dans la scène de la Samaritaine au puits) durent exécuter le travail en un temps relativement court. Leur formation artistique, pour la compréhension de laquelle la perte de la décoration cassinaise est sans remède, est substantiellement d’origine byzantine, teintée cependant de reflets provenant des manières de faire occidentales (tant dans l’iconographie, par exemple dans le thème même de l’abside, que pour les composantes du style, par exemple dans les bandes polychromes servant de fond aux scènes). … A l’extérieur, le décor pictural couvre les deux tympans au fond de l’arcade centrale et les quatre qui correspondent aux arcades latérales du porche. Le tympan supérieur, … porte l’image de la Vierge en majesté à l’intérieur d’une gloire soutenue par deux anges en plein vol (celui de droite est entièrement repeint); le tympan inférieur, encore en place, représente l’archange Michel en buste. Les étroites coïncidences de style entre l’un et l’autre ont toujours porté les historiens de l’art à leur donner une même date. Celle-ci doit se situer en un second temps par rapport à la campagne désidérienne de travaux, du fait que la fresque de la Vierge se superpose à une autre dont des traces fragiles ont été révélées à la suite de la dépose (dans la partie basse du tympan sur la droite). …
(extrait de : Campanie romane ; Mario d’Onofrio, Ed. Zodiaque, Coll. La nuit des Temps, 1981, pp. 169-178)
Coordonnées GPS : N41.118396 ; E14.260211
Basilique Sant' Angelo in Formis à Capoue
Basilique romane de Sant’ Angelo in Formis ; commune de Capoue, province de Caserte, région de Campanie, Italie
C’est un édifice basilical sans transept, subdivisé en trois nefs, suivies de trois absides, par deux rangées de colonnes libres (sept de chaque côté) sur lesquelles retombent huit arcs en plein cintre.
La construction est précédée d’un porche à cinq arcs brisés soutenus par de grosses colonnes de remploi; l’arc central est sensiblement plus haut et plus large que les arcs latéraux. Les fenêtres des absides, trois dans l’abside centrale et une dans les latérales, ont été obturées afin de disposer de toute la surface pour la décoration picturale à l’intérieur. Il s’agit évidemment d’une modification du projet originel exécutée à une époque immédiatement postérieure à l’achèvement de construction, comme le montre (au moins pour l’abside centrale et celle de gauche) la parfaite identité du matériau employé. …
… Avant d’en venir à l’analyse de la décoration du porche et de l’intérieur, jetons un bref regard sur le clocher. Construit sur plan carré en retrait par rapport à la façade du porche, ce campanile semble contemporain de la basilique. C’est en effet à un moment assez voisin de la renaissance classiciste de l’art figuratif, survenue en Campanie vers la fin du XIe siècle, que renvoient les motifs décoratifs sculptés le long de la corniche qui sépare le premier registre du second. La présence de certains éléments de nature nettement dassicisante (denticules, cordelière et oves), parfaitement combinés avec des motifs végétaux de divers genres, offre des points de comparaison précis avec des solutions analogues (par exemple sur les portails de la cathédrale d’Aversa) datables avec certitude des vingt dernières années du XIe siècle. Une telle combinaison, légèrement simplifiée toutefois, se retrouvera dans les corniches extérieures de la nef et du transept de la cathédrale de Calvi, de trente ou quarante ans plus tardive. …
Ne subsistant qu’aux deux tiers de sa hauteur, le campanile avait un troisième étage légèrement en retrait (d’après certaines aquarelles de G. Carelli) et se terminait par une « petite coupole ou chapeau d’une très grande beauté à son sommet et par une croix ».
Les fresques qui ornent l’église à l’intérieur constituent la manifestation la plus importante, en quantité et en qualité, des tendances formelles apportées au Mont-Cassin par les mosaïstes byzantins. Homogènes entre elles, c’est-à-dire certainement de la même époque, on en peut fixer la date avec certitude entre 1072 et 1087. En effet, sur l’abside, l’abbé Desiderius est figuré avec un nimbe rectangulaire qui, dans la coutume médiévale, voulait dire explicitement que le personnage en question était vivant …. Le riche programme de la campagne décorative, qui recouvre encore aujourd’hui la presque totalité des parois disponibles, s’articule de la façon suivante : dans l’abside centrale, entouré des symboles des évangélistes, trône le Christ en majesté donnant la bénédiction (sur son livre le verset à nette référence eschatologique montre une des « incompréhensions » … dues à des peintres locaux, de celle sorte que l’oméga qui, en même temps que l’alpha, est le symbole du commencement et de la fin des temps, est figuré à tort comme un omicron. Au registre inférieur sont figurés en vraie grandeur les trois archanges, l’abbé Desiderius offrant le modèle architectural réduit de l’église, et (entièrement repeint) saint Benoît. Sur les écoinçons de l’arc d’entrée de l’abside, deux séraphins. Les trois registres de chacune des parois de la nef centrale se subdivisent en cadres où sont (ou étaient) représentées des scènes au contenu christologique, disposées dans leur ensemble comme dans les basiliques paléochrétiennes (par exemple à Saint-Paul-hors-les-Murs), Ces scènes commençaient au registre supérieur du mur de droite près de l’abside. De là, se développant dans le sens de l’écriture, elles arrivaient au mur d’entrée et de là, passant sur le mur opposé, elles retournaient vers l’abside. De nouveau sur le mur de droite elles se
poursuivaient au registre médian pour se terminer enfin, en suivant la même progression, auprès de l’abside au terme du troisième registre. Bien que les scènes initiales soient totalement perdues, on peut faire crédit à l’hypothèse que formule avec justesse M. de Jerphanion, et qui voit dans l’Annonciation la première scène et dans les autres récits de l’enfance du Christ les scènes qui suivent immédiatement; ce qui termine la longue séquence, c’est l’Ascension, développée sur les deux registres inférieur et médian. Au revers de la façade, sur la paroi tout entière est peinte une majestueuse représentation du jugement dernier (la figure du Christ-Juge y est malheureusement repeinte de façon irrémédiable), Sur les écoinçons entre les arcs sont figurés des prophètes, parmi lesquels trouve place même la sibylle Éri- thrée. Chaque prophète tient un cartouche dont les versets permettent des références précises aux scènes qui les surmontent, présentant ainsi cette concordantia Veteris et Novi Testament qui, dans l’art chrétien, nous est connue dès ses réalisations monumentales originelles (à Rome comme à Ravenne) mais qui, dans le milieu oriental et particulièrement dans le célèbre manuscrit syriaque (VIe siècle) aujourd’hui à Rossano Calabro, se présente dans les formes les plus proches de cette concordance campanienne (de Francovich). Sur l’absidiole de droite (celle qui lui correspondait à gauche a disparu) figure le buste de la Vierge à l’Enfant entre deux anges, au-dessus d’un registre inférieur avec des saints martyrs. Sur les murs des collatéraux (en y incluant les parties latérales du revers de la façade) se déploie, fort incomplet, sur deux registres le cycle vétéro-testamentaire. Une scène y est étrangère par son thème : le martyre de saint Pantaléon, sur le registre inférieur au mur occidental du côté gauche (en entrant dans l’église). Sur les écoinçons des deux collatéraux sont peints enfin les figures de saints de l’ordre bénédictin et de saintes. L’état de conservation des fresques, bien que bon en général (les zones altérées ayant été repeintes), a été cependant gâché par les restaurations des années 30, En effet, comme on l’a révélé seulement récemment (Thiery) et comme le prouve la comparaison entre les photos antérieures aux années 30 et l’état actuel, à cette occasion, on a enlevé par un lavage malheureux les glacis à la détrempe qui faisaient partie intégrante de la contexture dernière de l’œuvre. Il s’ensuit que les scènes maltraitées en question (de la partie droite de la Crucifixion jusqu’à l’Ascension, y compris les figures des prophètes) présentent un caractère estompé et une légèreté de couleur nullement voulus par le peintre. Malgré cela subsiste la possibilité de distinguer les « mains » des nombreux peintres qui, tous membres d’une équipe unique d’où émergent quelques « maîtres » plus vigoureux (parmi lesquels ceux qui ont travaillé, par exemple, sur le cul-de-four de l’abside ou dans la scène de la Samaritaine au puits) durent exécuter le travail en un temps relativement court. Leur formation artistique, pour la compréhension de laquelle la perte de la décoration cassinaise est sans remède, est substantiellement d’origine byzantine, teintée cependant de reflets provenant des manières de faire occidentales (tant dans l’iconographie, par exemple dans le thème même de l’abside, que pour les composantes du style, par exemple dans les bandes polychromes servant de fond aux scènes). … A l’extérieur, le décor pictural couvre les deux tympans au fond de l’arcade centrale et les quatre qui correspondent aux arcades latérales du porche. Le tympan supérieur, … porte l’image de la Vierge en majesté à l’intérieur d’une gloire soutenue par deux anges en plein vol (celui de droite est entièrement repeint); le tympan inférieur, encore en place, représente l’archange Michel en buste. Les étroites coïncidences de style entre l’un et l’autre ont toujours porté les historiens de l’art à leur donner une même date. Celle-ci doit se situer en un second temps par rapport à la campagne désidérienne de travaux, du fait que la fresque de la Vierge se superpose à une autre dont des traces fragiles ont été révélées à la suite de la dépose (dans la partie basse du tympan sur la droite). …
(extrait de : Campanie romane ; Mario d’Onofrio, Ed. Zodiaque, Coll. La nuit des Temps, 1981, pp. 169-178)
Coordonnées GPS : N41.118396 ; E14.260211